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Georg de Habsbourg-Lorraine : « La Hongrie est le centre de ma vie »

Georg de Habsbourg-Lorraine devant la couronne des rois de Hongrie« La Hongrie est le centre de ma vie ». Nouvel ambassadeur de Hongrie en France, l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine occupe désormais un poste diplomatique qui est stratégique. Interviewé par le quotidien « Hungary Today » le 2 mai dernier, le petit-fils de l’empereur Charles Ier (IV) évoque l’histoire passée et présente de sa famille, les défis auxquels il doit faire face, son identité et sa relation avec la Hongrie, ce pays tant aimé par la célèbre « Sissi » ou encore de cette nostalgie des Habsbourg  qui y est « perceptible ».  Un entretien très politique où cet archiduc regrette de constater que la presse française manque d'une totale neutralité à l'égard de son pays.

Hungary Today : Votre grand-père, Charles IV a été le dernier roi de Hongrie. Il a tenté de récupérer le trône, il y a exactement 100 ans. Si cela avait réussi, je n’aurais peut-être pas eu l’occasion de parler à celui qui est actuellement l'ambassadeur de Hongrie en France. Y avez-vous songé à l'occasion de cet anniversaire ?

Charles Ier (IV , Zita de Bourbon-Parme et Otto de Habsbourg-LorraineGeorg de Habsbourg-Lorraine : Pas vraiment. J'ai appris de mon père qu’il fallait toujours rester réaliste. Ma famille n'a jamais pensé à « et si » ni à se plaindre de ce qui aurait été « si cela s'était passé autrement ». Je ne pense pas qu’il soit très approprié de penser de cette manière. Je suis plus content de ce que j'ai, du présent… et d’être ici à Paris. Beaucoup de choses auraient pu arriver, il pourrait y avoir des choses bien pires dans l'histoire si [la tentative de retour] s’était déroulée différemment. Mais ce « si » est toujours là.

HT : Avez-vous évoqué de cette tentative de restauration de la monarchie avec le reste de votre famille ? L'avez-vous commémoré ?

GHL : Oui, nous en avons parlé. Mon cousin, Edouard de Habsbourg-Lorraine, l'ambassadeur de Hongrie au Vatican, a rédigé un article détaillé des événements et l'a partagé sur Internet. Il l'a également envoyé à toute la famille. J'étais très heureux qu'il ait rassemblé autant d'informations sur cette tentative de retour de la monarchie. C'est de cette manière que nous nous avons pu commémorer cet événement  Malheureusement, en raison de la crise des coronavirus, nous n'avons pas pu organiser une commémoration  officielle autrement que sur internet.

HT : S'il n'y avait pas eu la pandémie de  coronavirus, vous seriez-vous réunis  ?  Car pour autant que je sache, vous organisez parfois de grandes réunions de famille où se réunissent des Habsbourg du monde entier.

GHL : Nous avons tendance à avoir une ou deux petites réunions chaque année, mais toute la famille se réunit rarement, car il y a près de 500 membres dispersés dans le monde. Cela serait interdit aujourd’hui à cause du virus  (rires).

Georg de Habsbourg-Lorraine devant le portrait de SissiHT : Avez-vous été surpris par cette demande du gouvernement  de représenter la Hongrie en tant qu'ambassadeur en France?

GHL : Cela a été une  vraie surprise. Le travail d'ambassadeur lui-même n'est pas nouveau pour moi, car en 1996, j'ai été nommé ambassadeur itinérant. J'ai déjà eu de nombreuses tâches diplomatiques à cet égard. Mais l'invitation pour Paris a été une très agréable surprise et je l'ai accepté avec plaisir.

HT : N’était-il pas surprenant que vous ayez été nommé  à Paris ? En tant que Habsbourg, ne serait-il pas plus logique d’être l’ambassadeur d’Autriche ou d’Espagne ?

GHL : Bien sûr, plusieurs pays auraient pu être choisis sur la base de l’histoire de ma famille, mais j’ai constaté, depuis ma nomination, que la France était en fait une excellente décision. J'ai été accueilli très chaleureusement par des politiciens, des journalistes ou des personnalités publiques que j'ai rencontrées dans le respect des limites des restrictions imposées par la pandémie. Parfois par  vidéoconférence ou par téléphone.

Georg de Habsbourg-Lorraine au parlementHT : Sur certains portails d'information hongrois, des internautes ont manifesté leur mécontentement de voir un Habsbourg  nommé en France en tant qu'ambassadeur en raison du conflit historique qui existe entre votre maison et la France. Qu’en avez-vous pensé ?

GHL : Je n'ai ni vu ni vécu réellement cela. En fait, plusieurs personnes ont noté à quel point c'était  une bonne chose  que je sois en poste en France. Bien sûr, sur internet, on peut lire parfois des voir des commentaires négatifs et je pense particulièrement à un article du Figaro. Sur 65 commentaires, la plupart positifs avec à peine un ou deux messages critiques é. La presse l'a repris et il a également été publié en Hongrie. Mais ce que j'ai surtout constateé c'est que les gens attendent avec impatience de voir ce que je vais faire afin de renforcer les relations entre nos deux pays. Lorsque j'ai remis mes lettres de créance, le président Emmanuel  Macron a été particulièrement agréable avec moi.

Georg de Habsbourg-Lorraine devant le parlement de HongrieHT : Il semble donc que le souvenir de cette compétition avec les Habsbourg ne soit plus présente en France ?

GHL : Les luttes historiques appartiennent au passé. Il existe également de nombreuses relations positives entre ma famille et la France. Mon père [Otto de Habsbourg-Lorraine-ndlr] s'est marié en France, dans la région de Lorraine qui reste particulièrement proche de ma famille. Plus tard, son travail au Parlement européen a été lié  à ce pays où il traitait des questions francophones et entretenait des contacts étroits avec les membres du Parlement français. Ma grand-mère [Zita de Bourbon-Parme, épouse de Charles IV-ndlr] est issue de la famille Bourbon. J'ai donc des cousins en France également. Je pense donc qu'il y a beaucoup plus de choses qui me relient à la France que plus qui nous séparent. Il y a eu des conflits à travers l'histoire, mais je pense que le présent plus important que  le passé.

Georg de Habsbourg-LorraineHT : À quoi ressemble la journée de l'ambassadeur des Habsbourg à Paris ?

GHL : À cause de la pandémie coronavirus et des restrictions, mes journées se ressembent beaucoup. Quand je suis arrivé, il n'était pas possible de quitter nos maisons de 6 heures du soir à 6 heures du matin. Ceci, bien sûr, limite un peu ce qui doit être effectué dans la journée et les tâches inhérentes à un ambassadeur. Les événements,conférences, rassemblements liés à notre fête nationale ont dû être annulées ou tenues seulement virtuellement. Mais il y a des réunions tous les jours, au parlement, à l'Assemblée nationale, au Sénat, où je donne des interviews à des journalistes. Mais de toute façon, je suis au bureau  de 9 à 5 heures. Il y a beaucoup de paperasse et quelqu'un doit aussi le faire (rires).

HT : Quels sont vos devoirs  en tant qu'ambassadeur de Hongrie ?

Karl et Georg de Habsbourg-LorraineGHL : Comme tous les ambassadeurs, je représenterais la Hongrie et maintiendrais des relations diplomatiques avec les états - c'est mon travail. J'essaye de rencontrer autant de personnes que possible qui peuvent m'interroger sur la situation de  Hongrie. Je montrerais aux Français, aux politiciens et aux journalistes ce qui se passe vraiment en Hongrie, et s’ils souhaitent me poser des questions sur la Hongrie, je leur répondrais et leur fournirait toutes les informations qu’ils souhaitent. Et, bien sûr, je contribuerai à renforcer les relations bilatérales entre nos deux nations.

HT : La politique du gouvernement hongrois en Europe occidentale est considérée comme assez rebelle, presque comme du temps des « kuruc » [du nom du mouvement anti-Habsbourg dans le Royaume de Hongrie-ndr]. Ce qui explique pourquoi le gouvernement hongrois est critiqué. Qu'est-ce que cela fait de représenter les intérêts hongrois avec une telle situation ?

Georg de Habsbourg-Lorraine, ambassadeurGHL : C'est assez simple pour moi, car j'ai vécu en Hongrie pendant très longtemps. Comme je parle six langues, je lis également beaucoup de journaux issus de la presse étrangère, donc je sais très précisément ce qu'ils écrivent sur le pays, où se trouvent les points critiques et pourquoi la Hongrie est attaquée en ce moment. J'ai donc l'occasion de partager mes propres expériences en guise de réponse et l‘opportunité de décrire quelle est la situation réelle qui prévaut en Hongrie. Comme par exemple sur notre la stratégie de vaccination COVID-19. Malheureusement, les journalistes se réfèrent très souvent uniquement à d'autres journalistes sans vérifier quoi que ce soit.

HT : À votre avis, en quoi la réalité hongroise diffère-t-elle de ce qui apparaît, disons, dans les journaux français?

Inauguration d'un buste de Charles IV à BudapestGHL : Malheureusement, nous constatons régulièrement que la presse française évoque  des sujets devenus obsolètes depuis longtemps. Tel est le cas de la loi sur la transparence des organisations bénéficiant d'un soutien étranger, qui a conduit la Commission européenne à saisir la Cour de justice de l'Union européenne où un arrêt a été rendu, que la Hongrie a pleinement respecté puisqu’elle a abrogé la loi concernée. Néanmoins, à ce jour, nous  pouvons encore voir que certains articles de journaux font référence à cette loi en affirmant, entre autres, que l'état de droit a cessé d'exister en Hongrie, même si l'abrogation de la loi soutient exactement le contraire. En revanche, la presse française obtient principalement unilatéralement des informations sur la Hongrie auprès des mêmes sources. Bien sûr, il existe de rares exceptions, mais la plupart de leurs sources proviennent essentiellement de politiciens de l'opposition, des analystes ou des journalistes critiques à l’égard du gouvernement hongrois qui présentent les événements actuels en Hongrie uniquement de leur propre point de vue. Je n’ai pas de problèmes avec le fait que ces acteurs apparaissent dans un article de journal français, mais à mon avis, il serait plus judicieux que les lecteurs puissent avoir une vue d'ensemble dans chaque cas avec également la position de notre gouvernement à titre de comparaison.

Georg de Habsbourg-Lorraine et son filsHT : Parlons un peu de la Hongrie. Vous avez posté un message commémoratif le 15 mars [sur Facebook-ndlr]. N’est-il pas étrange de commémorer, en tant que Habsbourg, une révolution qui a éclaté contre sa propre famille ?

GHL : Eh bien, en fait, je commémore le 15 mars chaque année depuis que j'ai déménagé en Hongrie en 1989. J'ai dit très clairement à l'époque que je n'avais aucun problème avec la révolution. Ici, nous parlons d’une  histoire commune. Nous devons en accepter ses bons comme ses mauvais côtés.

HT : Pourtant, l'identité nationale a joué un rôle important dans la révolution, les Hongrois ne voulant pas d'un dirigeant commun.

GHL : En effet, mais je pense que sans la révolution, il n'y aurait pas eu de compromis [en 1867-ndr], ce qui a été un point extrêmement important de notre histoire. Il a été suivi d'un boom économique, la construction de nos plus beaux bâtiments, le métro et de nombreuses 'infrastructures ont surgi partout dans la ville [Budapest-ndlr]. Tout cela, l'une des plus belles parties de notre histoire commune, n'aurait pas eu lieu sans la Révolution de 1848-1849. Il y a bien sûr des côtés positifs et négatifs à tout. Mais je pense que la relation entre la Hongrie et la famille des Habsbourg est comme un long mariage… et dans un mariage il y a de bons moments, mais il y a aussi des conflits. Et l'histoire doit être vue comme un tout.

Nostalgie Habsbourg en HongrieHT : Comme vous l'avez mentionné, vous vivez en Hongrie depuis longtemps et la famille est également très internationale ? Vous sentez vous  Hongrois ou Autrichien?

GHL : Pour moi, c'est assez clair. J'ai passé plus de temps en Hongrie que partout ailleurs. Je me suis marié là-bas, mes enfants y sont nés, ils sont également allés à l'école là-bas. La Hongrie est le centre de ma vie.

HT : Cela vous manque-t-il depuis que vous êtes en France ?

GHL : Oui, ça me manque beaucoup, bien sûr. Ma femme est restée en Hongrie parce qu'elle y a construit son centre équestre - de nombreux enfants y montent et cela aide fait aussi office de  thérapie des enfants handicapés. Malheureusement, les chevaux n'ont pas pu être embarqués dans un avion et emmenés avec nous. C’est quelque chose qu’elle a construit et qu’elle ne voulait pas laisser derrière elle, alors elle est restée. Mais Paris n'est pas si loin. Sans la crise de coronavirus, les opportunités de se revoir auraient été plus nombreuses. Mais je parle toujours à ma femme et à mon fils de nombreuses fois par vidéo. Une de mes filles vit à Paris, et l'autre étudie dans une  université en Espagne.

Georg de Habsbourg-Lorraine et son filsHT :  Il y a une sorte de « nostalgie des Habsbourg » en Hongrie. Cela ressort peut-être aussi du fait que nous avons deux ambassadeurs de Habsbourg [l'autre est Eduard de Habsbourg-Lorraine, ambassadeur au Vatican-ndlr]. En Autriche, en revanche, lieu de naissance de la dynastie, il est moins visible, la famille a même été bannie du pays jusque dans les années 1960.

GHL : Oui, c'est très perceptible en effet.

HT : La relation entre la famille Habsbourg et l'État hongrois est beaucoup plus normale et plus étroite qu'avec l'État autrichien. La cohabitation est en donc  quelque sorte plus facile en Hongrie ?

GHL : Malheureusement, cela a été très difficile en Autriche car le gouvernement autrichien a longtemps agi très fortement contre ma famile, alors que cela n’a pas été le cas en Hongrie. C'est étrange, car la famille Habsbourg est vraiment partout en Autriche, il y a une tranche de notre histoire derrière chaque bâtiment et  c'est sur quoi l'activité touristique s'est construite. Il n'y a jamais eu de relation étroite avec les membres vivants de la famille [et l’état autrichien] s’est surtout concentré sur notre histoire. En Hongrie, en revanche, nous avons une relation vivante et c'est pourquoi la cohabitation est plus facile - et efficace pour les deux parties concernées.

Blason de l'empire austro-hongroisHT : le président János Áder devrait être réélu à la tête de  l’État. Avez-vous envisagé d’être nommé au poste de président de la Hongrie ? Il serait intéressant d'avoir un Habsbourg comme dirigeant de Hongrie de nouveau 

GHL : Honnêtement, non, jamais pensé à cela. Et je ne pense même pas que cela sera une possibilité plus tard. Bien que, soit dit en passant, il y a eu des discussions avec mon père au début des années 1990 au sujet d’un poste de président. Il l'a cependant rejeté très clairement, il a dit que sa place était au sein des institutions européennes, il aimait y travailler pour la Hongrie. Et il l'a très bien fait. Et je le répète, je ne pense pas à « et si» . Je suis très heureux de ma position actuelle et je ne veux rien d'autre en ce moment.

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Photo et illustrations@Tibor Illyés/MTI.  Entretien réalisé par Fanni Kaszás pour Hungary Today

Date de dernière mise à jour : 25/05/2021

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