C’est la lettre qui a occupé toutes les conversations à la sortie du Shabbat. Dans un courrier rendu public, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie a présenté ses excuses au nom de la Maison royale d’Italie pour la signature des lois raciales de 1938. Un décret ratifié par le roi Victor-Emmanuel III qui a permis la déportation de milliers de juifs. Une demande de pardon qui n’a pas été du goût des instances dirigeantes de la communauté juive qui a refusé les excuses de cet héritier au trône et qui soupçonnent Emmanuel-Philibert de Savoie d'avoir fait cela dans un but électoraliste. Un prince qui a reçu le soutien inattendu des descendants de Benito Mussolini.
C’est un buzz qui est sur le point de tourner en polémique. La demande de pardon envoyée aux instances représentatives de la communauté juive par le prince Emmanuel Philibert de Savoie est devenue source de tensions et un fiasco total. Lorsqu’en 1938, le roi Victor-Emmanuel III décide de ratifier les lois raciales qui autorisent la déportation en camps de concentration de milliers de juifs, c’est un coup de canif qui est porté aux liens affectueux entretenus entre les descendants de Moïse et la monarchie italienne qui protégeait cette communauté depuis 1848. Une signature et un silence sur le sujet, longtemps après la chute de la monarchie, objet de toutes les controverses. « Pourquoi maintenant ? » se demande les juifs italiens qui semblent peut goûter à cet exercice de la part de l’arrière-petit-fils du souverain contraint à l’abdication en 1946.
« Aujourd'hui, après 82 ans, Emanuel-Philibert fait part de ses regrets et de sa condamnation [des lois raciales-ndlr]. Avec bien du retard » constate l'Union des communautés juives italiennes (UCEI). « Dans tous les cas, c'est une initiative qui doit être considérée comme exclusivement personnelle, chacun répondant pour ses propres actes et avec sa propre conscience. Ni l'Union des communautés juives italiennes ni aucune communauté juive ne peuvent en aucun cas accorder le pardon au nom de tous les juifs qui ont été victimes de discrimination, dénoncés, déportés et exterminés. Dans le judaïsme, même Dieu ne peut accepter un tel pardon de la part de quelqu’un qui ressent de la honte et la culpabilité, s’il ne s'est pas d'abord excusé auprès de la personne offensée » précise l’UCEI qui oppose une fin de non-recevoir au prince Emmanuel-Philibert de Savoie. Une lettre qui a mis dans l’embarras la mouvance monarchiste italienne et qui la divise largement sur les réseaux sociaux.
« Une lettre invoquant le pardon et la condamnation ne suffit donc pas, mais un engagement concret et quotidien de sa part est nécessaire pour l'avenir demande la communauté juive » réclame l'UCEI. « La condamnation morale du régime et de ses actes - qu'Emanuel-Philibert exprime verbalement pour la première fois aujourd'hui - est pour des milliers de Juifs, partisans combattants et antifascistes convaincus, un drapeau et un chemin à suivre et nous rappelle combien beaucoup d'entre eux ont sacrifié leur vie pour leur patrie » poursuit l’UCEI qui tente toutefois d’apaiser les esprits. « C’est en souvenir de tous, des six millions de Juifs exterminés dans les camps de concentration, des militaires italiens, des persécutés politiques, des Roms, des handicapés et des homosexuels, que toute forme de nostalgie de ce régime [fasciste-ndlr] doit être sévèrement confrontée et contenue. C'est envers les jeunes de notre pays, L'Europe qui nous rassemble autour des valeurs fondamentales des droits de l'homme, que cette demande doit être adressée afin que l’on ne dise « plus jamais cela » et non pas une demande de pardon dont le seul but est de réhabiliter sa famille » s’agace l’UCEI. « Nous prenons note des paroles de repentance exprimées dans les médias ces dernières heures [par le prince-ndlr] et nous verrons, dans les mois, années à venir, quelles actions concrètes et quotidiennes peuvent suivre de manière cohérente et être un exemple pour les autres » renchérit l’UCEI . « Les descendants des victimes n'ont aucun pouvoir pour pardonner et il n'appartient pas aux institutions juives de réhabiliter des personnes et des faits dont le jugement historique est gravé dans l'histoire de notre pays » a précisé de son côté les représentants de la communauté juive de Rome. « Le silence sur ces faits des descendants de [la maison royale], qui a duré plus de quatre-vingts ans, est une circonstance aggravante supplémentaire (...) et leur longue collaboration avec une dictature, est une offense envers les Italiens, les juifs et les non-juifs, qui ne peut être ni effacée ni oubliée » ajoute leur communiqué officiel qui rejette ici définitivement la demande de pardon du prince Emmanuel-Philibert.
Et si l’héritier au trône a rappelé à la télévision que le roi Victor Emmanuel III avait abrogé cette loi en 1943, une fois Bénito Mussolini renversé, c’est le soutien inattendu de la …petite-fille même du Duce qui a surpris les italiens. « Mon grand-père a fait de très bonnes choses, inattaquables, mais aussi des erreurs. Celle des lois raciales est à condamner. Alors si les Savoie avaient envie de faire cette lettre, ils ont bien fait » a déclaré dans la presse Rachele Mussolini. Pour de nombreux italiens, la lettre d’excuse du prince de Venise ne serait pas anodine et interviendrait dans un souci électoraliste alors que le pays se dirige une nouvelle fois vers des élections législatives anticipées qui pourraient renvoyer une coalition de droite et d’extrême-droite au pouvoir. En Juillet 2020, Emmanuel-Philibert de Savoie a lancé son parti politique-Think Tank appelé « Più Italia », crédité de 8% d'intention de votes. Assez pour être élu député.
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