« La Tchécoslovaquie a été créée par des politiciens qui ont tous prêté allégeance à l'empereur et trahi ce serment ». Chaque 28 octobre, les partisans de la Couronne Tchèque (Koruna ?eská) défilent dans les rues de Prague afin de réclamer le retour de la monarchie abolie en 1918. Coronavirus oblige, aucune marche n’a été organisée cette année. Le mouvement qui soutient les droits au trône de l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine a publié un communiqué sur son site, réclamant que la date actuelle de la fête nationale soit abolie et remplacée par une autre, celle qui coïncide avec la mort de Saint-Wenceslas.
« Comment la révolution pourrait-elle se tourner contre moi ? Moi aussi, je voulais un changement, je voulais me séparer de l’Allemagne mais plus honnêtement. Qui m’a soutenu alors ? Ne voulais-je pas satisfaire les Tchèques (…) ? ». A la Hofburg, l’empereur Charles d’Autriche apprend que la ville de Prague s’est soulevée le 28 octobre 1918. Sous le regard bienveillant de Paris, Thomas Masaryk ne va pas tarder à proclamer la déchéance des Habsbourg. Chaque année, à cette même date, les tchèques célèbrent l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Cette république qui sera un des maillons faibles de l’Europe durant l’Entre-deux-guerres et dont l’instransigeance de ses politiciens va faire échouer la restauration de la monarchie en Autriche, seul rempart possible à l’Anschluss. Mais tous ne sont pas à la fête. Les monarchistes de la Couronne tchèque (Koruna ?eská) manifestent régulièrement et réclament symboliquement le retour du roi. Avec des élus au parlement européen et au sénat, les partisans du retour des Habsbourg-Lorraine dépassent désormais les 5% des voix aux élections. Un succès pour l’un des plus vieux partis politiques de l’après-communisme et qui lui permet de faire régulièrement l’actualité. En 2019, ils ont sorti les drapeaux de l’empire défunt, participé dans les rues de la capitale tchèque aux manifestations anti-gouvernementales et même déposé une demande officielle à l’Union européenne afin que l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine en prenne la tête. Aujourd’hui, ils réclament que la date actuelle de la fête nationale soit remplacée par celle du jour de la Saint-Wenceslas, le 28 septembre.
« Les changements, qui ont été ceux que nous connaissons tout au long du XXe siècle, ont démontré qu'il n'y a plus aucune raison de célébrer l'éclatement de la monarchie du Danube » affirment les monarchistes dans leur manifeste et qui trouvent absurde que l’on célèbre un état qui n’existe plus depuis la révolution de Velours en 1992, cette séparation à l’amiable entre la république tchèque et sa petite sœur, la Slovaquie. Et si les monarchistes reconnaissent volontiers que la république a profondément réformé industriellement et économiquement le pays, ils dénoncent en parallèle, « des scandales constants de corruption et de fraude, une politique étrangère qui a favorisé de fortes tensions avec tous ses voisins, une absence totale de sécurité contre les menaces extérieures et son incompétence a régler le problème des minorités linguistiques, qui favorisent encore l’idée de séparatisme dans le pays » peut-on encore lire dans le communiqué. « La Tchécoslovaquie a été créée par des politiciens qui ont tous prêté allégeance à l'empereur et ont finir par trahir ce serment. Ils ont créé une nation reposant sur aucune crédibilité (…), un état basé sur la trahison, le mensonge et frauduleux dont l’existence a été brève » rappelle la Couronne Tchèque. « (…) Créé le 28 octobre 1918, cet état a cessé d'exister le 15 mars 1939 » poursuivent les monarchistes, allusion à l’invasion du pays par les nazis. A cette époque, le dirigeant tchèque, Edouard Benès avait simplement déclaré « Plutôt Hitler que les Habsbourg ».
« Il est clair qu'il n'y a plus de raisons de défendre la création d'un État inexistant basé sur des principes non durables. Il est donc grand temps de faire modifier tout cela » renchérissent les monarchistes qui affirment que Saint-Wenceslas est le personnage tout indiqué pour incarner l’unité nationale. Prince et duc de Bohême au Xème siècle, il est reconnu pour sa piété et son dévouement à avoir gardé intact, de manière pacifique, les frontières de son état face au géant germanique voisin. Une politique qu’il va payer de sa vie en 935, assassiné lors d'un complot organisé par son propre frère. Il est peu certain que la demande aboutisse même si le pays connaît un regain d’intérêt pour sa dynastie et qui se traduit par la restauration et l'implantation de monuments et d'œuvres d'art dans l'espace public. 13% des tchèques souhaitent actuellement le rétablissement de la monarchie selon un sondage paru en 2018.
Copyright@Frederic de Natal