Si la France cessait d'être une république demain et que les français faisaient le choix du rétablissement de la monarchie, qui occuperait donc le trône ? Trois prétendants se disputent actuellement la couronne. Le comte de Paris, le prince Jean d’Orléans, le duc d’Anjou, le prince Louis (-Alphonse) de Bourbon et enfin le prince Jean-Christophe Napoléon, chef de la maison impériale. C’est sur ce dernier que le journal espagnol « El Mundo » s’est longuement attardé dans une de ses récentes éditions.
L’annonce de ses fiançailles avec la comtesse Olympia von Arco-Zinneberg a été chaleureusement accueillie ses partisans, les bonapartistes, qui se sont réjouis de ce prochain mariage prestigieux. En effet, la future « impératrice de jure » est apparentée à la maison des Habsbourg-Lorraine. Un clin d’œil ironique et involontaire à l’histoire de la part du prince Jean–Christophe qui nous renvoie au second mariage du fondateur de la dynastie, Napoléon Ier, avec l’archiduchesse Marie-Louise, nièce de la reine Marie- Antoinette.
L’actuel prétendant de la maison impériale descend en ligne droite du prince Jérôme Bonaparte (1784-1860), le frère de Napoléon Ier dont la figure a profondément marqué l’histoire de France et le subconscient de ses compatriotes, générations après générations. En France, la nostalgie de l’ère impériale demeure plus vivante que jamais. A 32 ans, le prince Jean-Christophe Napoléon incarne le souvenir de ce « génie militaire » et l’héritage de deux empires (1804-181/1815 et 1852-1870). Mais aussi celui des Capétiens. Dans son sang, coule celui de Louis XIV dont il descend grâce à sa mère. On le voit peu dans l’hexagone, il prend rarement position, accorde quelques interviews ci et là, préférant une vie plus rangée au sein de la City de Londres. De quoi certainement retourner dans son cercueil son illustre parent qui ne tarissait pas de haine envers la perfide Albion. Le prince, diplômé de la prestigieuse école de commerce HEC à Paris et de l'université de Harvard, se défendait pourtant de cette décision dans un entretien accordé au magazine Point de Vue en 2017 et que nous rappelle Pierre Banda, dans son livre « La saga des Bonaparte : « J’ai choisi de commencer ma carrière dans le monde des affaires parce que c’est la meilleure manière de faire mes preuves ».
Désigné par son grand-père, le prince Louis Napoléon, le VIème du nom si on tient compte de l’ordre de succession depuis la chute de Napoléon III en septembre 1870, à la tête de sa famille, le prince Jean Christophe a pris très tôt conscience du rôle qu’il doit assumer. Tous les 5 mai, il vient rendre hommage à Napoléon Ier, à l’hôtel des Invalides. Officiers de l’armée en exercice, impérialistes, membres de la maison royale des Murat, adhérents de France Bonapartiste…, tous sont là chaque année pour participer à cette commémoration, sorte d’équivalent du 21 janvier pour les monarchistes. Cette année, il ne fera pas exception et la cérémonie se tiendra en fin d’après-midi. Pourquoi ce saut dans l’arbre généalogique ? Très ancré dans des valeurs très traditionnalistes, son grand-père n’avait pas apprécié que son fils aîné, Charles, se remarie sans son consentement pas plus qu’il ne supportait ses idées décidément trop à gauche. Un « électron libre » social-démocrate comme l’avait surnommé Paris Match, qui a vécu une jeunesse très princière rappelle El Mundo et qui note qu’il a été baptisé par le cardinal Angelo Giuseppe Roncalli, futur Jean XXIII. Avant de s’engager en politique, d’abord en Corse où il sera élu adjoint-au maire d’Ajaccio (2001-2008), à Nemours comme conseiller municipal (2008) avant de rejoindre la liste d’Anne Hidalgo à Paris. Les relations avec les mouvements bonapartistes sont aussi crispées que celle du prince Jean-Christophe à la source de toutes leurs attentes. Il partage même le surnom de « prince de l’avenir » avec le comte de Paris, Jean d’Orléans.
Celui qui est appelé par ses partisans Napoléon VII, pense-t-il également à s’engager en politique à l’heure où les français se cherchent une alternative ? Il y songe. « Un jour, il fera entendre sa voix mais pas avant avoir acquis une certaine stature » écrit Pierre Banda. Cependant, force est de constater que le prince Jean–Christophe est un quasi inconnu des français qui ignorent son existence contrairement à son grand-père, un héros de la résistance et qui fit à de nombreuses reprises les titres de la presse (quitte à prodigieusement agacer feu le comte de Paris Henri VI d’Orléans qui ne supportait pas son rival). Vaguement peut-être vu dans une émission de Stéphane Bern en 2006, « le nom en héritage ». En 2015, il a assisté aux festivités organisées pour le bicentenaire de Waterloo. Il n’est pas rancunier et sous l’œil des caméras et des flashes des journalistes présents sur le lieu de défaite de Napoléon Ier, il serre la main, tout sourire, au descendant du duc de Wellington, le tombeur de l’empereur de la république française.
« Porter ce nom est certainement une chance mais peut aussi se révéler aussi un lourd fardeau » rappelle dans son épilogue Pierre Branda. Il est vrai que la maison impériale a presque touché du bout des doigts un pouvoir qu’elle a refusé alors que la IVème république vivait ses dernières heures en 1958. Certains gradés avaient alors imaginé placer le prince Louis Napoléon à la tête d’une junte bien avant que le choix de l’armée ne se porta sur le héros de la Libération, le général de Gaulle. Le prince avait tergiversé face à ce qui a été un véritable complot, organisé de l’intérieur souhaité un plébiscite avant finalement de rallier celui qui allait fonder la Vème république. « « Un vive l’Empereur ! » ou un « Vive le prince Napoléon » à la place d’un « Vive de Gaulle » soufflé dans l’oreille du général Salan aurait peut-être entraîné une histoire différente » écrit avec certitude Thierry Choffat, un expert de l’histoire du bonapartisme dans la revue du CERB (Hiver 2018-2019). Selon le fils du colonel Pierre Bouchet de Fareins, qui accrédite cette thèse méconnue, « au moins en Algérie, l’armée était en grande partie bonapartiste » peut-on lire encore dans la revue du CERB. La France avait manqué d’avoir un troisième empire !
Comment vit le prince Jean-Christophe ? De la fortune familiale, on sait peu de choses si ce n’est qu’il dépend de son salaire de banquier. Une partie de la collection impériale a été donnée à l’état français ou mis en exposition en Corse, l’île natale de la maison Napoléon ; le reste est à Prangins, la résidence des Napoléon. D’ailleurs la municipalité d’Ajaccio qui compte quelques bonapartistes issus du Comité central bonapartiste (CCB), le même mouvement qui aida le général de Gaulle à s’assurer sa prise de pouvoir à Alger en sécurisant les bases militaires de l’île de beauté a décrété cette année du nom éponyme de la maison impériale. « Nous avons la chance d’être le berceau d’un des plus célèbres personnages de l’histoire, il eut été un affront de ne pas célébrer dignement le 250ème anniversaire de sa naissance » a déclaré très à propos le maire Laurent Marcangeli, proche des bonapartistes du CCB. Un mouvement qui se rassemblera dans quelques jours à la chapelle impériale et qui entend bien peser de tout leur poids lors des prochaines échéances électorales.
Copyright@Frederic de Natal
Publié le 25/04/2019