« Sans doute est-il temps qu’il rentre chez lui, au milieu de ses enfants ». Contraint à l’exil par une révolution en 1830, le roi Charles X repose aujourd'hui à Nova Goriça, en Slovénie. Depuis des années, diverses associations tentent de faire rapatrier ses cendres, et de ceux qui sont enterrés à ses côtés, en France. Si les descendants du frère de Louis XVI ont donné tous donné leur accord pour organiser ce rapatriement, les moines franciscains qui ont la garde des derniers Bourbons font de la résistance. Un projet qui est d'ailleurs loin rassembler les royalistes, ignoré des français ou encore les prétendants au trône qui s’entredéchirent autour de la dépouille du vieux roi. Alors que toute l’Europe organise pourtant le retour de ses souverains exilés, la France continue de jouer les mauvais élèves et de mépriser les demandes des Lys de France.
C’est un dossier qui dort sur le bureau du président Emmanuel Macron. Depuis trois ans, l’Association « Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons » attend que le Palais de l’Elysée veuille bien rendre ses conclusions sur l’éventuel retour des cendres du dernier représentant de la lignée aînée des Bourbons. Un projet initié au début de la seconde moitié de ce siècle par des passionnés, des historiens, des journalistes, des généalogistes qui entendaient se placer dans les pas des autres nations européennes qui ramènent les dépouilles de leurs souverain(e)s, toux exilés à un moment ou un autre par les affres de l’Histoire. Une demande qui ne fait pourtant pas l’unanimité au sein des mouvements royalistes, qui divise profondément les prétendants au trône de France et qui doit faire face à une forte opposition des moines franciscains du couvent de Kostanjevica. Ces derniers veillant jalousement sur les restes du roi Bourbon, déchu de son trône par la révolution de 1830 et contraint à se réfugier en Slovénie, alors terres impériales.
Entre 1987 et 1988, le duc de Cadix et d’Anjou, le prince Alphonse de Bourbon, sollicite l’aide officielle de François Mitterrand afin qu’il intervienne pour organiser le retour des cendres de Charles X. Sensible à cette demande de l’aîné de la Maison royale, le Président de la République passe le dossier à son premier ministre Jacques Chirac afin qu’il étudie toutes les possibilités et parallèlement contacte le prince Henri d’Orléans, comte de Paris. Agacé par cette action de son rival au trône et plus préoccupé par les festivités du Millénaire capétien, le descendant du roi Louis-Philippe Ier y oppose un refus net, suivi de Jacques Chirac qui ne souhaite pas entendre parler du cousin du roi Juan Carlos. Parmi les partisans de la Maison Bourbon (Légitimistes), cette initiative du prétendant ne plaît guère. Progressivement, ils vont convaincre son successeur, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, de faire machine arrière alors qu’il avait préalablement pris une position favorable à ce projet. Comme en témoigne son communiqué de 2002 où, au cours d’un repas, il déclare que « fidèle en cela à mon père qui l'a toujours souhaité, je désire moi aussi le retour du corps de Charles X sur la bonne vieille terre de France ». « Il serait temps de rapatrier les cendres de celui qui fut, après tout, un chef d'Etat et qui, comme tous les rois de France, a sa place parmi les sépultures royales de la nécropole de Saint-Denis » surenchérit même son représentant, le duc de Bauffremont qui préside l’Institut de la Maison de Bourbon (IMB). Louis-Alphonse va même solliciter de l’ambassadrice de Slovénie en France, Magdalena Tovornik, l’autorisation de pouvoir ramener les restes de la famille royales de France. Hors cette dernière préfère éluder la question du retour des cendres royales et évoque seulement « la sauvegarde nécessaire du patrimoine historique des Bourbons en terre slovène ». Le prince de Bauffremont s’irrite et accuse les autorités slovènes de n’être intéressées que par « manne touristique substantielle » que représentaient les restes des derniers Bourbons et qu’« une compensation financière pourrait les circonvenir ». Le débat fait rage.
Changement drastique de ton en avril 2017 où lors d’un pèlerinage au couvent de Kostanjevica , le prétendant au trône de France affirme au micro du Figaro Magazine qu’il est toujours « resté sous une réserve prudente » avant de finalement réitérer son opposition au projet devant le sourire satisfait des moines franciscains, gardiens immuables des restes de Charles X, Louis (XIX) –Antoine d’Angoulême, Henri (V) d’Artois, comte de Chambord, Marie-Thérèse de France, Louise d’Artois et Marie-Thérèse de Modène qui reposent dans leurs catafalques de marbre blanc. Cette déclaration va rapidement déchaîner les passions. Les 61 descendants de Charles X rappellent immédiatement à Louis-Alphonse de Bourbon que n’étant pas lié généalogiquement à ce souverain, le duc d’Anjou n’a pas son mot à dire tout comme l’association qui s’agace à ce qui s’apparente à une cabale montée de toutes pièces par les ultras de la Légitimité. « Le projet veut avant tout réconcilier les français avec leur Histoire, réparer un oubli et permettre à Charles X de reposer aux côtés de ses ancêtre » répond le président de l'association, Nicolas Doyen, à ses détracteurs. D’autant qu’il est question que de rapatrier Charles X, le testament du comte de Chambord précisant son souhait de rester là où il demeure à contrario de son grand-père. Du côté des Bourbon-Parme, il est acquis que Louise d’Artois, dernière régente du duché italien de Parme, reposera dans la nécropole de leur famille. « Avec ses défauts, comme avec ses qualités, ce dernier représentant de cette longue lignée capétienne qui, avec les Français, a poursuivi notre aventure nationale pendant dix siècles, ce prince oublié apparaît comme l’un de nos pères fondateurs. Sans doute est-il temps qu’il rentre chez lui, au milieu de ses enfants… » affirme sans ambages l’historien Philippe Delorme.
Pourtant loin des querelles intestines royalistes, l’association multiplie les contacts avec l’Elysée au plus haut-niveau puisqu’elle est même reçue au sein des arcanes du pouvoir par des conseillers du Président de la République. Un rapatriement est même envisagé sous la houlette de la France. Une rencontre avec les descendants de Charles X, parmi lesquels les princes Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme et Charles-Henri de Lobkowicz, en 2015 permet même de donner un coup de fouet au projet. « Ce sont les chaînons manquants pour la mémoire collective et l’éloignement géographique de leur dernière demeure participe à l’absence de repère historique des jeunes générations » déclare Julien Morvan, un des fondateurs de l’association « Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons. L’irruption du mouvement des Gilets jaunes sur la scène politique puis la crise du Covid met, soudainement et de manière inattendue, un frein aux actions de l’association qui a dû faire face à des oppositions au sein du gouvernement. Si le site officiel n’est plus en ligne, demeure encore une page Facebook qui recense les nombreux soutiens au projet. Dont l’actuel comte de Paris, le prince Jean d’Orléans, descendant par les femmes de Charles X. Une facétie de l’histoire quand on sait que le roi Louis-Philippe d’Orléans, son ancêtre, s’est emparé d’une couronne dont il avait la Lieutenance-générale.
Il ne reste plus désormais qu’à Emmanuel Macron de trancher cette question délicate qui continue de faire naître quantité de divisions. Si tant est que ce soit son souhait et que les moines franciscains acceptent de restituer le corps du dernier roi de la Restauration.
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