Ancienne principauté disparue après le traité de Lunéville en 1801, c’est dans la ville belge de Liège que (le prince) Charles Bonaparte a posé ses bagages. Invité à inaugurer une exposition consacrée à l’empereur Napoléon Ier, dont le règne a profondément marqué un pays brièvement rattaché à la France, le père du prince Jean-Christophe Napoléon a rappelé que « l’héritage Napoléonien pouvait servir aux gens de notre temps ». Avant de répondre à une question concernant les candidats à l’élection présidentielle. Les Napoléon, une maison qui a même été à un doigt d’occuper le trône belge.
L’empire français et la Belgique, une véritable histoire d’amour qui va se terminer tragiquement à Waterloo en 1815. Cédés à la France après le traité de Campo-Formio, les anciens Pays-Bas espagnols vont être réorganisés en neuf départements. Sous le Premier empire, la Wallonie va connaitre sa révolution industrielle et devenir une des régions les plus prospères d’Europe. Le français est imposé comme langue administrative et érode considérablement l’influence néerlandaise. Les réformes vont très rapidement imprégner le subconscient de cette nation en devenir et qui bien avant d’élire un Saxe-Cobourg-Gotha à sa tête en 1830, n'hésitera pas à crier sur ses barricades : « Vive Napoléon II ». C’est à Liège, ancienne principauté théocratique, que (le prince) Charles Bonaparte a stoppé le carrosse du temps afin de visiter l'exposition « Napoléon, au-delà du mythe », qui se tient à la gare des Guillemins. Ancien territoire du Saint-Empire dirigé par un prince-évêque, alors Consul, Napoléon Bonaparte avait eu tôt fait de mettre fin à cette monarchie qui affichait avec insolence ses sept siècles d’existence.
« Mes face-à-face avec Napoléon ont été fréquents depuis mon enfance, donc j’ai fini par m’y habituer, mais c’est un phénomène important pour nous tous donc c’est plutôt sous cet angle-là que je le vois » déclare Charles Bonaparte à la RTBF. Dans le sang de ce descendant du roi de Westphalie coule aussi celui de la maison royale de Belgique. Sa grand-mère est la princesse Clémentine de Belgique au caractère bien trempé. Fille du roi Léopold II, ce dernier a longtemps refusé que sa fille épouse le prince Victor Napoléon. Non pas en raison du patronyme de l’élu mais simplement parce qu’il craignait que ce mariage ne compromette ses relations avec la IIIème république. « Mon devoir, à quatre heures de Paris, est de vivre en bons termes avec la République française » avait justifié le souverain. L’affaire ne tarde pas à être portée dans la presse belge qui s’indigne du refus royal. « « On invoque la raison d'État contre le mariage de la princesse Clémentine avec le prince Victor Napoléon, comme si une femme n'a pas le droit de disposer de son cœur comme elle l'entend [...] Comme s'il ne lui appartenait pas de juger elle-même si le descendant du roi Jérôme lui convient comme mari [...]. » écrira « Le Peuple », l’organe du Parti ouvrier belge (POP). Clémentine de Belgique devra pourtant attendre la décès de son père pour épouser le prétendant au trône impérial de France en 1910 et de faire sienne la cause bonapartiste. Pour le meilleur et le pire.
La chute de l’empire a profondément divisé les wallons et les flamands, notamment sur la question d’un éventuel rattachement définitifs à la France alors que d’autres souhaitaient le retour des Habsbourg. La Sainte Alliance se chargera de régler leur sort et de réintégrer les territoires aux Pays-Bas qui forment alors un « Royaume-Uni » sur le modèle britannique. Face aux nombreuses pièces exposées, Charles Bonaparte découvre des reconstitutions et des objets qu’ils ne connaissaient pas comme les soldats de plombs de l’Aiglon. Un nom loin d'être inconnu en Belgique. Lorsque la révolution belge éclate, il a 19 ans. Le roi de Rome devient soudainement le centre d’intérêt des deux côtés de la frontière. A Paris, on agite aussi bien son nom qu’à Bruxelles. L’idée de mettre un Napoléon à la tête du futur état est pris aux sérieux. Vienne est consultée, hésite car après tout c’est aussi un Habsbourg et c’est bien de cela dont on veut se souvenir. Le jeune homme à la beauté affolante vit dans le souvenir d’un père qu’il a peu connu. « Le petit Napoléon est un objet de désordre et de peur pour la plupart des cabinets européens. Il faut avoir entendu les conversations des dernières années, pour savoir jusqu’à quel point le nom de cet enfant énervait et effrayait même les ministres les plus habiles et être au courant de tout ce qu’ils inventaient et proposaient pour au moins faire oublier son existence. » écrira à ce propos l’écrivain et diplomate Friedrich Gentz. L’affaire ne se fera pas. Le roi Louis-Philippe Ier, qui aimerait placer son jeune fils, le duc de Nemours, sur le trône, va faire campagne contre l’Aiglon et contre que tout ce qui provient de la maison impériale Napoléon. Y compris lorsque Auguste de Beauharnais est alors proposé pour la couronne belge, cette «beauharnaiserie » qu'il fait promptement rejeter.
« Je trouve que c’est une exposition qui marie bien le contenu et la pédagogie, c’est-à-dire qui cherche à montrer aux gens de notre temps comment c’était à l’époque, parce qu’au fond, on a tendance à juger un peu vite l’histoire sans la replacer dans son contexte » explique Charles Bonaparte. Président de la Fédération européenne des cités napoléoniennes, qui regroupe 70 villes dans 13 pays différents, il aimerait que Liège rejoigne ce « mouvement » qu’il a initié afin de perpétuer l’héritage napoléonien. « Nous mettons en place des financements européens pour des projets de mise en valeur touristique et culturelle, comme des applications dédiées ou des travaux sur des monuments historiques, ou des parcours fléchés, etc. L’Europe les finance grâce au caractère européen de notre fédération. Je trouve que ce serait bien que Liège rejoigne cette fédération car c’était une ville importante sous Napoléon, et donc je le proposerai au bourgmestre. Je crois que c’est à partir de là qu’on peut intéresser et aussi que cet héritage peut servir aux gens de notre temps » explique t-il encore à la RTBF avant d'être recu par la mairie de Liège.
Interrogé sur qui serait le meilleur candidat bonapartiste à l’élection présidentielle selon lui, Charles Bonaparte a répondu « qu’il était mal placé pour donner des labels de bonapartisme ou de napoléonisme aux uns et aux autres ». « La seule chose que je puisse dire, c’est que ce côté monarque fait indubitablement parti de l’âme française. Il y a en même temps (actuellement) une critique de l’inégalité, une recherche forcenée de l’égalité et une (volonté) d’avoir une forme de gouvernement représentatif (fort) » a ajouté l'arrière-arrière petit-neveu de Napoléon Ier.
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