« Aujourd’hui, parler de monarchie en Italie reste tabou mais les pays qui ont conservé leur système monarchique restent des exemples à suivre et on peut voir que cette idée en Europe est de plus en plus appréciée. Un engouement dans certains pays même !»
Prince Emmanuel-Philibert de Savoie, 2018
Le 17 novembre, le prince hériter Emmanuel-Philibert de Savoie, « prince de Naples, de Piémont et de Venise » et « duc de Savoie », a été invité par les autorités municipales de la ville Busto Arsizio afin d’inaugurer la nouvelle place Victor Emmanuel II, le roi du Risorgimento. Un événement qui aurait pu passer inaperçu si le choix de la date ne s’était pas accompagné d’une violente polémique. C’est en effet, en 1938, que ce jour-là, le régime fasciste a promulgué des lois raciales (ou décret 1728 des dispositions pour la défense de la race italienne) qui entachent encore aujourd’hui la monarchie. Entretiens croisés (La Nazione, Il Giornale...) du fils du prince Victor-Emmanuel de Savoie et de Marina Doria.
Le roi Victor Emmanuel III reste encore pour beaucoup d’Italiens l'une des figures les plus controversées de notre histoire. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui m'attriste, c'est qu'une partie de l'intelligentsia actuelle se borne à juger uniquement que 2 ans du règne de Victor Emanuel III [dont le corps a été rapatrié en non sans avoir généré des divisions entre les membres de sa famille-ndlr], alors que je rappelle qu’il a dirigé l’Italie durant 47 ans On oublie que c'est ce roi-soldat qui, pendant la Grande Guerre, a pu réunir les chefs d'État alliés à Peschiera (1917) et qui par ses actions, a permis le rétablissement de la confiance parmi nos troupes [le prince a commémoré le centenaire de la victoire de Vittorio Veneto avec ses partisans le 28 octobre dernier-ndlr]. Il a dû faire des choix difficiles dans des moments difficiles. Je n’essaye pas de l’excuser pas car un roi est toujours responsable de ses actes devant son peuple et son pays. Mais il est aberrant de voir, depuis que je suis revenu d’exil, que je passe mon temps à devoir m’excuser pour tout et cela n’est jamais assez suffisant. Comment voulez-vous que je me sente responsable du vote des lois raciales, signées il y a 80 ans. Je les ai condamnés à diverses reprises. Mais je pose une question ! Les descendants de ceux qui ont voté la loi d’exil [1946-2002-ndlr] sont-ils venus me présenter des excuses au nom de leurs familles ? Je rappelle que l’Italie était une monarchie constitutionnelle et que le roi ne gouvernait pas. On oublie encore que le roi a refusé de les signer par 3 fois avant que le Parlement et le Sénat ne les valident. C’est un mauvais procès que l’on fait à mon arrière-grand-père.
Comment analysez-vous la situation économique de l'Italie aujourd'hui?
Je crois beaucoup au potentiel économique de nos petites et moyennes industries et il est important que nos entrepreneurs disposent des meilleures conditions afin de pouvoir rester en Italie et travailler correctement.
Enfant, vous avez été interviewé par le journaliste Enzo Biagi. A cette époque, vous aviez affirmé que les Italiens « étaient de bonnes personnes ». Rediriez-vous la même chose aujourd'hui?
Je me sens italien et quand on parle des italiens, c’est à eux que je m’identifie. Je perçois beaucoup d'affection de leur part et je serai toujours aux côtés de mes concitoyens dans toutes les situations qu’ils devront affronter.
Pourtant, aucun membre de la maison de Savoie ne vit véritablement en Italie.
J’ai toujours fait le choix de de protéger ma vie privée et particulièrement celles de mes filles. Ma femme [l’actrice Clotilde Courau, épousée en 2003-ndlr] travaille en France et même pour petites filles [Vittoria et Luisa, nées en 2003 et 2006-ndlr], il est plus facile d’y étudier. En Italie, il y aurait trop de paparazzis qui nous surveillent, en France beaucoup moins. Mon père est resté 56 ans hors d'Italie et il aurait été absurde de changer soudainement toute sa vie. J'ai acheté une maison en Ombrie, en dépit de certaines interdictions de l’état qui pèsent et qui persistent sur ma famille. En fait, la république est même en droit de ma saisir ma propriété simplement à cause de mon nom. Avouez que c’est une situation ridicule pour un pays qui se dit civilisé !
Est-il vrai que vous avez des sympathies envers le ministre Matteo Salvini [de l’Intérieur] ?
Je trouve particulièrement intéressant de voir comment il a géré sa carrière politique, permettant ainsi à la Ligue (du Nord) de devenir le premier parti d’Italie. Je suis naturellement pro-européen, mais j'aimerais aussi voir une Italie forte, qui compte dans une Europe qui serait forte. N’oublions pas que les italiens se sont exprimés et ceux qui ont été élus, pour la plupart à une large majorité, doivent avoir aujourd’hui la possibilité de réaliser leur projet politique sans que l’on vienne remettre en cause sans cesse leurs décisions. Nous parlons d'un gouvernement qui est en place depuis six mois. Voyons s’ils vont être en mesure de réaliser ce qu’ils ont promis et nous pourrons ensuite juger.
Souhaitez-vous revenir en politique?
Une enquête de l’Institut Piepoli affirme que 15% des italiens seraient prêts à suivre un parti monarchiste, 8% penseraient à moi comme le prochain roi d’Italie [Il ne fait pas l’unanimité parmi les monarchistes notamment l’Union monarchique italienne (UMI) qui ne lui reconnait aucun droit au trône. Le prince entretenant de très mauvais rapports avec cette importante association monarchiste qui a deux élus, un à la tête du parlement européen, un autre au sénat-ndlr] Aujourd’hui, parler de monarchie en Italie reste tabou mais les pays qui ont conservé leur système monarchique restent des exemples à suivre et on peut voir que cette idée en Europe est de plus en plus appréciée. Un engouement dans certains pays même ! Un membre de la maison de Savoie pourrait représenter un visage moderne qui saurait combiner des valeurs fortes comme l’unité autour de notre histoire commune et culturelle. Il est possible que j’entre en politique de nouveau [Tête de liste de « Valeurs et Futur » en 2008, Il obtient seulement 0,44 % des voix et n’est pas élu député européen en 2009 alors qu’il se présentait sous les couleurs de l’Union des démocrates –chrétiens-nlr]. Qui vivra, verra !
Souhaitez-vous refaire de la télévision ?
La télévision [il a participé à divers télé-reality shows entre 2008 et 2015, animé le «Pékin Express italien et créé la société « Royal Me Up Productions avec Telfrance, un groupe audiovisuel français »-ndlr] m'a aidé par le passé à me faire connaître, me faire apprécier des italiens et leur montrer mon vrai visage. Aujourd’hui à 45 ans, j’avoue que le « star système » me passe au-dessus. Vous savez, je travaille aux États-Unis pour promouvoir la cuisine italienne [sous la marque « Prince of Venice »-ndlr] et, en janvier, j'ouvrirai le premier restaurant de restauration rapide italien à Los Angeles, proposant des pâtes fraîches et des pizzas. Ensuite, je me consacre à des projets caritatifs sous couvert des ordres dynastiques de la Maison de Savoie. Nous finançons à travers ces ordres, différents centres d’aide dans 20 régions, avons créé un dispensaire à Gênes et aidé concrètement les victimes du tremblement dans les Abruzzes ou même les victimes des inondations de d’Alta Versilia.
Vous n’avez pas d’héritier masculin. Qui devra vous succéder ?
Je reconnais volontiers l'intelligence, l'intuition et la sensibilité des femmes. Et vous savez en Europe, nous avons et aurons toujours de bonnes reines.
Frederic de Natal
Paru le 20/11/2018