Les fils de Constantin II évoquent leur avenir en Grèce, loin du trône
Les fils de Constantin II évoquent leur avenir en Grèce, loin du trône
En janvier 2023, le décès du roi Constantin II a ému toute la Grèce. Jusqu’ici silencieux, deux de ses enfants ont accordé une interview à la chaîne de télévision Ellinikí Radiofonía Tileórasi (ERT). Un entretien-confession où les princes Paul et Nicholas de Grèce s’attardent sur leurs années d’exil, évoquent leurs projets professionnels dans le pays, leur avenir politique et les perspectives de restauration de la monarchie.
Le décès du roi Constantin II, survenu le 10 janvier 2023, a provoqué une vague d’émotion à travers toute la Grèce. Le gouvernement a été contraint d'organiser des funérailles à son dernier monarque. Des milliers de grecs ont fait le déplacement à Athènes, la capitale, afin de rendre un dernier hommage à celui qui aura été toute sa vie un fervent partisan de la démocratie. Il laisse derrière lui cinq enfants. Ses deux fils aînés, le prince Paul (56 ans) et le prince Nicholas (53 ans) de Grèce ont décidé de sortir de leur silence et d’accorder une longue interview exceptionnelle à la chaîne de télévision Ellinikí Radiofonía Tileórasi (ERT).
La chute de la monarchie due à l'indécision du roi Constantin II
C’est très détendu que les deux princes de Grèce sont respectivement apparus dans l’émission 365 jours, interrogés par la journaliste Sofia Papaioannou dont le professionnalisme est reconnu de tous. Paul de Grèce était encore dans les langes lorsque son père a tenté de faire un contre coup d’Etat en décembre 1967, afin de mettre fin au pouvoir des colonels qui s'étaient emparés du pouvoir huit mois auparavant. Un échec qui avait forceé le roi Constantin II et sa famille à prendre le chemin de l’exil. « Mon père réfléchissait à la façon de garder l'unité du pays. Lorsque le coup d'État a eu lieu, il a tout fait pour conserver cette uinité. Son père lui avait toujours dit de ne pas laisser un Grec répandre le sang grec. La guerre civile était finie. Alors quand est venu le temps de faire un contre coup d’état, il a eu peur. Il a dit que son erreur avait été, peut-être, d’avoir envoyé une lettre trop sèche au Premier ministre et qu'il y avait une rupture entre eux à partir de ce moment-là. Il a essayé d'offrir le meilleur pour le pays et il a toujours continué à croire que ce qu'il avait fait correctement les choses » explique le prince Paul. « Le connaissant et en ayant parlé avec lui, j'estime qu’il a commis une erreur. Je pense qu'il aurait dû revenir au moment du référendum. À cette époque, il avait des personnes de confiance qui lui ont dit qu'ils s'occuperaient de certaines affaires jusqu'à son retour. Je ne veux pas être son avocat, mais en tant que citoyen grec qui adore l'Histoire, mon père avait déjà de la sagesse. Il l'a acquis avec l'expérience, au fil des années. Au moment où cela s'est produit, il avait 24 ans. Alors peut-être qu'il aurait fait les choses différemment s'il avait eu cette sagesse et cette expérience avec lui » regrette de son côté le prince Nicholas.
Tout est dans la simplicité pour les fils du monarque disparu
Paul de Grèce est assez simple quand il s’agit de parler du titre qu’il porte. « Certains m'appellent Prince Paul mais lorsque je dois me présenter lors de réunions professionnelles, je m’introduis comme Paul de Grèce. Vous savez, Prince Paul est un titre (de courtoisie-ndlr) car, nous n'avons pas de documents qui le confirment ainsi. Et pourtant, je suis né Prince comme mes propres enfants. Il est difficile de se faire appeler ainsi dans le monde du travail. Bien sûr, on vous dira que la monarchie a été abolie, mais cela ne change rien au fait que nous soyons princes par naissance » rappelle l’ancien diadoque (héritier). « Il se trouve que j'ai le titre depuis que je suis né, mais je n'ai jamais demandé à être appelé altesse, prince ou quelque chose comme ça. Inutile d'en discuter, ce sont des choses d'une autre époque en ce qui me concerne. Si quelqu'un veut m'appeler prince, je ne l'en empêcherai pas pour ne pas l'offenser, mais je ne le demande jamais » renchérit le prince Nicholas, guère à cheval sur le protocole.
Ils sont nés et restent des Grèce
Ils sont issus d’une branche cadette de la Maison d’Oldenbourg qui a donné des souverains au Danemark, la Norvège et plus récemment au Royaume-Uni. Officiellement, ce sont des Schleswig-Holstein-Sonderburg-Glücksbourg, mais eux préfèrent le terme générique « de Grèce ». Leurs détracteurs préfèrent, quant à eux, les surnommer « Glücksbourg » avec un certain mépris. Ce qui agace les deux fils du roi Constantin II. « J'ai un nom de famille. Celui de la Grèce. C'est ce que nous avons toujours été toute notre vie. Pourquoi devrais-je changer notre nom de famille ? Quand une loi de retrait de notre citoyenneté a été votée (en 1994-ndlr), c'était pour nous attaquer délibérément. Je ne comprends même pas pourquoi ils ont fait cela alors que durant nos années d’exil, nous n’avons pas posé de problèmes au gouvernement. Je suis Paul et je suis qui je suis. Je suis né avec ça, mes descendants ont passé toute leur vie ce nom. Où que soit ma maison, mon amour et mes racines sont ici » explique le prince Paul avec fierté. « Je suis né citoyen grec et on me l’a enlevé. Je suis grec, je le sais. La Grèce coule dans mes veines. Je suis grec et personne ne peut le contester. Je suis revenu habiter en Grèce, je l'aime aussi simplement que cela » déclare à son tour le prince Nicholas. Le roi Constantin II et sa famille ont vécu en exil au Royaume-Uni. « Mon père nous a élevé avec une éducation grecque. Nous avions un professeur de grec à la maison, puis je suis allé dans un pensionnat. Vivre avec des camarades de classe dont la première langue était le grec m'a beaucoup aidé » explique encore avec émotion le prince Nicholas.
Le retour de la monarchie, un projet désormais enterré
Pour les partisans du retour de la monarchie (environ 11% selon un sondage daté de 2007), le prince Paul est le nouveau prétendant au trône de Grèce. Un prince qui porte leurs espoirs. Durant des années, lui et son frère ont entretenu le suspens sur leurs intentions d’entrer en politique. Mais aujourd’hui, une certaine réalité a laissé place à ce rêve qu’ils ont formé en exil, celui de recouvrer le trône d’une monarchie abolie par référendum en 1974. « Il y avait un sentiment que les choses pourraient changer et que je deviendrais roi. Mais ensuite nous avons réalisé que c'étaient des mots qui nous étaient dits par ceux qui nous entouraient. Je ne parle pas de mon père. Vous terminez vos études, vous rejoignez l'armée et ensuite, vous devez travailler. Là, nous avons réalisé que tout le reste appartenait à l'Histoire. Ce que père nous a donné et laissé, c'est l'amour de notre pays. Mais comme nous ne pouvions pas revenir en arrière, il nous a toujours dit que nous donner à notre pays restait la chose la plus importante et c'est pourquoi allons dans ce sens actuellement » a expliqué Paul . Il confirme qu’il n’entrera pas en politique. « Je ne suis lié à aucun parti politique, et aucun d’entre eux ne nous a sollicité. À un moment , on nous a proposé de nous impliquer, mais ce n’est pas ce que nous souhaitions. Ni moi, ni mon père, ni mes enfants ne souhaitiont cela. Ce n'est pas au programme de ma famille. Je reste très intéressé par la politique grecque, mais je ne descendrais pas dans l’arène pour autant » ajoute le prince Paul qui a dû doucher les espoirs des monarchistes. « La question sur la monarchie est enterrée comme elle l'est pour tous les Grecs. Le peuple a décidé, un référendum a eu lieu (1974-ndlr), il n'y a pas eu de changement de constitution, c'est quelque chose qui est désormais de l'histoire ancienne et qui ne se renouvellera pas » tient encore à préciser Paul de Grèce.
Au service des Grecs grâce à des actions d'entraide
« Je n'ai pas plus de telles ambitions. Une rumeur a couru un certain temps que je créerais mon propre parti, que j'entrerais en politique... c'était un mensonge. Je n'y avais pas songé à cette époque, je n'en avais même pas l'intention. Je ne vais pas nier que plusieurs personnes me l’ont demandé. Je suis humain, j'y ai quand même pensé à un moment de ma vie, j’y ai réfléchi et j'ai décidé que ce n'était pas pour moi. Mon père n'en voulait pas non plus. Je n'ai pas trouvé une personne qui a su me convaincre avec de bons arguments et de toute façon, je n’ai reçu aucune proposition de la part d’un parti politique » explique également le prince Nicholas qui a monté une association, Action Hellas vient en aide au plus démunis, offre une aide médicale à tous ceux qui sont dans le besoin ou à trouver des emplois aux jeunes. Une association largement inspirée de la Fondation Prince’s Trust créée par le roi Charles III avec lequel les princes de Grèce sont liés d’amitié. « Depuis six ans, nous avons aidé 3 000 jeunes à trouver du travail, 67 nouvelles entreprises ont été créées avec notre aide et je veux continuer dans cette voie » déclare le prince Paul.
Un long entretien qui a suscité de nombreux articles de presse en Grèce et qui semble refermer le livre de la monarchie grecque dont il ne reste sésormais plus que de vieilles photos souvenirs. Ses héritiers ont décidé d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de leur famille, loin d’un trône auquel ils pourraient encore aspirer. Une décision qui pourrait faire tache d’huile dans d’autres familles royales qui ne règnent plus.et qui sont déjà perceptibles.