Le prince Karel VII de Schwarzenberg, figure éminente de la politique tchèque et chef de la maison princière des Schwarzenberg, dont l’histoire reste étroitement liée au Saint-Empire romain germanique et à l’Autriche-Hongrie révolue, s'est éteint à l'âge de 85 ans. Ancien ministre des Affaires étrangères et candidat à l'élection présidentielle, son décès laisse un vide significatif dans le paysage politique national et international.
Le nom des Schwarzenberg trouve ses origines au XIIe siècle en Franconie. À l'origine seigneurs de cette région, cette maison, arborant un blason prestigieux, a étendu progressivement son influence grâce à des alliances matrimoniales habiles, consolidant ainsi son territoire. Élevés au rang de comtes, puis de princes du Saint-Empire et de Bohème, les Schwarzenberg se sont distingués sur les champs de bataille européens. Parmi eux, le prince Charles-Philippe de Schwarzenberg (1741-1820), cavalier redoutable, s'est illustré en perforant les lignes ennemies lors de la célèbre bataille d'Austerlitz, suscitant l'admiration de Napoléon lui-même. Les Schwarzenberg ont servi fidèlement la maison des Habsbourg-Lorraine, atteignant des honneurs considérables., entrelaçant leur destin avec celui d'une monarchie en déclin au début du XXe siècle.
Une maison résistante au nazisme et au communisme
Bénéficiant d'une immense fortune, les Schwarzenberg ont résolument combattu la montée du nazisme. L'annexion des Sudètes par les Allemands suscitera l'indignation du prince Karel VI (1911-1986), qui jure rapidement fidélité à son pays en adressant une lettre en ce sens au président Edvard Beneš. Restés constants dans leurs convictions, les Schwarzenberg vont résister à l'occupation nazie en Tchécoslovaquie, refusant de se soumettre à la citoyenneté du Reich. Leurs biens ont été confisqués et mis à la disposition du nouveau protectorat, utilisant les fonds de la maison princière à des fins propres. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux défis émergent pour la maison princière. L'arrivée des communistes place les Schwarzenberg sous le feu de Moscou, et en 1947, le parlement adopte une loi portant leur nom, les dépouillant de tous leurs domaines. C'est ainsi qu'a commencé un exil vers l'Autriche qui prendra fin en 1990.
Un prince, figure marquante de la politique tchèque
Karel VII de Schwarzenberg incarne l'héritage complexe de cette famille. La Révolution de Velours, qui a suivi la chute du mur de Berlin, donne naissance à la République tchèque. Le prince va jouer un rôle actif dans la lutte contre le communisme, nouant une forte amitié avec l'opposant Vaclav Havel, devenant ainsi son premier conseiller lorsque ce dernier est nommé président du nouveau pays. Son ascension est fulgurante. Il occupera des postes tels que ministre des Affaires étrangères (2007-2013), vice-président (2010-2013), et député (2010-2021), devenant le porte-parole d'une nation marquée par les vicissitudes de l'Histoire. Affichant ouvertement des positions pro-atlantistes, américaines, et pro-israéliennes (il avait pointé la responsabilité du mouvement terroriste Hamas dans le conflit opposant Juifs et Palestiniens), il a facilité l'installation des États-Unis sur le territoire tchèque en 2008. En tant que partisan de l'indépendance du Kosovo et de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE), il s'est également positionné en tant que critique féroce de la Russie, suivant ainsi les traces de l'archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine, un ami proche. Bien qu'il ait des liens étroits avec la maison impériale, Karel VII de Schwarzenberg n'était pas un monarchiste. En tant que fondateur du parti TOP 09, un mouvement conservateur et pro-européen (actuellement 14 élus sur 200) à son image, il a manqué de peu d'accéder à la présidence de la République en 2013. Bien qu'ayant quitté le parti deux ans plus tard, il est resté politiquement actif.
Marié deux fois et le père de trois enfants (l'une de ses filles ayant épousé le réalisateur Peter Morgan, célèbre pour la série à succès The Crown), sa santé s'était récemment détériorée. Après avoir été admis dans un hôpital tchèque il y a plusieurs semaines, ce chevalier de la Toison d'Or avait finalement été transféré dans un établissement hospitalier de Vienne. Le 11 novembre 2023, dans la soirée, entouré de ses proches, il a rendu son dernier souffle à l'âge de 85 ans.