En juillet 2012, le (désormais ancien) sénateur basque Iñaki Mirena Anasagasti Olabeaga avait fait une proposition inattendue. Dans une Espagne secouée par la montée des indépendantismes, il avait imaginé un nouveau royaume regroupant les basques, les catalans et les navarrais sous une seule et même entité. Exit les Bourbon, bienvenue aux Habsbourg-Toscane, héritiers d’un carlisme ultra-conservateur. Si l’idée peut paraître saugrenue, loin des partis républicains connus, elle a fait des émules en Catalogne. En cas de proclamation de l’indépendance dans cette province séparatiste, le Cercle Sobiranista Monàrquic de Catalunya réclame d’avoir sa propre monarchie.
Ils sont un petit nombre, une petite centaine, réunis au sein du Cercle souverain monarchiste de Catalogne. Traditionalistes, monarchistes, ils ne veulent plus d’un Bourbon à la tête de l’Espagne. Du moins pour la Catalogne, longtemps hostile à la politique centraliste des rois castillans et aragonais. Rien d’étonnant d’ailleurs, si lors de la guerre de succession d’Espagne, elle a pris le parti de l’archiduc Charles de Habsbourg-Lorraine (élu roi de Catalogne entre 1705 et 1714) contre le petit-fils de Louis XIV. Un esprit de résistance que l’on retrouvera une nouvelle fois lors des 3 guerres carlistes qui ravageront l’Espagne durant la moitié de la fin du XIXème siècle.
Le mouvement monarchiste séparatiste actuel, qui trouve ses origines dans les racines du carlisme, a été fondé en 2012 par David de Germà y Mercer. Cet historien de 38 ans confesse volontiers, qu’il croyait encore « à l’unité de l’Espagne et tout ça », il y a encore quelques années. « Mais cela, c’était avant ! ».
Aujourd’hui, il est persuadé que l’avenir du royaume passe par l’indépendance de la Catalogne et pour ce monarchiste convaincu, hors de question de le laisser aux mouvements républicains de gauche qu’il abhorre. Il reste conservateur et admet qu’il aimerait bien voir se constituer un « Vox catalan » ou un mouvement rassemblant ses idées qui pourrait se présenter aux élections locales. Il a bien tenté lui-même de constituer une liste de 10 personnes mais en vain.
Au journaliste d’ « El Espanol » qui l’interroge, il explique que les insultes continuelles de Madrid à l’égard des catalans l’ont poussé à remettre en cause son attachement aux Bourbon en 2005, qu’il qualifie « d’ennemis du catalanisme et de fascistes ». XXIème siècle oblige, c’est par les réseaux sociaux que David de Germà y Mercer a rencontré d’autres catalans qui souhaitent voir la Catalogne sous le sceau d’une nouvelle couronne.
Mais quel souverain pourrait prétendre à un trône qui n’a jamais réellement existé. Dans les faits, la Catalogne a bien été une principauté entre 1162 et 1714, mais son pouvoir tout juste théorique. Pour David de Germà y Mercer, il existe 5 prétendants potentiels. La Reine Elizabeth II est la première citée. Si rien ne raccroche la maison de Windsor à la Catalogne, le Brexit est devenu un argument pour ces partisans d’une monarchie catalane assez suffisant pour imaginer une intégration au Commonwealth. Après tout, le cricket est un sport à la mode dans la région. D’une femme à une autre, il n y a qu’un pas et le second choix se porte sur la princesse Astrid de Belgique qui a l’avantage d’être mariée à un Habsbourg. Le nom de ces derniers fait toujours rêver. Et si le général Franco avait, un temps, caressé l’idée de les mettre sur un trône d’Espagne, les monarchistes catalans ont jeté leur dévolu sur l’archiduc Simon de Habsbourg-Lorraine, petit-fils de l’empereur Charles Ier et descendant d’un prince de Parme. Une double généalogie qui présente des avantages dynastiques non-négligeables. Pas sur cependant que cet archiduc ne soit réellement intéressé par cette candidature dont il ne doit certainement pas connaître l’existence. A défaut de Simon, pourquoi pas son épouse Maria-Paloma de Bourbon-Sicile propose dans la foulée David de Germà y Mercer qui n’hésite pas à citer un obscure descendant des rois d’Aragon, Francesco Nicola Roberto Paternó Castello et Guttadauro Ayerbe Aragona. A vrai dire, à regarder de plus près, ces monarchistes n’ont pas vraiment décidé quel roi choisir. En 2013, à une question identique, David de Germà y Mercer avait évoqué aussi le prince héréditaire du Liechtenstein ou même l’archiduc Domingo de Habsourg-Lorrain, qui pour le coup est certainement le mieux placé de tous ces potentiels rivaux. A la mort en 1936 du prince Alphonse –Charles (accessoirement le Charles XII de la Légitimité française), le mouvement carliste se divise considérablement. Une partie des carlistes refusent de faire allégeance aux Bourbon-Parme ou même Alphonse XIII et décide de rallier Carlos- Pio (Charles-Pie) de Hasburgo-Toscana y Borbon, fils de Doña Blanca (1868-1949), elle-même fille du roi éphémère d’Espagne, Carlos VII (ou Charles XI de France). Le carloctavisme était né. Il aura 5 rois, parfois jouets de Franco qui en profite pour jeter les prétendants carlistes les uns contre les autres, jusqu’à nos jours avec l’archiduc Domingo de Hasburgo-Toscana qui sera amené un jour à hériter de la succession de Sixte-Henri de Bourbon –Parme à son décès.
L’homme vit aux Etats-Unis, appartient à la maison royale de Roumanie et détenait encore il y a peu le château de Bran, le fameux lieu de résidence préférence de Dracula, le héros tous droit sorti de l’imaginaire de Bram Stoker. Cependant, il est peu probable que les uns ou les autres réalisent le rêve de David de Germà y Mercer de ceindre une couronne. En l’absence de dynastique historique à laquelle se rattacher et aucune récente restauration de monarchie en Europe, un fort contexte politique qui pousse les catalans dans les bras des mouvements républicains, ces défenseurs d’une monarchie catalane manquent cruellement de soutien populaire quand même bien ils feraient une fusion avec le Movimiento Carloctavista Internacional de l’archiduc Domingo qui compte un millier de membres.
Dernier recours pour ces tenants d’un autre monarchisme, un référendum qui permettra de trancher la question. En attendant, lors des réunions qu’ils organisent, on continue de crier « Visca el Rei, Visca Catalunya Lliure ». Sait-on jamais.
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Publié le 07/03/2019