Nouveau coup de tonnerre dans l’aristocratie britannique. Dans son édition du 20 février, le quotidien « Le Times » révèle que Downing Street, lieu de résidence de l’actuel Premier ministre Boris Johnson, réfléchirait à mettre un terme définitif à la loi de primogéniture masculine qui règne au sein de la noblesse anglaise et qui exclut les femmes de tous titres alors qu’elles sont les ainées de leur fratrie. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement conservateur tente de faire modifier cette pratique séculaire qui régit la « gentry » mais jusqu’ici toutes les tentatives de réformes ont échoué. Pour « Bojo », il est désormais temps de déterrer la loi « Downton Abbey Law » et autoriser les femmes à assumer les pairies héréditaires qui leur reviennent de droit.
C’est un débat qui agite fréquemment l’aristocratie britannique représentée à la Chambre des lords du parlement de « Sa Gracieuse Majesté ». Faut-il ou non abolir le droit de primogéniture masculine qui régit depuis des générations la « gentry britannique », fer de la lance de la monarchie ? Au Royaume-Uni, les titres de noblesse se transmettent exclusivement de mâles en mâles sans que les femmes, fussent-elles les aînées, puissent en jouir. En 2014, un premier projet de loi, appelé le « Downton Abbey Law », du nom de la série éponyme à succès, avait été présenté au parlement afin d’abolir ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme une survivance anachronique du féodalisme anglais. « Toutes les personnes à qui je parle sont stupéfaites de voir que, encore aujourd'hui, à notre époque, les filles et les garçons ne sont toujours pas égaux pour hériter des titres et des domaines » avait déclaré à l’époque l’ancienne députée conservatrice Mary Macleod qui s’indignait dans les colonnes du «Daily Telegraph » qu’une telle discrimination puisse encore exister. Et à la tête de cette fronde, on retrouve Lady Kitty Spencer, la nièce de feu Lady Diana, princesse de Galles. En 2015, elle avait publiquement affirmé qu’il « serait mieux que son frère n’hérite pas des biens de la famille au seul prétexte qu’il était un homme ». Un esprit rebelle pour cette trentenaire descendante du roi Charles II Stuart, fiancée depuis peu à un milliardaire sud-africain, deux fois son âge, qui a fait des émules parmi les filles des barons et autres ducs qui constellent de leurs apparats le Royaume-Uni. Et si le projet de loi a été remisé aux calendes grecques, il y a urgence à traiter ce débat pour le Baron Roddy Llewellyn, ancien compagnon de la princesse Margaret, qui n’a que trois filles et qui craint que le titre de sa famille ne disparaisse faute de pouvoir le transmettre.
« Bojo » a décidé de déterrer le projet de loi et le représenter au parlement affirme le « Times ». Ce que confirme d'ailleurs son attachée de presse, Allegra Stratton. Récemment, c’est le député Philip Davies qui est monté au créneau afin de défendre cette réforme, « pas assez significative » selon lui et qui doit être adoptée alors que la maison royale elle-même a procédé à des modifications en ce sens. Si la reine Elizabeth II a pu accéder au trône, pourquoi les filles des Lords ne pourraient-elles pas détenir des titres et hériter des biens de leurs familles ? Le fanion de la révolte a été de nouveau levé par diverses femmes de l’aristocratie qui se revendiquent comme « féministes » telles que Lady Katie Percy, fille du douzième duc de Northumberland ou encore Lady Willa Francks, fille du comte de Balfour qui a dernièrement expliqué au « Daily Mail » que même son « père estime qu’elle a autant le droit de se présenter aux élections des Lords qu’un homme ». « Sans héritier, le titre de mon père reviendra à son frère, mon oncle Charles. Cette campagne [en faveur de l’égalité des sexes-ndlr] n'a pas provoqué de tensions dans la famille car tout le monde admet que dans une société moderne, la discrimination sexuelle flagrante doit être combattue » renchérit-elle. Sa sœur cadette Lady Kinvara Balfour a, quant à elle, appelé à interdire cette pratique de la primogéniture masculine, la qualifiant d '«injuste» envers les femmes.
Une réforme que défend également le créateur de la série « Downton Abbey », Julian Fellowes. Il a épousé Emma Kitchener, l'ancienne dame d'honneur de la princesse Michael de Kent, arrière-petite-nièce du premier comte Kitchener, le fameux soldat des affiches de recrutement «Votre pays a besoin de vous» placardés partout en Angleterre lors la Première Guerre mondiale. Dans les médias, il vivement critiqué le fait que le titre de famille de sa femme soit tombé en désuétude après que son oncle Henry Kitchener soit décédé célibataire et sans enfants. « Nous ne pouvons pas garder cette loi ainsi » n’a pas hésité à dire à la radio Julian Fellowes. « À notre époque, où nous avons une monarque, eu des femmes Premier ministre aussi éduquées que les hommes, il est assez étrange que la Chambre des lords reste encore ancrée dans son Moyen Âge » affirme ce producteur qui est apparu dans un « James Bond » et co-auteur du script du film historique et biographique , « Victoria, les jeunes années d’une reine », aux cotés de la duchesse d’York. Pour le vicomte Torrington qui dirige la « Hereditary Peerage Association » , le projet de loi devrait être approuvé. « Nous avons une majorité de pairs qui sont favorables à cette réforme » a-t-il affirmé au « Times ». Un quotidien qui écrit que «Boris Johnson a chargé une équipe de femmes de trouver des moyens de rendre le parlement plus accueillant pour les femmes» et qui a jeté un nouveau pavé dans la mare aux discriminations sexistes qui perdurent au sein de l’aristocratie britannique, à l’aube de connaître une nouvelle « glorieuse révolution ».
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