Mis sous pression lors de leur visite à Paiporta, ville durement touchée par les intempéries, les souverains espagnols ont affronté avec dignité comme humilité la colère des habitants et suscité l'admiration de tous. Une monarchie redevenue solide sur ses bases qui apparaît désormais comme un phare dans la tempête pour les Espagnols.
C’est une visite riche en émotion vécue par la monarchie espagnole, le 3 novembre 2024. En se rendant à Paiporta, particulièrement touchée par de fortes intempéries qui ont frappé l'Est et le Sud de l'Espagne, le roi Felipe VI ( 56 ans) et la reine Letizia (52 ans), accompagnés du Premier ministre Perdro Sanchez et du Président de la région de Valence, Carlos Mazón, ne s’attendaient pas à subir une telle animosité de la part des 30 000 habitants de cette ville.
Une population épuisée et en colère
Paiporta s'estime abandonné par le gouvernement régional depuis plusieurs jours, leur irritation s’est muée en colère violente. Jets de boue, de pierres, de bâtons, insultes, les souverains Espagnols se sont abrités sous un parapluie avant que le Premier ministre et le président de la région de Valence, hués et agressés, ne soient contraints de s’enfuir sous l'oeil incrédule des caméra, laissant le monarque et son épouse face à leurs sujets irrités. Loin de perdre son sang-froid, Felipe VI et Letizia sont allés à la rencontre des habitants, dont la plupart ont aussi bien perdu leurs habitations que des membres de leur famille (les inondations auraient causé la mort de 250 personnes).
A peine protégés par quelques gardes du corps, sous le regard des télévisions qui suivaient le déplacement royal en direct, les Espagnols ont pu assister à des scènes incroyables. Assurant le roi et la reine que leur colère n’était pas dirigée contre l’institution monarchique, plusieurs habitants de Paiporta se réfugiant dans les bras du roi, l’ont imploré de les aider tout en fustigeant l’incompétence du gouvernement, discutant avec lui en toute simplicité. Au bord des larmes, le visage tiré, la reine a recueilli les doléances de ses compatriotes, dont certains ont souhaité immortaliser cette visite par des selfies avec les monarques. Une empathie royale qui a marqué les esprits « Je n'ai jamais vu le roi, ni son père, Juan Carlos, ni aucun roi européen oser du corps à corps avec des gens indignés, au milieu des bâtons, des imprécations, des cris. », a déclaré Pilar Eyre, journaliste et auteur d’une biographie sur la reine Sofia.
L'attitude du roi Felipe VI suscite l'admiration de tous
Débutée sous de mauvais hospices, la visite a finalement suscité l’admiration des médias qui n'ont pas été avares de propos dithyrmbiques sur leurs souverains. « Felipe VI a non seulement montré du courage, et compris que le peuple en souffrance avait besoin de sa présence et de sa protection symbolique, au moment même où toutes les administrations sont montrées du doigt. », n’a pas hésité à écrire avec admiration le quotidien El Espanol. Le même qui a commandé un sondage des plus explicites. Les rois d’Espagne font l’unanimité face à des gouvernants décriés. 78% des habitants de Valence et 76% des Espagnols approuvent l'attitude du roi et de la reine qui ont très bien géré la crise qui a éclaté durant leur visite, selon eux. Pedro Sanchez et Carlos Mazón sont fustigés par les Espagnols qui réclament leur démission. Un mécontentement général qui ne va pas arranger le Premier ministre déjà empêtré dans deux scandales, dont un qui le concerne personnellement. « Ce sera une image qui les accompagnera tout au long de leur vie «, explique Óscar Álvarez, président de l'Association de communication politique (ACOP) pour qui ces incidents représentent « un avant et un après » pour la monarchie. « Les souverains ont fait face à la situation avec dignité », souligne le président de l'ACOP, qui reste encore ébahi par la gestion « extraordinaire » de cette situation du roi Felipe VI.
Une monarchie redevenue solide sur ses bases
Monté sur le trône en 2014, après l’abdication de son père, le roi-émérite Juan Carlos, Felipe VI a considérablement modernisé la monarchie Bourbon pourtant sous le feu des scandales et prise en otage par les sécessionnistes catalans et des républicains revanchards. Figure tutélaire, il a été celui que les partis politiques ont appelé à la rescousse lors de trois élections législatives qui n’ont pu déterminer de majorité parlementaire permettant à la Gauche ou la Droite de gouverner seule. Incarnant l’unité du royaume, ce descendant de Louis XIV n’a pas hésité à taper du poing sur la table lorsque la Catalogne a tenté de proclamer sa république. 60% des Espagnols soutiennent l’institution royale contre à peine 36% qui souhaitent que le pays élise son chef d’Etat au suffrage universel. Une monarchie qui a de beaux jours de devant elle puisque 71% des sujets du roi souhaitent voir l’Infante Leonor (fille aînée du souverain) souhaitent égaleement la voir assurer la succession de son père, une fois que celui-ci ne pourra plus régner.
Le roi Felipe VI devrait revenir sous peu dans la ville de Paiporta où s’est formé un élan de solidarité. Il l’a promis. De quoi rassurer les habitants qui ne décolèrent toujours pas. Le 9 novembre, 130 000 personnes ont manifesté dans les rues de Valence afin de dénoncer « les rivalités comme l'incompétence des politiques » qui empêche toute aide de venir dans les zones sinistrées.
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