Le projet de loi visant à abolir la monarchie constitutionnelle en Jamaïque et à instaurer un président comme chef d’État est prêt. Une transition historique qui pourrait voir le pays s’émanciper définitivement de la couronne britannique, suivant l’exemple de la Barbade en 2021.
La Jamaïque est à l’aube d’un tournant décisif dans son histoire politique. Le 5 décembre 2024, le gouvernement du Premier ministre Andrew Hollness a annoncé que le projet de loi visant à transformer le pays en une république est désormais prêt à être soumis au Parlement. Marlene Malahoo Forte, ministre des Affaires juridiques et constitutionnelles, a confirmé cette avancée majeure, déclarant que le texte pourrait être présenté dès la semaine prochaine.
Un processus complexe mais inévitable
Ce projet de loi , intitulé Amendement de la Constitution (République de Jamaïque), prévoit la suppression du roi Charles III en tant que chef d’État et l’instauration d’un président jamaïcain. Une fois adopté, il mettra fin à la monarchie constitutionnelle, vieille de plusieurs siècles, héritée de l’empire colonial britannique. « Je suis heureux d’informer cette honorable Chambre et le peuple jamaïcain que l’examen du projet de loi est bien avancé. Il est tout à fait possible que le texte soit présenté avant les vacances de Noël. », a déclaré Malahoo Forte devant les parlementaires qui finalement trouvé un consensus après des mois de débats houleux.
Le Premier ministre jamaïcain, Andrew Holness, a réaffirmé sa détermination à mener à bien ce changement. « Il est temps que la Jamaïque devienne une république. Pour nous, ce processus n’est pas simple, mais nous avançons méthodiquement et avec conviction », a-t-il souligné. En effet, la transition vers une république exige un processus rigoureux : le projet doit être approuvé à la majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement avant d’être soumis à un référendum populaire.
Le texte comprend 36 clauses et traite également d’autres questions cruciales telles que la citoyenneté, les qualifications et disqualifications pour le Parlement. Pour mener à bien cette réforme, le Parti travailliste jamaïcain (JLP) au pouvoir devra compter sur le soutien de l’opposition. Cependant, les divisions politiques et les ambitions personnelles pourraient ralentir une nouvelle fois ce processus. En 2023, le gouvernement avait déjà reproché au Parti national populaire (PNP) de ne pas avoir nommé ses membres au sein du Comité de réforme constitutionnelle, retardant ainsi les discussions.
Une dynamique républicaine dans les Caraïbes
Le projet jamaïcain s’inscrit dans un mouvement plus large observé dans les Caraïbes. En novembre 2021, la Barbade a officiellement rompu ses liens avec la monarchie britannique pour devenir une république, marquant le 55e anniversaire de son indépendance. Depuis, plusieurs nations caribéennes, telles que Belize, Antigua-et-Barbuda et les Bahamas, ont exprimé leur volonté de suivre le même chemin.
Pour la Jamaïque, ce changement est symbolique. Il reflète une volonté d’affirmation nationale, d’émancipation politique et de reconnaissance de son identité post-coloniale. Comme l’a souligné Marlene Malahoo Forte, le projet de loi « mettra la Constitution de la Jamaïque en bonne et due forme, en tant que loi suprême du pays ».
Un référendum déterminant
Le dernier mot reviendra cependant au peuple jamaïcain. Pour abolir définitivement la monarchie, un référendum sera organisé, permettant aux citoyens de décider de l’avenir constitutionnel du pays. Cette consultation populaire sera un moment clé pour le gouvernement d’Andrew Holness, qui s’est fixé l’objectif de finaliser cette transition d’ici 2025, à temps pour les prochaines élections générales. D’après un sondage réalisé l’année dernière, 45% des Jamaïcains seraient en faveur de la République contre 26% pour le maintien de l’institution royale.
Marquée par la colonisation et l'esclavage, c'est en 1962 que la Jamaïque a obtenu son indépendance après un long combat, tout en retenant la monarchie comme mode de gouvernement. Un pays qui a connu de violents soubresauts politiques par la suite. Le roi Charles III n'est venu que quatre fois dasn l'île. Son dernier voyage à Kingston remonte en 2008 alors qu'il n'était que prince de Galles.
En attendant, la Jamaïque se prépare à franchir une étape historique. Si le projet de loi est adopté, la nation rejoindra un nombre croissant de pays ayant choisi de tourner la page de la monarchie britannique, affirmant ainsi son indépendance et son avenir en tant que république souveraine. Un changement historique qui, au-delà de la symbolique, représente une avancée politique majeure pour le pays et pour la région caribéenne dans son ensemble auquel ni le roi Charles III, ni Londres ne s'opposeront pas.
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