Crise sanitaire oblige, les cérémonies, habituellement organisées pour la Fête nationale espagnole, ont été réduites à leur plus simple expression. En présence du gouvernement et aux côtés de sa famille, le roi Felipe VI a passé en revue quelques régiments réunis sur la Plaza de la Arméria. Un « Día de la Hispanidad » marqué par une remise en cause de la monarchie par Podemos et une bataille politique sans précédents entre la coalition au pouvoir et une opposition très critique sur la gestion du covid-19 en Espagne. L’occasion pour la « Plataforma de Medios Independientes (PMI) » de publier un nouveau sondage surprenant sur la vision que les espagnols ont de la monarchie et du fils du roi émérite Juan-Carlos.
C’est une cérémonie réduite à sa simple expression qui a été organisée, le 12 octobre, jour de la Fête de l’Hispanité (« Día de la Hispanidad » ). En passant devant les membres du gouvernement et les leaders de l’opposition, tous alignés en rang d’oignon sur la Plaza de la Arméria, le roi Felipe VI s’est arrêté un très bref instant devant le leader de Podemos, Pablo Iglesias, et l’a salué militairement. Le geste est symbolique mais lourd de signification. Le leader de Podemos, cheveux noués en chignon sur la tête, n’a rien dit et baissé quelque peu la tête. Vice-Premier ministre de l'actuel gouvernement, Pablo Iglesias a publiquement remis en cause la monarchie Bourbon en réclamant la mise en place d’un référendum sur la question des institutions. Felipe VI, monté sur le trône en 2014 après l’abdication de son père, ne cesse d’affronter des crises diverses qui secouent la royauté espagnole restaurée après la mort du Général Franco, il y a 45 ans. Crises familiales et crises politiques se succèdent les unes après les autres, l’unité de l’Espagne est désormais menacée par les velléités indépendantistes des catalans et d'autres qui ont moins d'échos. Passage en revue des différents régiments, le roi Felipe VI a assisté avec ses deux filles, les infantes Léonor (14 ans) et Sofia (13 ans), son épouse à la reine Letizia , à la levée du drapeau sang et or avant de déposer une gerbe de fleur au bas du mât.
« Vive le roi, démission du gouvernement ». A l’extérieur de la Plaza de la Arméria, le mouvement conservateur Vox, dirigé par le député Santiago Abascal, a mobilisé ses partisans. Ils sont quelques centaines, agitant des drapeaux espagnols ou d’autres ornés de la croix de Bourgogne, à conspuer le gouvernement. La situation politique s’est récemment crispée avec la mise en confinement partiel de la capitale, Madrid. Dans un concert de klaxons, les partisans de la monarchie, auxquels se sont mêlés les franquistes, ont manifesté contre cette décision qui a tendu les relations entre la coalition de Gauche et l’opposition menée par le Parti Populaire (PP) du député Pablo Casado. Lequel a dernièrement accusé le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez de ne pas assez défendre la monarchie attaquée régulièreement par ses alliés. Sur les comptes Twitter de chacun des politiciens venus participer à la cérémonie, par conviction, devoir ou obligation, c’est à qui montrera le plus d'attachement à l’Espagne, aux Bourbons et la nation. Ou non. Le roi, faisant fi des querelles, n’hésite pas à adresser un mot à tous. Toute la dignité du monarque s’incarne ici par sa seule stature et ne laisse personne indifférent. Le Premier ministre Pedro Sanchez a publié un message sobre, appelant à une « Espagne solidaire, ouverte, plurielle, qui progresse sans laisser personne de côté ». Absents des cérémonies, lehendakari, Iñigo Urkullu le président du Pays basque et Pere Aragonès, président de la Généralité de Catalogne. Tous deux des indépendantistes notoires.
Les sondages sur la monarchie se sont multipliés. Ils sont majoritairement favorables au roi mais les résultats oscillent en fonction des affaires qui éclatent ci et là. La Fête nationale a été de nouveau l’occasion pour la « Plateforme média indépendante (PMI) » d’en publier un énième, différent des autres. Une fois encore le souverain et sa mère, la reine émérite Sofia de Grèce, tirent leurs épingles du jeu. Avec une note de 6/10, le travail effectué au quotidien par ces deux membres de la famille royale est salué par leurs concitoyens. Pour les espagnols, Felipe VI a acquis le leadership et une bonne vision politique qui lui permet de sécuriser la monarchie et « l’intégrité du trritoire ». Pourtant 78% des espagnols demandent que le roi soit jugé sur ses actes et 52% réclament une réforme de la Constitution qui premettrait la suppression de cet article qui stipule que la « personne du souverain est inviolable ». Un changement des mentalités, une républicanisation des esprits qui intervient avec l’affaire Juan Carlos accusé de corruption, noyé dans un sombre scandale financier qui l’a contraint à partir en exil dans les Emirats arabes unis. A ce propos, les espagnols sont divisés sur l’attitude du roi Felipe VI. 48% d’entre eux sont persuadés que le fils de Juan Carlos était au courant de ces commissions occultes mais parallèlement, ils sont tout autant à penser qu’il n’en a pas bénéficié, louant son « honnêteté ».
Dans une vidéo, plus de 180 personnes ont profité des festivités pour renouveler leur fidélité au roi. Parmi ceux-ci figurent des politiciens comme l'ancien président du gouvernement Mariano Rajoy, des dirigeants de partis comme Pablo Casado, Inés Arrimadas ou Santiago Abascal, des journalistes comme Arcadi Espada, Carlos Herrera ou Herman Terstch, des chanteurs comme Plácido Domingo, des présidents de communautés autonomes comme Isabel Díaz Ayuso ou Emiliano García-Page, des toreros comme Francisco Rivera Ordóñez ou des écrivains comme Mario Vargas Llosa. Principalement des figures de la gauche modérée ou de droite. C’est d’ailleurs dans cette dernière étiquette que les espagnols classent le roi. Pour 42% des espagnols, le roi est soit un conservateur proche de Vox, 29% le situent dans la droite du Parti Populaire quand d'autres pensent qu'il à l’extrême-droite, soit 13% des sondés. Pures spéculations, le roi Felipe VI est au-dessus des partis et demeure un arbitre incontournable de la vie politique espagnole. Preuve en est, ses nombreuses interventions afin de départager les partis lors d 'élections législatives aux résultats kafkaiens. Et peu importe que ce sondage montre les républicains et les monarchistes coudes à coudes, le roi Felipe VI s’est de nouveau imposé naturellement lors de ce 12 octobre. Un « Día de la Hispanidad » décidément sous tension pour le souverain qui fait l'admiration et force le respect de tous. Y compris de ses détracteurs.
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