C’est une nouvelle bataille juridique à laquelle le duc d’Anjou, le prince Louis- Alphonse de Bourbon, va devoir faire face. Quarante-huit heures après l’importante manifestation organisée par le député Santiago Abascal, leader de Vox et proche du prétendant au trône de France, le gouvernement espagnol du premier ministre Pedro Sanchez a annoncé l’ouverture d’un débat parlementaire sur la suppression des titres nobiliaires accordés sous le régime franquiste. Parmi lesquels le duché de Franco dont Louis-Alphonse de Bourbon est l’héritier direct.
Depuis le début de l’affaire Franco en juillet 2018, le premier ministre Pedro Sanchez ne cache pas sa volonté de faire supprimer tous les titres nobiliaires octroyés sous le régime du Caudillo Franco, l’arrière-grand-père du prince Louis-Alphonse de Bourbon. Prétendant au trône de France et président d'honneur de la Fondation Franco, le «bisniéto» (comme il est surnommé en Espagne) a toujours assumé l’héritage controversé du dictateur espagnol. Durant plus d’un an et en vain, Louis-Alphonse de Bourbon a tenté de faire stopper l’exhumation du généralissime de la Vallée de Los Caïdos, ordonnée par le gouvernement. Des actions qui ont généré des crispations au sein du milieu monarchiste français, largement divisé sur l'attitude de ce prétendant au trône de France et à qui ses partisans reprochent de ne pas être assez présent dans l'Hexagone. En octobre 2019, après que les Franco aient été déboutés de toutes leurs actions juridiques, le corps du dictateur, qui reposait dans son mausolée depuis 1975, a été exhumé de son lieu de repos. Les images du descendant de Louis XIV, portant le cercueil de son arrière-grand-père, nœud de deuil sang et or sur la veste, ont fait le tour des médias internationaux.
L’affaire aurait pu s’arrêter ici sauf que le gouvernement espagnol ne l’entend pas de cette oreille. Le duché de Franco est un cadeau empoisonné pour le Parti socialiste (PSOE) qui souhaite s’en débarrasser au plus vite. Lorsque le Parti Populaire cède sa place à ses opposants après avoir été mis en minorité aux Cortés, il prend soin de ratifier quelques heures avant son départ, la transmission du duché de Franco (jusque-là porté par María del Carmen Franco y Polo, la fille du Caudillo décédée en décembre 2017) à sa légitime héritière.
Depuis lors, Pedro Sanchez et ses alliés de la gauche populiste, Podemos, n’ont eu de cesse de réclamer l’abolition de ce titre qui rappelle les heures les plus tragiques de l’histoire espagnole contemporaine pour les uns, les plus héroïques pour les autres. Chaque camp fourbissant ses armes et ses arguments. «L'attaque contre le duché de Franco - impliquant à un haut degré la Couronne - n'est qu'un pas de plus, dans la stratégie générale d'une gauche sectaire et revancharde visant à renverser le système politique actuel» affirme-t-on du côté du prince Louis-Alphonse de Bourbon que certains aimeraient voir sur le trône d'Espagne en lieu et place de l'infante Léonor. «En Allemagne, aucun démocrate ne saurait imaginer ou tolérer l’existence d’un duché de Hitler» rétorque t-on chez Podemos.
C’est finalement le roi d’Espagne qui tranchera et qui accordera à la mère du prince, Carmen Martínez-Bordiú y Franco, le droit de porter le titre de duchesse de Franco et de Grande d’Espagne. Pour les détracteurs du titre, la maison royale a fait une fleur à son cousin, Louis-Alphonse de Bourbon dont on dit qu’il a poussé sa mère, la «netissima», à revendiquer un titre dont elle faisait peu de cas. Un duché d'ailleurs créé à la mort du caudillo par l'ancien roi Juan-Carlos et qui techniquement n'est pas un titre donné du vivant de Franco.
La présence des armoiries du duché sur le cercueil de Franco a profondément irrité Pedro Sanchez. Ce dernier a attendu de s’assurer une majorité parlementaire pour relancer le débat. C’est désormais acté ! Les Cortès vont devoir plancher sur l’utilité de conserver des titres qui rappellent l’existence du régime franquiste. Plus précisément, ce que propose le PSOE et Podemos, c’est de «revoir et invalider toutes les distinctions, nominations, titres honorifiques [duché Primo de Rivera, duché de Mola, marquisat de Queipo de Llano…etc-ndlr] qui exaltent encore le coup d'État militaire de 1936, la guerre civile et le franquisme», comme on peut le lire dans la proposition de loi enregistrée la semaine dernière au parlement. C’est donc une nouvelle bataille juridique que va devoir affronter le prince Louis-Alphonse de Bourbon qui vient à peine de sortir d’un scandale financier qui a touché deux banques qu’il dirigeait. Depuis mises en faillite. Un prince qui a d’ailleurs déjà donné sa position officielle sur ce débat (en août 2019) par le biais de la sa fondation. «Lorsqu’on s'attaque à Sa majesté le Roi au sujet de la succession au titre de duché de Franco, nous y voyons une stratégie claire d’attaque contre la monarchie» avait déclaré Chicharro Ortega, le président de la fondation Franco, qui a également rappelé que « la famille royale avait toujours été du côté du généralissime».
Le roi Felipe VI, otage malgré lui de la gauche espagnole et des néo-franquistes ? C’est toute la question qui se pose si le projet de loi est adopté tant celui-ci pourrait embarrasser le monarque. En effet, une telle réforme nécessiterait sa signature au bas d’un document qui changerait drastiquement le code d’attribution des titres en Espagne. Hors, le fils de Juan Carlos Ier renâcle à cela. Affaiblie par divers scandales ayant touché divers membres de la maison Bourbon, il est peu probable que la Couronne espagnole s’oppose toutefois à cette suppression tant sa marge de manœuvre est désormais plus qu’étroite à l’heure ou l’Espagne s’interroge de nouveau sur la pertinence de conserver son système monarchique.
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