Un prince pro-russe ?

«Je remercie chaleureusement Brian Brown, président du Congrès mondial des familles, pour son invitation à cette XII° édition et à l'importance qu'il accorde aux familles. Ce sujet m’est cher ainsi qu’à mon épouse. Nous vivons, en effet, dans nos sociétés occidentales, un moment crucial quant au rôle et à la place accordés à l’institution familiale, confrontée à de nombreux assauts. En dressant un état des lieux et en appelant au renouveau qui s’impose, ce congrès international, placé sous la présidence du Président de Moldavie et sous le patronage du Patriarche Kyril, et du Cardinal Parolin marquera donc une étape». Publié le 14 septembre sur sa page officielle et sur son compte instagram, devenus aujourd’hui les seules arcanes fiables de communication du prince Louis-Alphonse de Bourbon, son discours prononcé à Chisinau, sous le chapeau russe, a largement divisé la Légitimité qui le soutient et qui n’en finit pas de le commenter.

Présidence d’honneur de la Fondation Francisco Franco, son arrière-grand-père dont il entend défendre la mémoire controversée, discours en faveur de la protection de la famille, présence à l’hôtel des Invalides, le moins que l’on puisse dire c’est que le duc d’Anjou a été sur tous les fronts ces dernières semaines. Quitte à étonner, surprendre ou décevoir ses partisans.

Invité par le président Moldave pro-russe, Igor Dodon, à se prononcer devant un large public issu de la droite catholique et orthodoxe la plus dure, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a tout simplement (re-)confirmé son opposition au mariage pour tous et sa position en faveur de la protection de la famille, quitte à tenter de vouloir l’inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco. Applaudi par une partie des monarchistes ravis de voir un prince fidèle à la tradition Légitimiste, une autre partie l’a allègrement vilipendé sur les différents réseaux sociaux acquis à sa cause .Et que l’on ne saurait taxer d’orléanisme tant les partisans du comte de Paris sont rapidement éliminés des pages de soutien au prince, dès lors qu’ils s’affichent comme tels.

Accueilli en chef d’état, le prince Louis-Alphonse de Bourbon n’a pas goûté son plaisir du moment, vedette d’un week-end haut en couleurs, accompagné du colonel Jacques Hogard, ancien officier de la Légion étrangère et connu pour ses sympathies pro-russes. Un curriculum vitae impressionnant qui n’est plus à présenter. Du Rwanda au Kosovo, ce parachutiste, proche du duc d’Anjou, a planté le drapeau tricolore de la France avec brio. Il n’hésite d’ailleurs pas à afficher son soutien au prince sur son compte Twitter comme en avril 2017 où il avait fait la promotion de celui-ci lors de sa visite à l’exposition Saint-Louis au…Kremlin.

Et d’ailleurs, parmi les intervenants du Congrès, des soutiens affichés au président Vladimir Poutine. Pas étonnant que ce rassemblement se soit fait sous l’égide de Konstantin Malofeev, monarchiste déclaré et proche d’Alexandre Douguine, un eurasiste, conseiller du président Russe.

Louis-Alphonse de Bourbon proche des milieux russes ? Un pas que certains pourraient franchir très rapidement tant tout semble l’indiquer. Lors de son entretien télévisuel , filmé dans les les studios de Tsargrad TV (propriété de Malofeev) et accordé à l’agence Stratpol à Moscou, Louis-Alphonse de Bourbon avait affirmé sans ambages que « religion catholique et orthodoxe, en dépit de quelques nuances, étaient liées entre elles », ajoutant que la « Russie avait beaucoup changé et qu’il fallait tenir compte de son potentiel humain, territorial que logistique ». Avant de conclure sur cette idée « que la Russie gagne avec l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Ouest gagne avec la Russie », suggérant une alliance de fait indispensable, voire que « d’un point de vue des valeurs familiales, le Russie restait un bon modèle » à suivre». Et parmi les invités aperçus aux côtés du prince, un certain Alexis Komov, représentant russe du Congrès mondial des familles qui avait déjà participé à Paris à un rassemblement du même genre l’année précédente. Un congrès où était déjà présent l’omniprésent colonel Hogard aux côtés de Xavier Moreau , fondateur de …Stratpol, Guillaume de Thieulloy, fondateur du Salon Beige ou encore le frontiste lefebvriste et leader de Dies Iræ, Fabrice Sorlin (également un des conférenciers de la manifestation de cette année). La fine fleur de la frange la plus traditionaliste du catholicisme, très proche du prince Louis-Alphonse. Et toujours avec autant de participants. Un Alexis Komov qui entretient aussi des liens très étroits avec l’extrême droit européenne, de Salvini à la Ligue du Nord au Front Populaire Autrichien (FPöe) en passant par l’ancienne député Marion Maréchal (–Le Pen), entourée de monarchistes des deux tendances dynastiques à l’Issep, son école de formation politique à Lyon. Haut-terreau du royalisme français.

Bombardé « Roi des Franco » par la presse espagnole, présenté comme l’héritier des Bourbons par les médias pro-russes, les prises de positions en faveur de la famille et du catholicisme traditionaliste du prince avaient, dès lors, toute leur place dans ce Congrès qui lui aura permis de gagner ses galons de prétendant au trône de France à l’International. Du moins parmi les mouvements radicaux slaves où des représentants du Kremlin sont venus le saluer comme Elena Mizulina, membre du Conseil de la Fédération de Russie et initiatrice de la loi anti-LGBT adoptée en Russie en 2013. Et sous les félicitations appuyées de certains de ses partisans en France, ravis de constater un « Louis de Bourbon » (dont ils s’ingénient à enlever un Alphonse trop espagnol) devenu soudainement plus combatif et politique que d’habitude.

Le prince s’est –il affranchi de la tutelle de l’Institut de la maison de Bourbon au profit d’autres conseillers plus actifs et discrets ? La question mérite d’être posée car depuis janvier, ses instances officielles peinent à communiquer sur ses activités. D’ailleurs, aucun site officiel, en France, n’avait daigné annoncer sa visite à l’Hôtel des Invalides, pourtant « sur son agenda ». Ce qui n’empêche pas ses partisans les plus ultras de pérorer sur les pages qui lui sont consacrées comme si eux-mêmes avaient contribué à organiser sa visite, s’autoproclamant gardiens du temple de la Légitimité ou libérant leur parole teintée d’allusions homophobes très perceptibles. « (…) Il vaut mieux peu de fidèles, dévoués et fiables que des masses faciles à distraire, abruties par le modernisme et qui en sont restées indécrottables » écrit dans une certaine morgue; l’un d’entre eux sur la page officielle du prince avant de se faire traiter de « relique du temps passé » par son détracteur, à l’image symptomatique d’une Légitimité divisée par l’action du prince Louis-Alphonse de Bourbon. « (…) Défendre la famille, c'est défendre la vie! La famille, c'est la base de tout, c'est le socle de toute nation » dit une autre. « Monarchiste oui mais vivre avec son temps est une nécessité. Il existe des modèles ...pas un seul dominant.» répond une légitimiste agacée et qui traduit la déception de certains bourbonistes désormais prêts à retirer leur soutien à Louis-Alphonse qu'ils jugent trop radical.

En prenant officiellement parti dans un sujet politique lui-même sources de tensions en France, le prince n’a t-il pas pris le risque de rompre avec la neutralité qui s’impose vis à vis la charge qu’il représente ? Un discours qui tranche singulièrement avec l'ambiance du moment. Pour ses partisans les plus ardents, qui lui donne du « Sa majesté très catholique », restant toutefois qu'une minorité agissante et agressive, le « roi » est dans son rôle. « Il n’y a pas à discuter ses paroles » rétorquent ces ultras-royalistes à qui l’histoire ne semble avoir rien appris. Quand ils ne versent pas dans la caricatural, par conviction ou provocation. De l’Espagne à la France en passant par Chisinau en Moldavie, voilà Louis- Alphonse de Bourbon prêt à lever l’oriflamme de la protection des chrétiens et des valeurs de la famille avec l’aide de son nouvel entourage politique qui entend le placer sur les pas du Kremlin. De quoi conforter les plus extrêmes de ses partisans qui dénoncent leurs alter-égos « progressistes », les appelants « à quitter la Légitimité dont ils ne respecteraient pas l’essence ». Un duc d’Anjou qui voit dans ces réformes de la famille, une « situation qui, si elle devait continuer, n’amènerait qu’à la ruine de la société, voire à celle de la Civilisation » comme il l’a précisé lors de son speech. Et dont certaines paroles sont pourtant aussi loin d’être modérées dans la traduction que son discours publié en Français laisse entendre.

Un futur grand d’Espagne qui n’a pas hésité a réaffirmé fermement ses droits à la succession au trône de France lors de son discours, mémoire de son père et chef de la maison de Bourbon obligent !?

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Publié le 22/09/2018