Dreux, commune du département de l’Eure et Loir, a été une des villes frontières du domaine royal face au puissant duché de Normandie. Ici le vent de l’histoire souffle en permanence. En haut des tours de son imposante forteresse, flotte le drapeau tricolore côte à côte de celui d drapeau bleu azur aux lys dorés de l’ancienne monarchie défunte. Le décor est planté, le sujet choisi, c’est ici que l'émission « Complément d’enquête» a décidé de poser ses projecteurs et d'aller à la rencontre de Jean d’Orléans, duc de Vendôme et dauphin de France.
Le reportage débute par une punchline servant d’introduction. «Servir la France et les français», sonne comme un manifeste, la devise du prince Jean d’Orléans. Descendant en droite ligne de Louis XIII par son père, en lui coule autant le sang des Bragances du Brésil que celui de Charles X, le dernier roi Bourbon. Une ironie de l’histoire quand on sait que son aïeul, Louis-Philippe Ier, poussé par la bourgeoisie et quelques membres de sa famille, se fit reconnaître en août 1830 comme roi des Français. Le dernier souverain de France mais aussi celui à avoir le mieux accompli l’ambition des Orléans depuis des siècles. Mettre une couronne au-dessus de la tête de ces cadets indissociables de notre roman national. On ne refera pas l’histoire d’autant que celle-ci ne tardera pas à se charger de rappeler au duc d’Orléans, que le peuple reste souverain versatile de ses choix. Depuis 1848, date à laquelle la France a cessé de faire battre le cœur de sa monarchie, le journaliste pose d’emblée cette question au prince Jean, assis devant son bureau de travail sous le regard partenel d’Henri IV : «Vous pensez qu’il y a de la place pour une monarchie en France en 2018 ? »
« La France est toujours monarchiste de coeur, républicaine de raison » assène tout sourire le duc de Vendôme, un titre dont il a été gratifié en 1987, par son grand-père le comte de Paris lors du millénaire Capétien. « C’est-à-dire que la référence au roi est là partout, qu’on tourne la tête à droite à gauche, Qu’on lise les journaux, il y a toujours un article sur l’histoire, une émission sur l’histoire, cela fait partie de notre environnement donc les gens y sont très sensibles » ajoute-il.
Un roi de nouveau en France ? L’idée semble séduisante pour le journaliste qui évoque ce sondage réalisé en 2016 par BVA/Alliance royale où 17% des français seraient donc prêts à soutenir le retour de la monarchie. Pourquoi une telle nostalgie pour un système que la presse continue de caricaturer quand elle ne classe pas ses partisans de manière saugrenue à l’extrême-droite ou ne les range pas dans la catégorie Folklore. Pour Adélaïde de Clermont-Tonnerre qui cousine quelque peu avec le « prince Jean », ainsi l’appelle-t-on sobrement et protocolairement au sein du microcosme monarchiste, les raisons sont multiples. L’éditorialiste au magazine Point de Vue se montre aussi réaliste. « Racines, patrimoine, les français éprouvent une fierté et une fascination pour la monarchie mais l’assume difficilement car ils n’ont toujours pas réussi à dépasser 1789 », déclare t-elle à Thomas Sotto qui présente l’émission consacrée à ces monarchies de notre siècle. « Ce n’est pas une nostalgie mais à l’heure de la mondialisation ou de l’individualisation, c’est devenu une valeur refuge » surenchérit –-elle tout en s’empressant de citer en exemple la figure tutélaire d’Elizabeth II qui a été l’élément de cohésion des britanniques lors du Brexit.
Une idée vieillotte ? Le prince Jean d’Orléans se défend de tout anachronisme ; « Moi je pense tout à fait que la monarchie à sa place. Un président tous les 5 ans c’est assez court. (…) . Les intérêts des français ne sont finalement pas pris en compte Si nous avions un monarque à la tête de l’état, il n’aurait pas besoin de rechercher le pouvoir puisque celui-ci lui est donné. Encore moins à chercher de se hisser à travers les élections et de faire de la politique que le moment où il se hisse à la tête de l’état ». Dans la continuité historique, un prince se doit d’être au-dessus des partis et lors de conflits, être cet arbitre que l’on attend qu’il soit, agissant au mieux des intérêts du pays dont il est le premier des ambassadeurs. L’histoire d’aujourd’hui ne nous a-t-elle pas récemment montré le rôle important du monarque avec la crise séparatiste catalane ou celle plus gouvernementale au Maroc, forçant ces deux rois de confession religieuse différente à agir en homme d’état rassembleur ? « Travailler pour l’avenir », un credo qui s’affichait en une du numéro du bulletin Alliance royale d’Automne 1991 », consacré aux activités en tout genre de la maison royale de France et dirigé par une jeune Stéphane Bern, alors secrétaire du comte de Paris, Henri d’Orléans. Un leitmotiv repris par le dauphin de France, père de 4 enfants. Sensible aux causes de l’environnement, Jean d’Orléans, du haut de ses 52 ans, entend assumer un jour l’héritage qui est le sien dans un monarchisme qui entame un nouveau chapitre de son histoire. Modernité oblige, c’est à travers les réseaux sociaux que le royalisme français se fait remarquer avec une nouvelle génération 2.0 qui maîtrise les nouveaux moyens de communication et que l’on retrouve à l’Action française ou encore à la Nouvelle action royaliste qui écrit une nouvelle page de son aventure post-soixante-huitarde. Coup de jeune, à regarder de plus près, l’idéal monarchique prouve encore une fois qu’il a toujours su s’adapter aux siècles qu’il a traversé. Parfois avec difficulté et dans la passion sur certains sujets sensibles qui lui sont cher comme la famille, la tradition, la religion, la patrie mais toujours en maintenant le cap qui a été le sien durant 1000 ans. De générations en générations, l’idée attire toujours et encore plus de français soucieux d’y trouver une stabilité au quelle la république actuelle a bien du mal à montrer à ses concitoyens qui désormais fuient les urnes de chaque élection.
Et si tant est qu’on lui opposerait ses divisions pour lesquelles cette grande famille n’arrive toujours pas se rescinder, elle prouve toutefois qu’elle peut s’en amuser et à travers un conflit générationnel sous-jacent, faire fi de cette querelle dynastique, datant tout de même de 1883, en allant de l’avant. Avec 33 000 personnes qui suivent la page facebook parodique « Memes royalistes », ou se mêlent messages politiques à peine voilés et dérisions historiques, c’est tout le conflit dynastique qui vole en éclat. Ici Légitimistes et orléanistes, partisans du prince Louis (XX) de Bourbon, duc d’Anjou et ceux du prince Henri (VII), comte de Paris, se retrouvent pour rire d’un débat qui n’intéresse plus qu’une vieille génération encore soudée dans des carcans dépassés. Et si certes, cette page est détenue par de jeunes membres de l’Action française, ne cachant pas son adhésion au prince Jean que l’on voit danser à la « Jamiroquaï » à travers un photo-montage, distribuant des petits Lys comme « Jésus, des petits pains », elle démontre que les royalistes sont loin de cette sempiternelle caricature dont on les brocarde continuellement, loin de cette « féroce bataille » que se livreraient les deux tendances en présenc comme croient le déceler le journal « Le Monde » dans son article du 21 février dernier.
Politique le prince Jean ? On lui reproche de se cantonner à la ville de Dreux mais lui semble attendre son heure. Il évite les déclarations officielles qui pourraient gêner son père, avec qui il s’est récemment réconcilier. Une sorte de «gentlemen agreement » entre père et fils mais qui marque aussi la préséance de l’un sur l’autre. Le duc de Vendôme rêve de la présidence de la Croix-rouge ; la même ambition que son grand-père qui avait échoué à l’obtenir en dépit de la volonté du général de Gaulle de voir ce capétien jouer un rôle de grande importance après lui. Et si ce n’est pas ce prestigieux strapontin, « en tout cas, celui d’une grande institution où je pourrais délivrer une vision à long terme, alors que les politiques ont le nez dans le guidon, où je pourrais apporter de la sérénité et… oui, me faire connaître » disait-il en janvier 2010 à l’issue de la sortie de son livre-programme « Un prince français »
La monarchie restaurée demain ? Les français auront « le choix du prince » si la question devait se poser un jour. Duc d’Anjou, comte de Paris ou prince impérial tout cette noblesse qui cousine et qui se voit régulièrement, au-delà de la légitimité dynastique que défend chacun, c’est bien à celui de ces 3 prétendants qui saura s’imposer sur le terrain face aux français qui gagnera autant le cœur de ceux-ci que sa future couronne. Excepté un mouvement unifié et cohérent, que manque-t-il donc aujourd’hui pour que le monarchisme soit de nouveau cette alternative crédible que certains appellent de leurs vœux ?
«Pour moi, la monarchie est une espérance. Il me manque cependant les circonstances et la volonté populaire » répond en toute simplicité le prince Jean d’Orléans.
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Publié le 07/05/2018