Emmanuel-Philibert de Savoie annonce la fin de la querelle dynastique

« Aujourd'hui, je dis « assez » à toutes ces bêtises qu'habituellement et cycliquement des esprits pervers et malades ne cessent de publier afin de discréditer ma famille et son chef légitime ». Le récent décès du prince Amedeo de Savoie-Aoste, prétendant déclaré à la couronne d'Italie, va-t-il mettre fin à la querelle dynastique qui divise les monarchistes depuis des décennies ?  Petit-fils du roi Umberto II, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie a décidé de publier une lettre manuscrite du « Roi de mai » reconnaissant son père, le prince Victor-Emmanuel de Savoie, comme le seul héritier du trône d’Italie. Le prince de Venise appelle  désormais les monarchistes à l’unité derrière le nom de sa lignée.  

« Il est temps d’arrêter ces bêtises, il est temps d'en finir et arrêter de de faire parler les morts. Respectons leur repos ! Le Roi, mon grand-père, a reconnu, sans équivoque, en mon père, le futur chef de la maison de Savoie, avec ma mère à ses côtés lors de sa dernière rencontre avec les Italiens qui résidaient en France ». C’est sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant que le prince Emmanuel-Philibert, héritier au trône d’Italie, a décidé de dessiner une conclusion à la querelle dynastique qui agite la mouvance monarchiste italienne depuis des décennies.  En publiant une lettre manuscrite du roi Umberto (Humbert) II, dernier souverain d’Italie entre le 9 mai et le 13 juin 1946, qui reconnaît son fils Victor-Emmanuel de Savoie comme son seul héritier, Emmanuel-Philibert entend rappeler que lui et son père sont les seuls prétendants au trône d’une monarchie renversée par un référendum controversé. 

Depuis 1848, c’est le statut Albertin qui règle la succession au trône d’Italie, « héréditaire selon la loi salique » affirme son second article. Lorsque les médias internationaux commencèrent à évoquer les nombreuses conquêtes féminines du prince Victor-Emmanuel de Savoie, toutes issues du milieu artistique ou sportif, le roi Umberto s’empressa de réagir et rédigea en janvier 1960 une lettre officielle à l’intention de son fils,  lui rappelant qu’un mariage inégal lui ôterait toutes possibilités de devenir le chef de la maison de Savoie.  « Depuis 29 générations et respectée par les 43 Chefs de Familles, mes prédécesseurs, qui se sont succédés selon la loi salique, ont  tous contracté des des mariages avec des membres issus des familles de souverains. Cette loi, même moi qui suit le chef de famille, je n'ai pas l'intention et n'ai pas le droit de changer, malgré l’affection que j’ai pour vous » écrit alors le fils du roi Victor-Emmanuel III. En juillet 1963, alors que son fils est fiancé à Marina Doria, une championne de ski nautique, Umberto II rappelle une nouvelle fois son héritier à l’ordre et durcit le ton. Rien n’empêchera pourtant les deux tourtereaux de se marier en 1970 à Las Végas civilement mais sans la présence des autres membres de sa famille, interdit de participer au mariage religieux sur ordre du roi Umberto II. Pour les monarchistes qui perdent du terrain électoralement, cette dispute oedipienne devient rapidement gênante et objet de dissensions internes. 

Emmanuel-Philibert de Savoie ne nie pas les faits mais rappelle sur son compte Facebook, que le roi Umberto II a reconnu son père comme le seul héritier au trône y compris dans un rassemblement qui a réuni des milliers de monarchistes italiens. «  Le 4 juin 1978, lors de la rencontre historique de Beaulieu-sur-Mer, dix mille Italiens ont été reçus [par le monarque exilé-ndlr] et à cette occasion, le Roi, mon grand-père, a voulu à côté de lui, devant tout le monde, mon père et ma mère, un moment perçu comme un geste fort et ferme de paix,  le sceau indélibile de son choix pour la continuité dynastique » renchéri le prince de Venise. « La preuve inopposable est également un document daté 5 décembre 1983 écrit par Guibert d'Udekem, Exécuteur Testamentaire de mon grand-père, qui déclare que « les héritiers désignés de S.M. le Roi Umberto II reconnaissent que le Prince Victor-Emmanuel sera Chef de la Maison Royale de Savoie, Grand Maître à la fois de l'Ordre de la Sainte Annunziata et de l'ordre des Saints Maurice et Lazare et dépositaire des Grands Colliers du premier ordre » poursuit Emmanuel-Philibert de Savoie.

Lorsque décède en 1983 le roi Umberto à 78ans, Victor-Emmanuel se proclame prétendant au trône à la grande irritation de sa sœur Marie-Gabrielle de Savoie qui accusera plus tard le prince d’avoir tenté d’arracher une signature d’anoblissement de Marina Doria  à leur père sur son lit de mort. « On oublie la loi salique : la succession est automatique, et donc aucune nomination par mon père n'était nécessaire. Ma femme est de droit la Princesse Marina de Savoie «  rétorque alors le prince royal. La personnalité du prince Victor-Emmanuel ne fait d’ailleurs pas l’unanimité chez les monarchistes. Objet d’une enquête pour trafic d’armes et soupçonné de meurtre dans les années soixante-dix, acquitté à chaque procès, sa tentative de se proclamer roi en 1969 est mal passée chez les partisans du retour de la monarchie. Le Conseil des Sénateurs du royaume n’arrive pas plus à faire consensus autour de la figure de cet héritier, trop playboy à leurs yeux. Tant et si bien que l’organisme se scinde en deux et une partie part reconnaître les droits au trône du prince Amedeo (Amédée) de Savoie-Aoste dès 2002. « Si le peuple italien me le demandait et que mon cousin renonçait à ses droits, je serais prêt à assumer mes responsabilités dynastiques » déclare alors le le duc d’Aoste au Corriere Della Sera qui reste toutefois hésitant.

Chaque camp va alors affuter ses arguments et la division éclate au grand jour notamment  avec l'histoire du pugilat entre les deux protagoniste au cours du mariage du futur roi Felipe VI  (2004) et lorsque les prétentions au trône sont relevées par le prince Amedeo (2006). La famille royale se divise, la reine Marie-José de Belgique prend position et déclare au magazine Point de Vue : « Le roi Umberto ne s'est jamais exprimé sur la question d'Amedeo, elle était inexistante. En effet, dans les dernières semaines de sa vie, il était très proche du petit Emmanuel-Philibert qu'il considérait comme le continuateur de la dynastie et comme un possible roi d'Italie... ». Du côté des partisans des Aoste, on considère que le mariage «  inégal «  de Victor-Emmanuel l’a écarté de la succession même, quand même bien le roi Umberto II n’a jamais pris de dispositions en ce sens. Une procédure juridique de 4 ans donnera  finalement raison au prince Amedeo en 2010, autorisé à porter les titres et armes des ducs de Savoie. Dans la foulée, les princesses Maria Pia, Maria Gabriella et Maria Beatrice de Savoie démissionneront de l’Ordre de Saint-Lazare, ne reconnaissant pas leur frère Victor-Emmanuel comme prétendant au trône. L'ambiance est électrique au sein des deux branches qui multiplient les interviews , se désavouant tour à tour.

Et lorsqu’Emmanuel-Philibert de Savoie décide de nommer sa fille ainée, Vittoria, comme héritière du trône en décembre 2019, tout espoir de réconciliation entre les deux prétendants s’envole. Ce sera l’un des derniers actes politiques du prince Amedeo, qui avant de décéder le 1er juin de cette année,  condamnera cette modification qui contrevient au statut Albertin. « Je n'ai jamais essayé de convaincre ceux qui ont une pensée différente de la mienne et, de même, je ne cherche pas la bienveillance de ceux qui se trouvent convaincus pardes positions opposées aux miennes » affirme le prince Emmanuel-Philibert qui espère que cette intervention clos enfin le débat. D’autant que depuis le décès du prince Amedeo, son fils le prince Aimone de Savoie-Aoste ne s’est pas encore prononcé sur la succession au trône que sa branche revendique. « À partir d'aujourd'hui, je veux pouvoir travailler avec tous les monarchistes désireux d’unir et qui ne cherchent pas à diviser (…) à travers de vaines polémiques inutiles, ceux qui souhaitent sincèrement le bien de notre institution et de notre chère Italie » lance comme appel le prince de Venise qui se déclare désormais « disponible ». 

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