« La restauration de la monarchie ne dépend que de la volonté du peuple portugais ». Architecte-paysagiste, écologiste, ministre et monarchiste convaincu, c’est une nation entière qui a pris le deuil à l’annonce du décès de Gonçalo Ribeiro Telles, ce 11 novembre. Aux nombreux hommages unanimes qui lui ont été rendus, celui du chef de la maison royale du Portugal, Dom Duarte-Pio de Bragance qui a salué un homme, un « symbole , un idéaliste au service de son pays et qui fut tout au long de sa vie un vrai patriote ».
Gonçalo Ribeiro Telles a traversé tout le XXème siècle sans jamais renier une seule fois ses idéaux. Qualifié de de premier écologiste européen, il a révolutionné l’idée monarchiste portugaise en l’éloignant de ses poncifs conservateurs pour mieux la moderniser et lui faire retrouver un éclat perdu sous la dictature du Premier ministre Antonio Salazar. Né en 1922, il va rapidement se passionner pour les questions environnemtalistes et étudiera à l’Institut Supérieur d’Agronomie (ISA) de Lisbonne dont il en deviendra un des professeurs dans les années 1950. Il entre comme architecte paysagiste à la Mairie de Lisbonne où il se fait rapidement remarquer.
C’est aussi un catholique pratiquant qui entend lier sa passion pour la protection de l’environnement avec ses convictions politiques. Gonçalo Ribeiro Telles est un royaliste convaincu. La monarchie des Bragance est tombée en 1910 suite à un malentendu qui a permis aux républicains de s’emparer du pouvoir. La nouvelle institution est instable. Républicains et monarchistes s’affrontent aussi bien au parlement que les armes à la main. Les partisans des Bragance s’offriront même le luxe de rétablir la monarchie dans le nord du pays, brièvement, en 1919. Gonçalo Ribeiro Telles est un modéré et il ne supporte pas les intégralistes qui dirigent la mouvance monarchiste, qui tentent de persuader Salazar de restaurer la monarchie après lui. Des gesticulations qui agacent le paysagiste qui décide en 1957 de fonder le Mouvement des monarchistes indépendants (MMI). A ses côtés, le journaliste Francisco Sousa Tavares (1920-1993) qui, bien qu’il aura un parcours politique similaire, s’éloignera un jour de lui pour défendre les droits au trône de Marie-Pia de Saxe Cobourg Gotha. Ribeiro Telles apporte son soutien au général Humberto Delgado qui reçoit un appui d’autres associations monarchistes qui subissent de plus en plus de pression de la part des salarazistes. C’est d’ailleurs lors de l’élection présidentielle de 1958 que la rupture entre le dictateur et les monarchistes est réellement consommée et qu’une véritable opposition au régime de l’Estado Novo (Etat Nouveau) se forme.
En 1969, Ribeiro Telles rejoint la Comission électorale monarchiste qui s’allie avec l’Action socialiste portugaise de Mario Soares, futur premier ministre de 1983 à 1985 et Président de la République entre 1986 à 1996. Les partisans de la monarchie vont participer activement à la révolution des oeillets de 1974 qui précipite la fin du salazarisme et provoque la division d’un royalisme secoué par la perte de son empire colonial africain. Entre temps, Ribeiro Telles a fondé le Parti Populaire monarchiste (Partido Popular Monárquico, PPM) qui reconnaît les droits au trône du migueliste Dom Duarte-Pio de Bragance. Issu de la branche cadette, Dom Duarte –Pio a recueilli l’héritage du roi Manuel II après que les deux lignées rivales se soient réconciliées. Comme Ribeiro Telles, le prince de 29 ans, est un amoureux de l’environnement et ses idées s’accentuent sur le souci du social. Entre les deux hommes, une amitié qui va se muer en respect mutuel.
A ses débuts, le PPM connaît de timides succès mais qui font mouche auprès de la jeunesse portugaise. Les élections législatives de 1979 permettent enfin aux monarchistes d’entrer au parlement avec 5 élus. Un accord avec les socialistes de Soares leur a permis d’intégrer l’Alliance démocratique et confimer l’élection comme député de Ribeiro telles. Nommé ministre de la Qualité de vie entre 1981 et 1983, on lui doit la création de la Réserve national agricole et la Réserve écologique nationale qui classifient le parc agricole et écologique du Portugal. Ribeiro Telles innove. Tout en faisant la promotion du monarchisme, il introduit les premières notions de défense de l’écologie et se fait déjà l’apôtre des conséquences à court terme du réchauffement climatique. Il décide en 1984 de quitter le PPM, fragilisé par des dissensions internes comme dynastiques, et qui ont fini par agacer Dom Duarte-Pio qui s’en est lui-même éloigné. Il siégera comme indépendant puis sous les couleurs du parti socialiste avant de fonder le Parti de la Terre en 1993, qui rassemblera écologistes et monarchistes environnementalistes sous une seule bannière plus verte.
En 2008, lors d'une interview, il déplore la crise d'identité qui frappe alors son pays et déclare « que l'idéal monarchique n'a jamais été autant lié à l'avenir du pays qu'à ce jour », affirmant que « la monarchie est l'occasion unique de retrouver cette unité nationale ». Gonçalo Ribeiro Telles n’a jamais abandonné ses idéaux. « La restauration de la monarchie ne dépend que de la volonté du peuple portugais » expliquait-il encore, convaincu que la mouvance devait s’élargir politiquement pour survivre. « L’idée monarchique appartient à tout le monde, des communistes aux conservateurs, et non à la seule noblesse » aimait-il à répéter à un public conquis par cette grandeur d’âme. « Combattant pour la liberté et de la démocratie, une conscience critique, une figure déterminante de la consolidation et une alternative de la démocratie portugaise ». Le président Marcelo Rebelo de Sousa a décrété, jeudi dernier, un jour de deuil national pour sa disparition à l’âge de 98 ans. Mais c’est de Dom Duarte-Pio de Bragance que l’hommage était le plus attendu. Visiblement ému par cette disparition qui le touche, le prétendant au trône du Portugal a publié un communiqué, saluant ce « symbole, un idéaliste au service de son pays et qui fut tout au long de sa vie un vrai patriote ». « (ll) avait en lui cette dévotion pour le bien commun, un esprit d’union et de concorde nationale. Entre la vie moderne et l’environnement, c’était un grand écologiste qui était avant tout un humaniste » affirme le duc de Bragance. « C’était un portugais qui faisait l’unanimité autour de lui, pour les monarchistes, un exemple à suivre, la voix d’un héritage qui puisait dans ce que nous avons eu de meilleur dans notre passé et qui ne cessait de construire pour notre avenir, avec le seul souci de l'ancrer dans le temps » continue le prince. « Gonçalo Ribeiro Telles appartenait à tous les portugais comme la monarchie l’est au Portugal » conclut Dom Duarte –Pio de Bragance.
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