Le 31 août 1997, c’est l’émotion qui saisit le monde entier à l’annonce du décès accidentel à Paris de la « princesse des cœurs » et de son amant, Dodi Al-Fayed. Née Lady Diana Spencer, elle avait soudainement été mise sous le feu des projecteurs avec son mariage en 1981 avec Charles de Galles, héritier de la couronne britannique. Un conte de fée qui va progressivement se transformer en déballage médiatique. Lorsque que la princesse de Galles accepte de se confier au micro du journaliste Martin Bashir en 1995, ses révélations vont provoquer un séisme au sein de la famille. Une interview explosive devenue aujourd’hui une véritable affaire d’état, qui vient enfin de trouver une conclusion avec la publication du rapport Dyson et qui a fait réagir les deux fils de ce couple mal assorti. Une histoire qui a aussi eu le mérite de mettre en lumière les effets négatifs et désastreux d’une certaine presse people qui n’a toujours rien appris des leçons du Pont de l’Alma.
« Selon moi, les moyens fallacieux utilisés pour décrocher cette interview ont influencé les propos de ma mère. L'interview a largement contribué à la détérioration des relations entre mes parents et a fait du mal à d'innombrables personnes ». Le prince William de Cambridge est furieux depuis la publication d'un rapport indépendant réalisé par le juge Lord John Byron. Un document qui accable la BBC, accusée d’avoir manipulé sa mère afin d’obtenir une interview avec elle et qui s’est révélée désastreuse tant pour la monarchie britannique que pour sa propre famille. Dans un communiqué, qu’il a lui-même lu en direct, le fis aîné de Lady Diana Spencer et de Charles de Galles, a pointé du doigt la « responsabilité et l‘immoralité » de la BBC et réclamé que cet entretien controversé soit interdit de toute diffusion.
Fin de règne agité pour Elizabeth II dont les dernières décennies ont été marquées par le fantôme de Lady Diana. Prié de se marier et de produire un héritier, Charles de Galles finit par jeter son dévolu sur une jeune femme dont l’arbre généalogique comporte des personnages illustres tels qu’Henri IV, roi de France, ou encore Charles II Stuart. L’union est arrangée mais la médiatisation qui est faîte autour de ce conte de fée fait oublier à tout un chacun la relation du prince de Galles avec Camilla Parker-Bowles, la seule femme qu’il a toujours aimé. Les fiançailles cachent même mal les doutes qui habitent le fils de la Queen et il faudra toute la diplomatie de ses parents et la raison d’état pour qu’il accepte d’épouser Diana Spencer que l’on dit être un « canard très docile ». Mais tout comme dans le conte de Hans-Christian Andersen, l’anatidé finit par se transformer en cygne et gagner le cœur du monde entier. Malgré la naissance de deux fils (William en 1982 et Henry (dit « Harry ») en 1984), la vie du couple à tous les signes d’un échec conjugal qui va être largement dramatisé par une presse people et qui analyse le moindre de leurs mouvements, contribuant à affaiblir l‘image de la monarchie. Les rumeurs d’adultère de part et d’autres se multiplient et se retrouvent en principales manchette des tabloïds. Leur divorce retentissant en 1992, une « anus horribilis » pour Elizabeth II, est coup de tonnerre au Royaume-Uni. Trois ans plus tard, Lady Diana Spencer accepte de se confier au micro de Martin Bashir, pour l‘émission « Pänorama », produite par la BBC. 23 millions de britanniques découvrent alors les dessous d’une séparation et les souffrances d’une femme qui se livre sans pudeur.
« Cela me plonge dans une tristesse indescriptible de savoir que les défaillances de la BBC ont grandement contribué à sa peur, sa paranoïa, son isolement qui je me souviens ont marqué les dernières années que j'ai eues avec elle ». Pour William et Harry, les conclusions du rapport Dyson parlent d’elles-mêmes. La fratrie ne s’est toujours pas remise des déclarations de leur mère, qui regrettait ce couple à trois qu’elle formait avec Camilla, sa dépression entre deux crises de larmes, sa boulimie, ses automutilations et qui confessait sa relation extra conjugale avec le Major Hewitt. « Notre mère était une femme incroyable qui a consacré sa vie au service. Elle était résiliente, courageuse, et indéniablement honnête. L'effet de ricochet de cette culture d'exploitation et pratiques immorales a mené à sa mort » a lui-même drenchéri le prince Henry à la suite de son frère. Un duc de Sussex qui a dû vivre toute sa vie avec le traumatisme de la mort de sa mère comme avec toutes les théories de complot qui ont accompagné son décès violent, poursuivi par les paparazzis. Une princesse prise à son propre piège et qui n’arrivait plus à sortir d’un jeu qu’elle avait largement alimenté afin de se victimiser à outrance.
La BBC « n'a pas respecté les normes élevées d'intégrité et de transparence qui sont sa marque de fabrique » assène le rapport de Lord Dyson qui a analysé les conditions dans lesquelles a été réalisé cet entretien. En Octobre 2020, le frère de Lady Diana, Charles Spencer, avait déploré les mensonges déployés et les « méthodes malhonnêtes » utilisées par Martin Bashir pour obtenir un rendez-vous avec la princesse de Galles. Un entretien qui n’a « plus aucune légitimité et ne devrait plus jamais être rediffusée » pour le duc de Cambridge. Principal accusé de ce scandale, devenu une affaire d’état, Martin Bashir a dû présenter ses excuses. « C'était une chose stupide à faire et c'est un acte que je regrette profondément » a déclaré le journaliste qui a fondé toute sa réputation sur cette interview mais qui parallèlement réaffirme qu’il « n'a jamais voulu nuire à Diana de quelque manière que ce soit » en produisant des faux relevés de compte afin de prouver que le palais espionnait la princesse de Galles. « Ma famille et moi l'adorions » a ajouté le journaliste qui n’officie plus à la BBC pour « raisons de santé ». « La décision courageuse de la princesse de raconter son histoire, de parler courageusement des difficultés auxquelles elle a été confrontée. Elle a ouvert la voie en abordant un si grand nombre de ces problèmes et c'est pourquoi je resterai toujours immensément fier de cette interview » continue pourtant d’affirmer Martin Bashir.
La mythique voix de l’empire britannique a été elle-même contrainte de présenter ses excuses. « Alors que la BBC ne peut pas revenir en arrière après un quart de siècle, nous pouvons présenter des excuses complètes et inconditionnelles » a déclaré dans la foulée Tony Hall, alors directeur de la rédaction au moment de l’entretien. Mis sous pression, il a d’ailleurs annoncé sa démission, hier, de son poste actuel de président du musée londonien de la National Gallery, reconnaissant qu’il avait eu « tort de donner à Martin Bashir le bénéfice du doute ». « Bien que le rapport indique que Diana, princesse de Galles, était favorable à l'idée d'une interview avec la BBC, il est clair que le processus d'obtention de l'interview n'a pas été à la hauteur de ce que le public est en droit d'attendre. Nous en sommes vraiment désolés » a ajouté également Tim Davie, directeur général de la BBC. La conclusion à une affaire qui aura aussi eu le mérite de mettre en lumière les effets négatifs d’une certaine presse people qui n’a de cesse de relayer des (vraies-fausses) informations sur les familles royales afin de faire du « buzz » permanent, désacralisant ou caricaturant à foison l’idée royale, sans jamais prendre la peine de vérifier quoi que ce soit. Et que certains sites ou médias pseudo-monarchiques contribuent encore à entretenir en dépit de toute déontologie journalistique.
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