Monarchies et Dynasties du monde Le site de référence d’actualité sur les familles royales

La nouvelle Première dame de Géorgie est apparentée à la maison royale des Bagration. Une dynastie dont le destin a été intimement lié à celui de cet ancien pays soviétique. Aujourd’hui, divers mouvements luttent pour le retour de la monarchie. Un sujet qui fait débat au sein de la société civile et politique de cette nation du Caucase.

La monarchie géorgienne, dirigée par la dynastie Bagration durant des siècles, a laissé un héritage profond qui continue encore d’influencer cette nation du Caucase. Les symboles et les caractéristiques de cette famille royale ont joué un rôle essentiel dans la construction de l’identité nationale géorgienne. Bien que l’institution royale ait pris fin avec l’annexion de la Géorgie par l’Empire russe au début du XIXe siècle, certaines branches de la dynastie ont survécu jusqu’à nos jours. Depuis la chute du communisme, l’idée de restaurer la monarchie, notamment sous une forme constitutionnelle, a régulièrement refait surface.

La Géorgie au temps de Georges XII @wikicommons

Une monarchie, aussi ancienne que les Capétiens, devenue russe

Située sur la côte Est de la mer noire, la Géorgie est un pays du Caucase. Elle a été dirigée durant des siècles par la famille Bagration qui se disait descendre directement du roi David. Une des plus vieilles maison royale à rang égal avec les Capétiens. L’apogée de cette dynastie est atteinte sous le règne de la reine Thamar Ière au cours du XIIe et XIIIe siècle. Suscitant l’appétit des Turcs, des Mongols et des Perses, c’est finalement l’aigle russe qui s’en empare définitivement en 1800, profitant des faiblesses militaires et politiques du royaume géorgien. C’est sur son lit de mort que le roi Georges XII apprendra que son trône a été annexé à celui de la Russie des Romanov.

Les Bagration intègrent la cour impériale, participent à sa vie politique et militaire de Russie tout en luttant pour que la Géorgie retrouve son indépendance. Chez les membres de cette famille, on cultive le culte de la légitimité. Leur destin va s’entrecroiser avec celui des Romanov qu’une révolution va chasser du pouvoir en février-mars 1917. Parmi les nombreux aristocrates arrêtés par les bolchéviks, le prince Alexandre Bagration-Mukhransky, proche du Tsar Nicolas II. Chef d’une branche cadette de la maison royale, il est brutalement assassiné le 12 novembre 1918 à coups de couteaux par les communistes au cours d’une massive exécution d’otages. Son fils Georges (1884-1957) devient le prétendant au trône d’un pays pris en étau entre les blancs, partisans du retour de la monarchie, et les rouges, partisans du nouveau régime communiste dirigé par Vladimir Ilitch Lénine.

Le prince Irakli VII  Bagration @wikicommons/Facebook

Fer de lance de l'indépendance

C’est un partisan de l’indépendance. Ses cousins luttent au sein de l’armée blanche, les Bagration rêvent d’un retour sur leur trône, à défaut de revenir à l’ère d’antan en Russie. Lorsque les communistes pénètrent en Géorgie (1921), tout ce que compte de monarchistes s’enfuit vers Europe de l’Ouest. Le prince Georges refuse de partir et entend partager le sort de ses compatriotes. A Berlin, le prince Georges Vasili Matchabelli (1885-1935) dirige le mouvement monarchiste géorgien. C’est loin d’être un inconnu. Durant la Première Guerre mondiale, il a tenté d’obtenir l’aide du gouvernement impérial allemand afin que celui-ci restaure la Géorgie dans son intégrité. Une folle équipée qui a fait naître autant d’espoirs que de stupéfactions. L’état-major du Kaiser Guillaume II étant sensible à l’idée mais loin d’être en faveur des Bagration, suggérant même que la couronne fût donner au prince Joachim de Prusse. L’idée sera abandonnée avant même que la Géorgie n’arrive à proclamer son indépendance en 1918, soutenue par les Bagration politiquement peu majoritaire sur l’échiquier national. 

Arrêté plus tard par les Soviétiques, le prince Georges Bagration doit la vie sauve au poète Maxime Gorki. C’est l’exil pour lui et sa famille. Son fils, le prince Irakli VII Bagration (1909-1977), va s’avérer être un prétendant tout aussi actif et reconnu de la diaspora. L’invasion de l’Union soviétique (1941) va permettre au monarchisme géorgien de refaire surface. Il intéresse même les nazis. Le comte Friedrich-Werner von der Schulenburg, ancien commandant de la Légion géorgienne, va servir d’intermédiaire entre la maison royale et le ministère des Affaires étrangères de Berlin. Le prince Irakli crée alors  l’Union des Traditionalistes géorgiens qui va collaborer avec la Wehrmacht par anti-communisme.

Les princes Georges XIV et Davit Bagration @DR

Un renouveau monarchiste à la chute du communisme

La restauration n’aura pas lieu, la victoire soviétique de Stalingrad va ruiner tous les espoirs des monarchistes géorgiens. L'Union soviétique (URSS), dirigée par Joseph Staline, un natif du pays, renferme encore plus son emprise sur la Géorgie. L’idée monarchique va renaître une nouvelle fois avec la chute du communisme en 1991. Résidant en Espagne, le prince Georges XIV Bagration (1944-2008) va jeter toutes forces dans le combat indépendantiste. Ancien coureur automobile passionné, il fait un retour remarqué quatre ans après la fin de l’URSS. Une visite médiatisée alors que le sujet est hautement discuté au sein du nouveau gouvernement qui s’est installé à la tête de l’état. Il va plaider pour l’instauration d’une monarchie constitutionnelle tout en reconnaissant que tout reste à faire tant les Géorgiens ne connaissent que peu. Parti monarchiste, l’Union des Traditionalistes géorgiens est autorisée et intègre la coalition du gouvernement. Dirigé par Akaki Asatiani, ce dernier est nommé vice-président (1990-1991) et président (1991-1992) du Conseil suprême de la République de Géorgie. Le mouvement monarchiste obtiendra même deux députés au Parlement. La guerre civile qui éclate va malheureusement ruiner les espoirs des royalistes géorgiens.

La mouvance monarchiste perd doucement ses appuis et ses élus parlementaires, contraints d’intégrer des coalitions diverses pour continuer à exister. Face aux Traditionalistes, le Parti conservateur (monarchiste) de Géorgie dirigé par Temur Zhorjoliani (1950-2017) qui refuse la moindre alliance avec Akaki Asatiani. Le trublion de la mouvance royaliste va même tenter de faire un coup d’état en 2006. Opposant notoire au Président Mikhael Saakachvili, il est arrêté et condamné à 7 ans de prison. Temur Zhorjoliani a toujours nié avoir voulu renverser le régime, reconnaissant toutefois qu’il s’était toujours battu pour le retour de la monarchie. Aujourd’hui, son parti est dirigé par Irakli Kobrava (2016) qui a rejoint l’Alliance des Patriotes. Si les monarchistes géorgiens sont aujourd’hui minoritaires (le parti d’extrême-droite Idée Géorgienne a déclaré qu’il était favorable à la monarchie), accusés de faire le jeu des Russes, ils sont surtout et fondamentalement anti-européens et nationalistes.

Ilia II, Patriarche de Géorgie

Des soutiens de poids parmi la société civile et politique 

Les monarchistes ont néanmoins reçu un soutien de poids en la personne du Patriarche Ilia II qui a publiquement appelé à la restauration des Bagration, seule alternative au retour de l’unité du pays (2007). Alors présidente du Parlement, Nino Bourdjanadze prend le patriarche au mot et annonce alors qu’elle va mettre en place une commission consultative et parlementaire afin de discuter de l’opportunité de restaurer la monarchie. Et l’idée recevra de nombreux soutiens parmi lesquels on peut citer, le député conservateur Zviad Dzidziguri, le leader du parti travailliste, Shalva Natelashvili, celui du parti de la Liberté, Konstantine Gamsakhourdia, ou encore celui du Parti de la nouvelle droite. Parmi toutes ces voix qui s’élèvent pour demander un référendum, l’actuelle présidente de la république.

Si on estime entre 25% et 35%, le nombre de géorgiens qui souhaiteraient le retour de la monarchie (selon un sondage réalisé par Kavkasia TV en 2013), la classe politique reste toujours divisée sur le sujet.  En juin 2017, alors que le patriarche Ilia II réitère de nouveau ses propos lors d’un sermon, le porte–parole du parlement, Irakli Kobakhidze, déclare que « restaurer la monarchie amènerait de sérieux avantages au pays mais nécessite que celle-ci soit approuvée par les Géorgiens », reconnaissant qu’il a rencontré le Catholicos à ce sujet. Mais de référendum promis sur le sujet par le gouvernement, le parlement va préférer débattre de la réforme de la Constitution afin de vider de tous ses pouvoirs le poste de président pour le transformer en un simple rôle protocolaire. L’ancien président Giorgi Margvelashvili, leader du parti du Rêve géorgien déclarequ’il était tout à fait « confortable » avec l’idée d’amener progressivement les Géorgiens vers le chemin de la restauration de la monarchie, ce qui permettrait de « supprimer automatiquement le problème le plus douloureux de l'ordre du jour - les pouvoirs du chef de l'Etat ». Le débat fait rage et provoque la mise en place d'une forte opposition à cette idée.

Une famille marquée par une crise dynastique 

Le prince Georges Bagration récupère en 2004 sa nationalité, s’installe dans son pays avant d’y décéder quatre ans plus tard. Les prétentions au trône de Géorgie sont actuellement assurées par son fils cadet, le prince David XIII (48 ans). En août 2008, lors de la guerre russo-géorgienne en Ossétie du Sud, l’héritier au trône se fait remarquer en venant soutenir les soldats géorgiens sur la ligne de front pour leur apporter un soutien moral. Il déclare lors d’une interview qu'il regrette que la Géorgie « doive payer un prix aussi élevé pour montrer au monde le vrai visage de la Russie ». Toutefois, selon lui, la restauration de la monarchie en Géorgie n'est pas une option à l'heure actuelle en raison de l’influence russe dans certaines parties du pays. « Il appartient au peuple géorgien de décider quand la monarchie doit être restaurée », affirme le prince royal.

Un prétendant toutefois contesté dans ses droits. Une autre branche des Bagration, les Gruzinski réclament le trône. Généalogiquement, ils descendent du fils du roi Georges XII et sont techniquement les aînés. Une maison qui a été également frappée par l’exil lors de la Révolution russe. Le prince Constantin IV (1915-1939) assure les prétentions de cette famille qui n’est actuellement pas reconnue par le gouvernement géorgien.  Décédé sans enfants, ses droits sont transmis à la lignée de son frère, le prince Pierre Bagration (1920-1984) qui vivait en Union soviétique. Aujourd’hui, c’est son fils, le prince Nuzgar (74 ans), qui assure aujourd’hui les prétentions de cette branche. Afin de mettre fin à la querelle dynastique, les deux branches s’accordent sur le mariage du prince David Bagration-Mukhransky et la fille de Nuzgar, la princesse Anna. Le mariage en 2009 est médiatisé, source d’espoirs pour les monarchistes. De cette union, va naître le prince Georges (13 ans) mais se terminera par un divorce en 2013. Les deux branches sont toujours irréconciliables.

La princesse Tamar Bagration @wikicommons

Une alternative crédible au XXIe siècle

Lors de sa prestation de serment en 2018, la présidente Salomé Zourabichvili invite la lignée du prince David XIII à assister à la cérémonie d’investiture. Certains médias locaux y voient alors un signe de restauration de la monarchie. « Allons –nous assister au retour de la monarchie ? » titre même l’édition anglophone de Georgia Today. Il est vrai que la nouvelle dirigeant pro-européenne de Géorgie n’a jamais caché son monarchisme latent. « J'ai toujours soutenu une monarchie constitutionnelle, en tant que forme de gouvernement approprié pour la Géorgie », avait même déclaré cette francophone avertie en 2007. Pourtant, une fois élue à la tête du pays, elle remise le sujet aux oubliettes pour se consacrer à l'intégration de la Géorgie à l'Union européenne (UE). Seul geste notable, la princesse Kéthévane Bagration nommée ambassadrice de Géorgie auprès du Saint-Siège au cours de son mandat.

La Géorgie est de nouveau plongée dans une nouvelle crise politique depuis l’élection à la tête de l’état du pro-russe Mikheil Kavelashvili (2025). Ironie de l’histoire, son épouse est (la princesse) Tamar Bagrationi-Davitishvili, descendante du roi Georges VIII (1415-1476), également connu comme le premier roi de Kakhétie, George Ier (1417-1476). Le nouveau dirigeant géorgien ne s’est jamais exprimé sur le retour de la monarchie. Une alternative crédible et une option qui reste donc toujours ouverte.

Copyright@Frederic de Natal 

Date de dernière mise à jour : 15/01/2025

Ajouter un commentaire

Anti-spam