«Un faux Bourbon, prétendant et fantasmant sur le trône de France, essaie de profiter de la joie liée à la libération des quatre collaborateurs de SOS Chrétiens d’Orient, [enlevés récemment en Irak] (…)». Publié sur sa page Facebook, c’est par un court commentaire accompagné d’un long article en espagnol, que le prince Sixte-Henri de Bourbon –Parme a rappelé à l’ordre son cousin, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, prétendant au trône de France. Parme versus Anjou, une rancune vieille d’un siècle.
« Décidément, le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme a la félonie vissée au corps ! ». Titre extrait d’un article paru dans le webzine catholique Vexilla Galliae, le 23 septembre 2015, il résume toute l’animosité que les partisans français du prince Louis-Alphonse de Bourbon nourrissent à l’égard de celui qui est régent de la Communauté Traditionaliste Carliste (CTC). Les Parme et la branche aînée de la maison de Bourbon, un conflit dynastique qui trouve ses racines dans la première moitié du XXème siècle.
C’est par une lettre datée du 23 janvier 1936, que le prince Alphonse-Charles de Bourbon, 87 ans, expose les raisons qui l’on conduit à stopper les négociations avec le roi Alphonse XIII. Depuis 1833, deux branches se disputent le trône. Carlistes traditionalistes (qui ont repris aussi la succession au trône de France) et isabellistes libéraux se sont livrés trois guerres successives sur le sol espagnol. Roi déchu par une révolution en 1931, Alphonse XIII est le petit-fils de la reine Isabelle II, qui n’a pas laissé derrière elle un grand souvenir à ses sujets. Il a bien reconnu son oncle Alphonse–Charles comme « chef de famille » mais du bout des doigts, tant cette déclaration pourrait remettre en cause la légitimité au trône de sa propre branche. Agacé par ce qu’il considérait comme une « duplicité » de la part de son neveu, sans héritier direct, le prince Alphonse-Charles décide de reconnaître comme héritier direct, un autre de ses neveux, le prince Xavier de Parme, nommé régent. En prenant cette décision, le « vieux prétendant » considérait également que dans la branche alphonsiste, rien qui ne pouvait justifier leur adhésion à la Légitimité tels que les principes carlistes la définissait. Point de monarchie sans « Dieu, la Patrie, les Fueros, le Roi ».
Sixte-Henri est le fils cadet du prince Xavier de Bourbon-Parme (1889-1979). A 74 ans, bien que de santé fragile, suite à un accident de la route en 2001, il a gardé toute sa verve. Louis-Alphonse de Bourbon ? Il lui conteste tous droits de porter le titre de duc d’Anjou. Aux côtés du prince Henri (VII) d’Orléans (initiateur de l’action en justice) et du prince Ferdinand (IV) de Bourbon –Sicile, il n’a pas hésité à attaquer le prince Alphonse (II), père de Louis (XX)-Alphonse, devant les tribunaux en novembre 1988, arguant du fait que « le titre de duc d’Anjou appartenait à la seule couronne de France et qu’il était indisponible en l’état des institutions aussi longtemps que les circonstances et la providence ne pourvoiraient pas à la représentation héréditaire de la nation française ». La branche alphonsiste ne pouvait le détenir. « Le procès du millénaire » divise les Parme. Les princes Michel, André, Axel et Jean soutiennent le prince Alphonse. Sixte –Henri comme ses cousins seront déboutés par le tribunal et le duc d’Anjou d’être conforté dans son titre par la république française. Comme au bon vieux temps, les dissensions entre les membres d’une même famille éclatent au grand jour.
Le titre de duc d’Anjou est l’objet d’une polémique depuis presque un siècle. Lorsqu’en juillet 1946, le duc de Ségovie, Don Jaime, fils d’Alphonse XIII relève les droits au trône de France, faisant fi du pacte de famille, il annonce par un communiqué qu’il reprend ce titre prestigieux. C’est Xavier de Bourbon-Parme qui est chargé d’annoncer la nouvelle aux autres membres de la famille Bourbon. En retour, Xavier reconnait enfin son cousin comme chef de Famille. Tôlé chez les Parme et notamment le prétendant au duché de Parme, Elie (1880-1959), dont le trône a été emporté dans la vague du Risorgimento en 1859. Il s’empresse en 1957 de faire annuler cette reconnaissance qui prive sa famille, descendante de Charles III d’Espagne, de ses éventuels droits au trône à Madrid. A la tête de la frange la plus droitiste des carlistes, ancien soutien au Caudillo Franco (qui a un temps pensé à cette branche pour le trône), le prince Sixte –Henri prend la tête de la Communauté Traditionaliste carliste et le titre de régent. Ses chances de monter sur le trône sont aussi improbables que les prétentions de son frère Charles Hugues, qui a révolutionné le carlisme en le tournant vers un socialisme autogestionnaire. Les partisans des deux frères s’affronteront d’ailleurs à Montejurra (1976), lieu phare de l’histoire du carlisme. Tout à ses affaires espagnoles, en 1986, Sixte-Henri est contacté par Marcel Chéreil de la Rivière, autorité en la matière dans l’extrême-droite française. Encore une affaire de famille de nos jours. Ce dernier a rompu avec Alphonse de Bourbon qui a refusé de soutenir le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen. Il convainc Sixte- Henri que celui-ci est le vrai prétendant au trône de France, pourtant techniquement très éloigné de toute succession à ce trône comme le fera remarquer Christian Papet-Vauban dans la revue Fidelis, consacrée à l’état de la maison de Bourbon. « France monarchiste » est née. Son aventure ne durera que 4 ans mais le prince Sixte-Henri conserve encore aujourd’hui un noyau de fidèles qui arbore sans complexe le béret rouge des carlistes. Des Franco-carlistes que l’on retrouve également au sein du mouvement « Le Lys Noir » et qui ont simplement déclaré la branche de Louis-Alphonse « bâtarde et inapte à régner », regrettant que « des milliers de royalistes gogos se soient entichés d’un pauvre orphelin assez honnête pour ne pas croire la fable qui l’entoure ». Exit l’Orléans également, ici on ne jure que par les Parme et en particulier le neveu de Sixte-Henri, le prince Charles-Xavier de Bourbon-Parme.
L’antagonisme de Sixte-Henri avec Louis-Alphonse demeure intact et ce n’est pas Charles Emmanuel de Bourbon-Parme, proche du duc d’Anjou, qui vous dirait le contraire. En 1993, Sixte-Henri se répand en litanies contre le jeune homme venu assister aux festivités du bicentenaire de la mort de Louis XVI et part avec ses partisans organiser sa propre messe. Entre deux accointances avec l’Action française, il a refusé en 2015 de se rendre à la réunion de famille organisée dans le Bourbonnais, rassemblant plusieurs membres des différentes branches de la maison Bourbon. Hors de question de frayer avec le prétendant légitimiste. Deux ans plus tard, alors qu’il participe, le 21 janvier à une cérémonie en hommage à Louis XVI, sur la place de la Concorde, ses partisans se rendent à la basilique Saint-Denis où doivent apparaître le duc d’Anjou et son épouse. Tout est rodé. Laissant apparaître une lettre ornée de sa fleur de lys, légèrement insérée dans une enveloppe, ils distribuent avec facilité un tract qui récuse tout droit à Louis-Alphonse de porter le titre de duc d’Anjou. «Ma maison est la plus proche par le sang du roi-Martyr » déclare-t-il, rappelant à chacun que les Parme descendent de Charles X, frère de Louis XVI, par sa petite –fille, la princesse Louise d’Artois. Louis-Alphonse de Bourbon et Margarita Vargas seront obligés de rentrer par l’arrière de la basilique pour éviter les parmistes. Ambiance, ambiance dans le roycoland.
Charles X est enterré à Kostanjevica, en Slovénie. Après avoir suivi un temps les traces de son père qui y était favorable, le duc d’Anjou s’oppose désormais au retour des cendres du dernier des Bourbon, renversé en 1830. Hors chez les Parme, on y est majoritairement favorable comme (feu) la princesse Marie –Thérèse de Bourbon-Parme, la sœur de Sixte-Henri et pasionaria du carlisme. Une princesse qui ne supportait guère les positions franquistes de Louis-Alphonse, elle qui ne cachait pas son admiration du régime vénézuélien de Hugo Chavez. L’hommage rendu, maladroit et curieusement en dehors des règles protocolaires de rédaction habituelle il y a quelques jours, à la défunte princesse, par le duc d’Anjou a fait grincer des dents le duc d’Aranjuez, titre de courtoisie de Sixte-Henri, qui ne badine avec le sens de la famille. Quand même fut-elle opposée à ses idées.
Le communiqué sur la libération des membres de l’association SOS chrétien d’Orient aura été celui de trop pour Sixte-Henri qui a dégainé l’épée. Ce n’est pourtant pas la première fois que Louis-Alphonse de Bourbon prend la défense des chrétiens d’Orient. En août 2014, il avait lancé un « appel en faveur des chrétiens (persécutés-ndlr) du Moyen-Orient ». Sauf que le duc d’Anjou ne s’est jamais déplacé en Orient comme le fit longtemps avant lui le comte de Chambord dont il assume la succession au trône de France. Là est tout l’objet de l’irritation de Sixte-Henri de Bourbon-Parme qui y voit un zèle de trop et une tentative de récupération outrancière de la part du prince Louis Alphonse, qu’il n’appelle que par son nom espagnol. . La défense des chrétiens d’Orient, un credo qui l’a mené à la rencontre de ces communautés. Sixte- Henri a lui-même participé en 2014 à une manifestation organisée par l’association SOS chrétien d’Orient. « (…) Malgré les opportunistes, seuls deux princes s’occupent depuis toujours des chrétiens persécutés » à savoir lui et sa sœur (Françoise), oubliant au passage que le prince Jean d’Orléans, comte de Paris et autre prétendant au trône de France, est également en contact avec l’association et qu’il s’est déplacé en Syrie à la rencontre des communautés chrétiennes.
Ironie de l’histoire, au décès du prince Sixte-Henri de Bourbon, une partie de la CTC pourrait bien se tourner vers Louis-Alphonse de Bourbon, « El Rey Luis II de España », dont les positions politiques actuelles sont proches de ce mouvement qui représente moins de 5% de l’électorat espagnol. Bien peu pour justifier le maintien d’une telle rancune entre cousins dont le principal accusé dans cette affaire semble faire peu de cas.
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Publié le 01/04/2020