« Le Bonapartisme peut et doit être une force de rassemblement des souverainismes de tous horizons. C’est même, me semble-t-il, une de ses vocations. Le Gaullisme, c’était le Bonapartisme actualisé au XXème siècle. Il faut maintenant actualiser le Bonapartisme au XXIème siècle, c’est urgent ! ». Chevelure rebelle, barbe poivre-sel naissante, les traits de son visage se sont étalés récemment à la une du journal « Libération ». Il est un véritable prince d’Empire et à travers lui, coule le sang des Napoléon, une famille qui fascine encore les Français, un siècle et demi après sa chute. Joachim Murat descend du Maréchal du même nom et roi de Naples. Alors que la droite républicaine se déchire sur le nom de son prochain candidat à l’élection présidentielle et qui aura la lourde charge en 2022 d’affronter l’actuel occupant du Palais de l’Elysée, Emmanuel Macron, le salut de la France va-t-il passer par le prince de Pontecorvo ?
A 47 ans, Joachim Murat est l’héritier d’une Maison qui puise ses origines dans le Quercy. Il porte le même prénom et nom d’un maréchal aux origines modestes qui a marqué toute l’histoire de de la révolution française et du Premier empire. « Le roi de Naples était vraiment sublime au feu, le meilleur officier de cavalerie du monde. Au combat c'était un césar, mais hors de là, presque une femme. Murat avait un très grand courage et fort peu d'esprit. La trop grande différence entre ces deux qualités l'explique en entier ». C’est de cette manière que l’Empereur Napoléon Ier résumait le caractère de son beau-frère à qui il avait octroyé un trône italien en 1808 afin de satisfaire aux ambitions de sa sœur, Caroline Bonaparte. A la une du quotidien « Libération » paru le 26 août, le prince de Pontecorvo, titre de courtoisie porté par tous les aînés de la dynastie, évoque une ascendance illustre à laquelle plus jeune, « il n’a pas été passionné ». Ce cadre d’une société d’édition de logiciels informatiques « a découvert sur le tard » le maréchal Murat dont la vie a été abrégée en octobre 1815 par un peloton d’exécution. Il rêvait d’unifier l’Italie sous son sceau, les Bourbon-Deux-Siciles, qui ont récupéré leur couronne, en décideront autrement.
Il est prince en Italie, simple citoyen dans la République française. Joachim Murat assume désormais l’héritage qu’il porte sur ses épaules. Lors de la commémoration du bicentenaire de Waterloo en 2015, il est aux côtés du prince Jean-Christophe Napoléon avec lequel il cousine. Dans le milieu bonapartiste, qui a fait les beaux jours de la IIIème république avec de nombreux élus, il est coutume de considérer les Murat comme les porte-paroles du prétendant impérial au trône de France. Une couronne que les Napoléon ont portée par deux fois entre 1804 et 1815, 1852 et 1870. Même sous le Second empire, sa famille va jouer un rôle modeste. Napoléon III ne donnera pourtant pas suite aux rêves italiens du prince Lucien, le fils de Joachim, l’arrière-arrière-arrière-grand-père de l’actuel héritier Murat. Tout au plus celui-ci devra-t-il se contenter de diriger la Loge du Grand Orient de France jusqu’à la chute du Second empire dont il sera aussi sénateur.
Le 1er février dernier, il a participé aux assises du Bonapartisme organisées au Palais du Luxembourg, « départ de diffusion des idées » d’un mouvement qui comporte plusieurs pensées idéologiques différentes et qui reste désunit. Parmi les invités, le sénateur Michel Raison. Joachim Murat peut-il porter le drapeau de l’Aigle dans la course aux prétendants au rassemblement de la droite républicaine ? Il est le président d’honneur de l’association du Souvenir Napoléonien et officier de réserve chez les Parachutistes. Les Murat ont d’ailleurs tous servi dans l’armée française et avec brio. Le 7ème prince Murat, résistant, a d’ailleurs donné sa vie à la France lors d’une attaque contre une patrouille de la division Das Reich en juillet 1944. Il se revendique souverainiste gaulliste, proche du mouvement « France bonapartiste » de David Saforcada qui oscille entre fidélité à la République et à la dynastie Napoléon. Rien d’antinomique en soi puisque Napoléon Ier a été « Empereur de la République française ». « Le souverainisme c’est être maître de son destin. C’est l’expression du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la condition de l’exercice de leur liberté, le refus d’abdiquer l’idéal de grandeur » précise le prince Murat qui est devenu très politique et qui rappelle que « le bonapartisme est populaire et social, un bouclier contre le désordre ». « Si une consultation populaire avait lieu aujourd’hui, le pouvoir en place sauterait » affirme le prince qui regrette les manipulations du gouvernement autour du mouvement « Gilets Jaunes », « qu’il a passé son temps à décrédibiliser » en le faisant passer pour quelque chose « d'homophobe ou antisémite ».
« Le Coronavirus, comme la crise des migrants précédemment, ont démontré deux choses : la première, l’incapacité des pays de l’Union Européenne à se coordonner et à s’entraider face à un défi commun et la seconde, l’absolue nécessité de mettre en place un système qui permette cette coordination. Ma conviction est que la construction européenne est nécessaire sans que l’abandon de souveraineté en soit la condition, et certainement pas sans l’accord formel des citoyens. Des transferts de compétence librement consentis et susceptibles d’être annulés suffisent à créer une confédération d’États souverains » affirme Joachim Murat lors d’une interview accordée à France Bonapartiste, appelant à repenser l’Europe maastrichtienne et à la mise en en place d’un référendum sur le Frexit (sortie de la France de l’Europe). « Il faut donc désamorcer le risque de destruction économique en cas de sortie de l’Euro, peut être en changeant la nature de cette monnaie. L’abandon de l’Euro n’est pas une condition indispensable pour renégocier les traités. Des pistes telles que passer l’Euro de monnaie unique à monnaie commune ou à monnaie de réserve sont intéressantes » renchérit le prince.
Il n’est candidat à rien (pour l’instant), fait parfois les titres de la presse et pourrait parfaitement conduire cette droite orpheline d’un leader charismatique. Il dresse d’ailleurs les grandes lignes de ce qui pourrait être un début de programme politique : « Restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble de notre territoire. Avec la plus grande fermeté, Renégocier les traités pour relancer une construction européenne alignée sur la volonté populaire et renouer avec l’idée de grandeur, de puissance et de fierté nationale ». « Le Bonapartisme est la quintessence de la culture politique française » dit-il en paraphrasant le sociologue Pierre Rosanvalon. « Ce qui est frappant c’est que le souverainisme continue de rassembler des intellectuels aussi divers que Jean-Claude Michéa, Marcel Gauchet, Régis Debray, Michel Onfray, Natacha Polony, Eric Zemmour, Patrick Buisson, etc. La quasi-totalité du spectre politique français (…).Le Gaullisme, c’était le Bonapartisme actualisé au XXème siècle. Il faut maintenant actualiser le Bonapartisme au XXIème siècle, c’est urgent ! ».
Quelle est l’actuelle position du prince impérial Jean–Christophe Napoléon, qui a fait les titres de la presse lors de son mariage en octobre dernier face à l’idée de renouveau bonapartiste ? « S’il y a eu un flottement, à un moment dans la cause bonapartiste, les princes Murat n’ont jamais rien lâché et notre jeune prince, quant à lui, ne marque aucune hostilité. Au contraire, nous en parlons régulièrement et je pense qu’il y a de grands espoirs à nourrir de ce côté-là » affirme Joachim Murat qui confesse avoir des relations avec diverses maisons royales comme celle des Orléans ou des Romanov. « L’état actuel qui fait qu’on est appelé à un rendez-vous démocratique tous les 5 ans et qu’entre-temps on est gentiment appelé à se taire et à subir n’est plus acceptable aujourd’hui ! » tempête le descendant du Maréchal. Le bonapartisme deviendra t-il un vrai parti politique ou restera t-il un propagateur d'idées ? Joachim Murat pose une question qui devra être clarifiée au prochain colloque et si tant est que ce soit le cas, il rappelle à juste titre que le plus légitime à conduire un parti politique reste le prince Napoléon qui sera présent lors des commémorations du bicentenaire de la mort de l'empereur Napoléon Ier en 2021. Le prince Murat, candidat à la prochaine présidentielle ? Certains en rêvent déjà chez les bonapartistes. Et vous ?
Copyright@Frederic de Natal