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Le retour des cendres de Napoléon III

«Il est grand temps d’organiser son rapatriement. Pour rendre justice à sa mémoire. Et pour rendre aux Français tout un pan de leur histoire qui leur est ainsi confisqué »

Dimitri Casali  (2018)

12 1« Si j’étais roi ? Je serais Napoléon III ». Interrogé en 2014 par le journal « L’Opinion », le maire de Nice n’a jamais caché son admiration du dernier empereur des Français.  Alors  ministre de l’Outre-mer, Christian Estrosi avait réclamé au Royaume –Uni, la restitution du corps du neveu de Napoléon Ier, toujours sous la garde des moines de l’abbaye Saint-Michel de de Farnborough. En vain. L’idée n’a jamais été abandonnée. L’écrivain -essayiste Dimitri Casali a mis en ligne une pétition adressée au ministre de la culture, Franck Riester, afin que le gouvernement « ré-ouvre des discussions avec les autorités britanniques compétentes, dans les meilleurs délais, afin d’organiser le transfert sur le territoire national des cendres de la famille impériale ».

«J’ai signé avec mes deux homologues de Savoie et Haute-Savoie une convention pour fêter en 2010 le 150e anniversaire du rattachement de nos régions à la France (…) et dans le cadre de ces festivités, le retour des cendres de l’artisan de ce rattachement a une place de choix». Lorsque Christian Estrosi accorde une interview au journal le Figaro début décembre 2007, celle-ci n’est pas si anodine que cela. Forte en symbole, elle s’inscrivait dans les pas de l’empereur lui-même. Sa venue à Londres, à qui « il entendait envoyer un message clair » sur ses intentions coïncidait avec la date anniversaire de élection du prince Louis-Napoléon Bonaparte à la tête de la seconde république en 1848. «Homme très intelligent», «visionnaire qui a permis à son pays d’entrer dans l’ère industrielle en moins de vingt ans», «socialiste avant l’heure », le maire de Nice n’a pas assez de qualificatifs pour glorifier celui que le poète Victor-Hugo, surnomma « Napoléon le Petit ». Un point de vue que rejoint Dimitri Casali, qui a consacré un livre au « Paris des deux Napoléons », et qui nous rappelle que l’œuvre de l’empereur des français « façonne toujours notre quotidien ».

Estrosi n’est pas le seul politique à porter une admiration à Napoléon III. Bien avant lui, le président de la cour des comptes, Philippe Seguin avait rendu un hommage appuyé à un homme dont l’héritage fait aujourd’hui l’objet d’une relecture par les historiens. Fossoyeur de la seconde république (par son coup d’état le 2 décembre 1852), brocardé par la IIIème république comme un dictateur taciturne, très rapidement ce Bonaparte fut longtemps l’objet d’un certain dénigrement entouré d’une légende noire. « Un air endormi et glacial. Il a du reptile dans l’approche et du caméléon dans le mouvement ; l’oeil petit, éteint, et la peau, tout autour, ridée et plissée comme des paupières de lézard» écriront les frères Goncourt dans leur Journal et comme le rapporte dans un de ses articles consacré au personnage, le magazine Valeurs actuelles. On ignorera même en 2008, les commémorations liées au bicentenaire de sa naissance. Aucun gouvernant de présent, un comble pour une présidence [celle de Nicolas Sarkozy-ndlr] qui est alors qualifiée de furieusement « bonapartiste » par la presse nationale, comme par exemple avec ce titre du journal Libération :« Nicolas Sarkozy est bien bonapartiste ». Le président de se faire même taxer de «Bonaparte en Frac » par le journaliste Alain Duhamel.

Aujourd’hui le président Emmanuel Macron fait face aux mêmes comparaisons. De quoi faire sursauter l’écrivain qui remettait en cause ses qualités de leadership dans le webzine Boulevard Voltaire, il y a quelques jours de cela.

30 3Dimitri Casali tente d’ailleurs de balayer les oppositions à « Badinguet », autre surnom donné à l’Empereur, lors de sa fuite du fort de Ham en mai 1846, déguisé en maçon, et rappelle les avancées sociales que l’on doit à Napoléon III. A commencer par le droit de grève (1864), l’introduction du chèque, l’entrée des filles aux universités ou l’enseignement primaire qui fut généralisée, la modernisation des grandes villes et l’embellissement de nos boulevards actuels  (comme la capitale grâce au génie du baron Haussman), le développement du chemin de fer  ou celui du réseau des égouts. Encore faut-il ne pas oublier le rattachement de Nice et de la Savoie à la France  achevant de lui donner les frontières d’aujourd’hui, une politique coloniale qui connut des succès retentissant, notamment en Asie.

L’empire ne fut-il pas encore plébiscité peu avant sa chute ? Conservateur ou libéral, il n’en demeure pas moins que le régime fut l’incarnation de la France épanouie et qui fit succomber quelques royalistes. Après tout n’avait-il pas à ses côtés la plus légitimiste des impératrices en la personne d’Eugénie de Montijo, dont la famille était attachée aux principes carlistes de part et d’autres des Pyrénées. On lui devra l’expédition du Mexique (qui va s’avérée être désastreuse), on lui devra l’intervention de la France aux côtés des chrétiens d’Orient (1860), on lui devra un jour le retour de l’Alsace –lorraine dans le giron français (1918-1919). « 73% de croissance en 20 ans » soit le double de l’Angleterre à l’époque nous rappelle  encore Valeurs actuelles.  En 1988, François Mitterrand rendra lui-même un hommage appuyé à l’Empereur lors d’une messe à l’hôtel Saint-Louis des Invalides, garde républicaine déployée pour l’occasion. En janvier 2010, le président de l’assemblée nationale, Bernard Accoyer, y alla de son laïus, lors d’un hommage rendu à Philippe Séguin, parlant du fils du roi de Hollande, Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais, en ces termes : « un empereur moderniste et soucieux du bien commun, qui équipa et enrichit la France ». La France nostalgique de sa période impériale ?

31 6En plein campagne présidentielle et sous l’influence d’un lobby bonapartiste au sein de son parti, c’est la présidente du Rassemblement national (ex-Front national) qui surprend son monde en se faisant l’apôtre d’un retour des cendres de Napoléon III avec en fond de toile, une volonté d'allier nationalisme corse avec la grandeur passée de la France afin de s'attirer le vote bonapartiste, qui jusqu'ici était acquis au parti Les républicains. « Personne n’oublie que la Corse a donné deux empereurs à la France. Le premier repose au cœur de notre capitale, dans le mausolée et sous le dôme d’or des Invalides. Mais, parce que la politique est faite aussi de symboles, parce que je veux rouvrir volontiers les pages heureuses et glorieuses que nous avons écrites ensemble, je souhaite obtenir le rapatriement des cendres de Napoléon III, qui par les hasards de l’Histoire, reposent encore aujourd’hui en Grande-Bretagne. La Corse n’est pas pour moi un département comme un autre, c’est ma famille », disait-il. Il serait juste qu’il soit rendu à sa famille […] Qu’il puisse reposer ici, à Ajaccio, ville à laquelle il a tant apporté » déclare Marine Le Pen qui,  depuis, n’est plus revenue sur le sujet.

Cette demande a fait polémique au sein du Parlement en son temps et soulevé de vives protestations de l'opposition socialiste conduite par feu le sénateur de la Drôme, Bernard Piras, qui n'avait pas hésité à apostropher la ministre de la culture de l’époque en ces termes : « l'évocation de ce projet suscite une certaine désapprobation de la part de nombre de nos concitoyens ». Et Christine Albanel de trancher finalement sur la question du rapatriement des cendres par un communiqué officiel du 19 juin 2008 publié au Journal officiel : « Après la défaite de la France en 1870 à Sedan et la proclamation de la République qui s'ensuivit, la famille impériale fixa le lieu de son exil en Angleterre. Restée seule après le décès de l'empereur Napoléon III et du prince, l'impératrice Eugénie décida d'édifier une petite abbaye à Farnborough, destinée à accueillir les dépouilles des deux défunts. L'impératrice avait également exprimé la volonté d'être elle-même inhumée dans ce lieu, ce qui fut fait après son décès en juillet 1920. En l'absence d'une initiative préalable qui ne pourrait émaner que des seuls descendants de la famille impériale, le gouvernement français n'a aucune compétence pour remettre en cause les dernières volontés très clairement exprimées par l'impératrice Eugénie. ».

32 4Le  défunt mouvement monarchiste bonapartiste « Renouveau Bonapartiste » (RB) s'était également saisi de cette question en apportant son point de vue en avril 2013. Se déclarant en faveur du retour des cendres de l'Empereur, RB avait toutefois précisé que celui-ci ne devait pas se faire « à n'importe quel prix (...) ni être « un événement instrumentalisé » mais uniquement basé sur « un attachement sincère aux souverains et plus encore à l'héritage que nous leur devons : (...) ce ne sont pas seulement les cendres mais les idées de l'Empereur qu'il faut ramener.. Un rapatriement ne pouvant avoir lieu uniquement  le jour où l'Empire serait rétabli, avec son cortège d'idéaux bonapartistes ». Et aux Invalides « option naturelle, le neveu rejoignant l'oncle, toute la famille Bonaparte se trouvant enfin réuni » avait conclu RB.

La famille impériale, aujourd’hui conduite par le prince Jean-Christophe Napoléon, n’a jamais fait de demande officielle d’un rapatriement des restes de Napoléon III, au grand dam de David Saforcada, leader de France Bonapartiste  et exigence préalable à toutes demandes de rapatriement. Interrogée par le magazine Point de Vue en avril 2017, la princesse Napoléon ne souhaitait pas que le corps de l’Empereur des français ou de son fils revienne en France. « A Farnborough, les moines bénédictins prient matin et soir pour le repos de leur âme. Qui le ferait ? » avait dit Alix de Foresta  au chroniqueur du Gotha bien connu, Stéphane Bern. En 2008, elle et l’héritier au trône avait fait à l’abbaye un pèlerinage remarqué. « Le prince Napoléon y avait prononcé, en anglais et en français, un discours d'hommage au second empereur avant de se prêter de bonne grâce au jeu des interviews sollicitées par la presse écrite et audiovisuelle britannique, la presse française brillant par son absence »  avait fait remarquer le site Napoléon.org qui rendait compte de la journée dans son intégralité.

Mais alors qu’en pensent justement les moins de l’abbaye de Saint-Michel ?  Ils ironisent. « Presque tous les 15 ans, pour des raisons que nous ignorons complètement, il y a un projet de retour des cendres de Napoléon III dans votre pays, Cette agitation fait souvent venir jusqu'à Farnborough un homme politique français. Mais jusqu'à ce jour, ces visites n'ont jamais eu de suite..»  déclarait le père abbé Cuthbert.

Dimiri Casali n’en démord pas. « La place de Napoléon III n’est pas à l’étranger, au Royaume-Uni, où il repose depuis sa mort en exil (1873) ». « (…) Il est grand temps d’organiser son rapatriement. Pour rendre justice à sa mémoire. Et pour rendre aux Français tout un pan de leur histoire qui leur est ainsi confisqué » conclut-il en fin de cette pétition que l’on peut trouver sur le site en ligne « citizaction ».

Copyright@Frederic de Natal

Paru le 28/11/2018

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