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Qui veut le retour du roi ?

84038270 1495130313977587 9105448843545149440 oDrapeaux régionaux, fleurdelysés mis en avant dès les premières images du reportage, le commentateur ironise sur la présence d’un « gilet jaune » sur le dos d’un des manifestants qui participe à la manifestation nocturne de l’association «Souvenir Louis XVI », organisée dans les rues de Paris, le 18 janvier dernier. Le ton est donné, crispant. Le journaliste feint rapidement de s’étonner de cette proximité entre un mouvement social et les monarchistes, oubliant curieusement au passage les communiqués de soutien émis lors de ces manifestations populaires et anti-gouvernementales par le prince Louis-Alphonse de Bourbon (qui avait pourtant fait le buzz en décembre 2018), les princes Henri et Jean d’Orléans, tous prétendants au trône de France. Ou encore le prince Charles- Emmanuel de Bourbon –Parme vu parmi les Gilets jaunes à Chambord [faut-il encore ajouter que le prince Jean est revenu sur ce sujet tout au long de 2019]. Un prince Charles-Emmanuel pourtant présent, place de la Concorde, que l’on peut d’ailleurs voir, avec son fils, sans pour autant être mentionnés dans le reportage. Focus sur la messe en latin, poncifs récurrents vendeurs du genre obligent, le royalisme, cet «aveu de faiblesse ou (cette) opportunité ? » pose comme question le présentateur. Avant de renchérir : «Mais qui est royaliste aujourd’hui ? », semblant résumer les fidèles de la monarchie à une sorte de folklorisme désuet. « On a besoin de quelqu’un qui s’occupe de son peuple, c’est plus que jamais de s’actualiser » répond un jeune homme. Simple mais efficace. On en saura pas plus. TF1 ne souhaitant pas développer, nous laissant sur notre faim.

Un petit retour sur la querelle dynastique dans un montage 3D, les divisions des royalistes sont pointées du doigt grâce à de petits raccourcis habiles. « Dieu vous bénisse ! ». Et bing, nous voilà de nouveau retombés dans les travers ! Le journaliste présente alors « Louis XX, descendant de Louis XIV par sa branche espagnole des Bourbons ». Et la France de (re)découvrir un prétendant à qui elle n’a pas donné la parole depuis des lustres sur ses antennes.

Louis-Alphonse de Bourbon sur TF1La Chapelle expiatoire est remise au centre du reportage, Louis XVI en arrière-plan. « Je crois qu’il a le profil de quelqu’un qui peut diriger la France » affirme tout sourire une dame interrogée par le journaliste qui dose ses effets de plans. A l’extérieur, la caméra se focalise sur de jeunes visages venus assister à la messe de commémoration en hommage de Louis XVI. « Car l’idée monarchique garde ses liens étroits avec l’église catholique. Et sa frange intégriste » surenchérit le journaliste qui vient d’abaisser d’un coup, le levier de la guillotine caricaturale habituelle. Peut-on l’en blâmer ? Quand on voit certains commentaires de la part d’internautes royalistes qui versent dans l’ultra-catholicisme à tout va, majoritairement au sein des réseaux sociaux inhérents à la Légitimité (dite alphonsiste), on ne peut que comprendre l’amalgame trop tentant effectué par TF1. « Mais alors qu’elle est sa vision à lui [le duc d’Anjou-ndlr]» pose innocemment le journaliste. « Protection de la famille, respect de l’homme depuis sa conception jusqu’à sa mort », le prince dément toute forme de conservatisme et rappelle que tradition ne s’oppose pas pour autant à modernisme. A peine 30 secondes consacrée l’aîné de la maison de Bourbon qui disparaît du reste des antennes de la télévision. Lorsqu’elle était venue le voir, le prince avait pourtant donné 20 minutes à l’équipe de TF1. Pas un mot non plus sur la participation de Louis-Alphonse de Bourbon à la manifestation contre le projet de loi la PMA,. Un camouflet violent dont se seraient bien passés ses partisans, dont certains se sont rapidement empressés de faire de la méthode coué sur les pages de leurs réseaux sociaux afin de calmer un agacement palpable au sein de la Légitimité.

Et si on passe sur l’explication du jeune homme d'environ 20 ans, siglé d’un pull au logo de la «Manif’ pour tous » [il fallait bien en trouver un pour justifier leurs commentaires-ndlr] expliquant que catholicisme et monarchisme se conjuguent au présent pour la défense d’une société qui ne peut pas «tout accepter », on se demande pourquoi une marche au flambeau «intrigue et dérange » selon le commentateur qui interroge un (seul) quidam , très étonné de voir qu’il existe encore des royalistes en France, «telle une race en voie d’extinction ».

Journal de TF1«Un mouvement radical, nationaliste, taxé d’antisémitisme, classé à l’extrême-droite ». L’Action française évite de peu le qualificatif de « nazi ». Président de la fédération Île de France, Etienne Lombard tente de remettre les choses dans son contexte. En vain. Et sans transition, nous voilà soudainement propulsé devant le visage de Baptiste Roger-Lacan dont les analyses connues (et officiant sur Slate.Fr) sur le royalisme sont aussi erronées, voir réductrices que sa chevelure est stupéfiante. On retient son souffle, l’homme est régulièrement l’objet de critiques pour sa malhonnêteté intellectuelle dans le domaine. Et on n’est pas déçu. « Le royalisme a été très clairement associé à l’expérience de la collaboration » déclare sans honte aucune ce doctorant qui zappe complètement l’investissement des royalistes dans les réseaux de la résistance. Les premiers d’ailleurs loin devant ceux des communistes ou des gaullistes. « Aujourd’hui, le royalisme en France n’a pas de poids politique» martèle-t-il dans un constat que l’on pourrait remettre en cause facilement (tant déjà par son éclectisme que par sa présence constante dans notre histoire politique, ayant même atteint un degré de pouvoir durant l’ère Mitterrand) ou encore de députés sensibles à l'idée aujourd'hui) mais teinté toutefois d’une certaine vérité sur certains points.

Et pour appuyer cette thèse, TF1 a été curieusement puisé dans ses archives de 1974. Courte rétrospective sur le «royaliste de gauche » Bertrand Renouvin, qui hier soir a du bien se demander ce qu’il faisait dans ce reportage, ce dernier a dû bondir sur sa chaise quand le journaliste a annoncé l’Alliance royale (notons au passage que ce mouvement n’est plus reconnu par personne aujourd’hui et considéré comme presque mort-ndlr) comme seul parti politique royaliste, mentionnant son faible score à la présidentielle de cette époque pour toute conclusion d’un reportage qui aura énervé plus d’un royaliste.

Exit donc les constants sondages qui affirment que 17% des français soutiendraient l’idée de restauration de la monarchie ou encore les nombreuses tentatives de restauration de la monarchie au cours du XXème siècle.

Si la mouvance monarchiste n’aura pas échappé aux caricatures habituelles dans ce reportage, méritées ou non, peut-être temps de se poser les bonnes questions !? Et de repenser «assises monarchistes », loin de tout idéalisme partisan et de querelles, vestiges d’un passé à dépoussiérer définitivement ou de présenter enfin aux journalistes des royalistes, qui tiendraient haut le pavé de l’idée monarchique sur des plateaux de télévision, capables de nous éviter de passer sempiternellement comme de doux rêveurs nostalgiques d’extrêmes-droites ». Mais là, encore faut-il que les royalistes veuillent avancer comme être capables de parler d'une seule voix.

copyright@ Frederic de Natal

Publié le 27/01/2020

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