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Le royaume de Tavolara, micro-nation ou réelle monarchie ?

Tonino Ier BertoleoniC’est l’un des plus petits royaumes d’Europe et il mesure moins de six kilomètres carrés. Située près de la Sardaigne et bordée par une eau cristalline, l’île de Tavolara est entrée brutalement dans l’histoire de l’Europe au cours du XIXème siècle. Reconnue comme royauté indépendante par le roi Charles-Albert de Piémont-Sardaigne, c’est en 1934 que Tavolara a réintégré le giron italien. Aujourd’hui, entre deux plats de cuisine concoctés dans son restaurant, le chef de la maison royale, Tonino Ier Bertoleoni, revendique toujours cette couronne pittoresque dont on ne sait toujours pas si elle est une micro-nation ou une réelle entité géographique. 

Carlo Ier  Bertoleoni.C’est l’histoire d’un conte de fée sulfureux. Parti s’installer dans l’île de Tavolara, Giuseppe Bertoleoni entend y vivre, reculé de tous, afin de profiter paisiblement de ses amours avec deux sœurs qu’il a conjointement épousées. Nous sommes en 1830, l’Europe vit ses tous premiers bouleversements révolutionnaires qui vont bientôt amorcer le « Printemps des peuples ». Loin de ces tumultes, Giuseppe Bertoleoni développe son cheptel de chèvres, dites «  aux dents d’or », dont la réputation arrive aux oreilles du roi Charles-Albert de Piémont-Sardaigne. Intrigué, le souverain se rend sur l’île, débarque et se présente au berger. « Je suis le roi Charles-Albert » lui dit le monarque et Giuseppe Bertoleoni de rétorquer, interloqué : « Et moi, le roi de Tavolara ! ». Le souverain piémontais résidera trois jours sur cette île où, entre deux chasses, il festoie en toute simplicité. Soirée arrosée, légende ou réalité historique, quoiqu’il en soit, peu de temps avant son départ, Charles-Albert de Piémont-Sardaigne aurait crié à Giuseppe Bertoleoni : «  Tu es bien le roi de Tavolara ».  

Blason des Bertoleoni.Nouvelle monarchie virtuelle, son fils Paolo qui lui a succédé en 1841 souhaite faire valider officiellement ses regalia à Turin où il se déplace. Il est conduit au roi Victor-Emmanuel II de Savoie qui aurait accepté de le reconnaître comme souverain de cette principauté dont personne ne fait cas. Des armoiries sont créées, un drapeau, le nouveau prince héréditaire règne sur un caillou peuplé par une centaine d’habitants. Il se targuera même d’avoir l’amitié de Guiseppe Garibaldi, obtient une rente substantielle de la monarchie italienne grâce à la construction d’un …phare et attire même la curiosité du New York Times qui lui consacre un article où il est fait mention de manière erronée de la « République de Tavolara ». La reine Victoria, elle-même, envoie son photographe tirer le portrait de ce souverain exotique qui aura sa place à Buckingham Palace avec cette mention : « Le plus petit royaume du monde ». Les rois se succèdent sans marquer l’histoire de leurs empreintes. Son fils Carlo Ier (1886-1927) déclarera que sa seule ambition est « de faire d'aussi beaux casiers à homard que mon père » et qu’il « se fiche d’être roi ». Sa sœur, Maria-Angela, devient régente et finit par céder une île quasidement vidée de ses habitants à l’Italie en 1934, date de son décès rapporté par la presse internationale.

Fin de la monarchie ? Pas vraiment. Tavolera devient une base militaire de l’OTAN et l'invasion de ses terres va irriter le prince Paolo II, le fils de Carlo, qui emet une protestation qui n'aura aucun écho. Pour la république italienne, ces revendications sont saugrenues. Le fameux parchemin qui prouverait la reconnaissance de son statut royal par le roi du Risorgomento a disparu et les archives d'état sont catégoriques sur un point : la famille Bertoleoni ne figurent sur aucun acte nobiliaire. C’est aujourd’hui son fils cadet, Tonino Ier Bertoleoni, qui assure les prétentions au trône de Tavolera dont on ne sait toujours pas s’il s’agit d’une micro-nation touristique à l’instar de la principauté de Seborga ou un territoire illégalement annexé par Rome. D’ailleurs, la république n’est pas plus en mesure de prouver que Tavolera lui a été cédée. Lorsque la famille royale d’Italie est revenue en 2002 de son long exil, le prince de Tavolera a écrit une lettre à Victor-Emmanuel de Savoie, plaidant sa cause et lui réclamant de bien vouloir reconnaître ses droits sur l’île. Une demande jusqu’ici restée lettre morte.

Un prince qui a décidé de faire de sa royauté, une franchise commerciale et familiale.  « Ma famille a peut-être eu un beau passé », a récemment déclaré Tonino à la BBC « mais nous travaillons dur et vivons simplement, comme tout le monde ».  A Tavolera, le capitaine du ferry estival n’est nul autre que son neveu et ses enfants dirigent le restaurant local revêtu du blason de sa famille. « Pour moi, c'est un privilège de vivre ici.. Qui a besoin d'une couronne quand on possède une île entière comme palais ? » pose comme question, avec un air malicieux, le septuagénaire prince Tonino Ier Bertoleoni.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 28/06/2021

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