Le duché de Bretagne, une histoire, une couronne , des prétendants
Le duché de Bretagne, une histoire, une couronne , des prétendants
Fière et rebelle, la Bretagne a toujours conservé ses traditions. Française depuis le XVIe siècle, certains Bretons cherchent à lui rendre son indépendance. Royaume, duché, drapé de son manteau d'hermine, Gwen Ha du au vent, elle a toujours ses héritiers potentiels au trône. Qui sont-ils ?
La Bretagne est une terre de légendes qui recèle encore bien des mystères. Indomptable et indomptée, au cours des différents siècles qui se sont succédé, elle a joué un rôle actif dans l’histoire de France. Tour à tout royaume puis duché, elle a fait preuve d’un fort caractère qui lui ont permis de garantir son indépendance jusqu’à son rattachement controversé à la France en 1532.
La Bretagne, une histoire fascinante
Nominoë, Erispoê, Salomon, Alain..., autant de noms qui ont marqué le royaume de Bretagne par leur empreinte. Fondé au cours de la première moitié du IXe siècle, les monarques bretons vont successivement agrandir leur territoire et rivaliser avec celui des Francs jaloux de la puissance de ces ducs qui ont reçu le droit de porter une couronne d’or, selon les chroniques de Nantes. Mais les guerres de succession et les nombreux assauts vikings vont progressivement affaiblir le royaume qui s’étiole dès 907, peu de temps après le décès d’Alain Ier le Grand. Il faut attendre encore 938 avant que la Bretagne ne retrouve une autonomie de fait avec l’avènement d’Alain Barbeforte qui prend le titre de duc et de « princeps » (premier des seigneurs). L’histoire est en marche pour la future région française.
L'hermine, symbole du duché de Bretagne
Le duché passé sous la tutelle des rois d’Angleterre grâce à l’union de Constance, fille du duc Conan III, et de Geoffrey II, fils du roi Henri II, les Plantagenêts vont écrire une nouvelle page de l’histoire bretonne avant que la couronne ne passe (encore par mariage) entre les mains des Capétiens grâce à l’union d’Alix de Thouars et de Pierre Mauclerc de Dreux, arrière-petit-fils du roi Louis VI le Gros. C’est à cette époque que les ducs de Bretagne incorporent à leur blason, l’hermine noire sur fond blanc qui reste encore aujourd’hui un des symboles de la Bretagne. Lorsque la guerre de Cent Ans éclate, le duché se divise comme tout le reste de la France. Pis, à la mort du duc Jean III, en 1341, la Bretagne est la proie d’une violente guerre de succession au trône. Surnommée la «guerre des deux Jeanne» en raison des princesses ennemies qui portent le même prénom, le conflit va durer jusqu’en 1365, date à laquelle le fils de Jeanne de Flandres, Jean IV, est finalement désigné comme duc héréditaire.
L'ombre de la France sur les affaires bretonnes
Objet d’une autre guerre d’influence entre la couronne d’Angleterre et de Bretagne, cette dernière prend tous les apparats d’une monarchie indépendante durant le règne du duc François II (1435-1488). Ses choix politiques le conduisent à suivre les féodaux qui se sont soulevés contre la France. En juillet 1488, les troupes bretonnes sont sévèrement défaites à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Le duc est contraint de signer un traité qui lui impose de consulter le royaume de France lorsque viendra le jour de marier sa fille Anne (1477-1514). Une clause qui va mettre à mal les relations entre le duché de Bretagne et la France. L’Etat breton va dès lors osciller entre indépendance et dépendance. Les mariages successifs de la duchesse Anne avec les rois Charles VIII (1470-1498) puis Louis XII (1462-1515) n’empêchent pas la fille de François d’affirmer le caractère autonome de ses regalia. À diverses reprises, elle tente de protéger son héritage de l’appétit vorace des Valois, mais la France va profiter de cette proximité pour grignoter de plus en plus les droits de la Bretagne.
Un trône vacant, une succession convoitée
En août 1532, au cours de deux cérémonies organisées à Vannes et à Nantes, la Bretagne est incorporée au royaume de France sans véritablement rencontrer de résistance (édit d’Union). Si le titre de duc de Bretagne est encore porté par les princes de France une décennie de plus, il n’a plus qu’une valeur symbolique. La couronne ducale est vacante. Pour les tenants d’une minorité indépendantiste, les princes et rois de France ont moins de légitimité que les descendants d’Olivier de Châtillon-Blois, comte de Penthièvre, dont la famille a perdu les droits au trône au cours de la guerre de succession. Cette famille décide finalement de vendre ses droits au roi Louis XI en 1480. Ce dernier les transmet à Charles VIII, son fils, qui n’hésitera pas à avancer cet argument lors de son mariage avec Anne de Bretagne. Pour autant, rien n’est joué, car un autre prétendant fait son apparition et n‘hésite pas à revendiquer le trône ducal. Le vicomte Jean II de Rohan (1452-1516) a épousé Marie de Bretagne, fille du duc François Ier (1446-1511). C’est l’un des plus puissants seigneurs bretons. Il réside au château de Pontivy qu’il a fait construire. Un parmi tant d’autres. Il va régulièrement s’opposer au duc François II, estimant qu’il est le seul héritier puisque selon les règles qui étaient précédemment en vigueur, les femmes ne pouvaient pas monter sur le trône. Il n’hésite pas à s’intituler duc de Bretagne au grand dam de Charles VIII, un allié de circonstance, qui finira par amadouer le vicomte en le nommant lieutenant-général du Roi (1492). Quelques mois après que Jean II de Rohan a échoué à rendre son indépendance à la Bretagne avec l’aide des Anglais.
La branche de Penthièvre revendique le duché
C’est sous les guerres de Religion que la volonté de rendre à la Bretagne sa pleine souveraineté ré-émerge. Philippe-Emmanuel de Lorraine (1508-1602), duc de Penthièvre, réveille les droits de sa famille à diriger l’ancien duché. Membre de la Ligue catholique qui s’oppose aussi bien aux Protestants que les Valois eux-mêmes, fait de lui un pion central de l’échiquier royal. Courtisé, détesté, il se réfugie en Bretagne en 1588 afin d’échapper à l’arrestation ordonnée par la Cour. Refusant de voir Henri IV à la tête de la France, il fonde et prend la tête de la Ligue bretonne. Avec ses partisans (parmi lesquels se trouve Anne d’Este (1531-1607), la nièce d’Anne de Bretagne) , il rêve de redonner à son fief toute sa splendeur passée, estimant que le nouveau monarque n’a plus de droits sur la Bretagne, la lignée des Valois étant éteinte. Son mariage avec Marie de Luxembourg, héritière d’Olivier de Châtillon-Blois, il a en récupéré les droits sur le duché. Il va même jusqu’à s’allier au roi Philippe II d’Espagne qui revendique la couronne de France pour réaliser son dessin. En 1598, il doit cependant renoncer à ses conquêtes et rendre les armes au roi Henri IV qui, en échange d’un pardon, lui retire ses droits sur cette province plongée dans la division. Henri IV, habile, va même marier son bâtard César de Bourbon avec Françoise de Mercoeur, la fille du duc, afin que l’héritage ducal reste dans sa maison. Une lignée qui s’éteindra définitivement en 1727.
Qui est l'héritier actuel du duché de Bretagne ?
Qui donc aujourd’hui pour diriger la Bretagne si celle-ci était amenée à se séparer de la France en plein tumulte politique. Selon Frédéric Morvan, auteur d’un ouvrage sur la question, « l'aîné des descendants en ligne directe et légitime de Claude de France, fille aînée d'Anne de Bretagne, serait Son Altesse royale, le prince François de Bavière, duc de Bavière, de Franconie et de Souabe, comte palatin du Rhin ». Pour autant, il n’est pas le seul. Toujours d’après Frederic Morvan, il y a une autre lignée qui pourrait revendiquer ce trône, issue de Renée de France, fille cadette d'Anne de Bretagne : Henry Blundell-Hollinshead-Blundell, fils aîné de la princesse Stéphanie de Windish-Graetz, dont la famille d’origine britannique « a fait fortune dans les mines de charbon ». L’Institut du droit breton avance une autre lignée, affirmant qu’elle est l’ainée, celle de Geoffrey de Rohan Guemené. Un nom qui se mélange avec celui de la Bretagne et de la France.
Les Rohan, héritier du trône de Bretagne ? Bien que complexe, l’hypothèse est plausible au regard des liens généalogiques unissant la lignée ducale avec cette maison. L’union de Marie de Bretagne avec le vicomte Jean II de Rohan a placé cette maison sur la route d’un trône qu’elle ne revendique cependant pas et ne mentionne jamais, se contentant d’’être les gardiens d’un passé glorieux dont on parle encore. Si demain, la Bretagne décidait de prendre son destin en main (ils sont entre 18 et 20% à souhaiter l'indépendance selon un sondage de 2013), il est probable que ce soit au sein de cette famille qu’elle irait chercher son prochain duc. Si tant est qu’elle retienne le régime ducal comme option institutionnelle !?.