C’est un rubis de la couronne d’Angleterre. Située dans les Caraïbes, l’île de la Jamaïque est surtout connue pour avoir mis au monde un de ses plus célèbres chanteurs de reggae, Bob Marley. Mais c’est aussi une monarchie constitutionnelle avec à sa tête la reine Elizabeth II. Alors que la campagne pour les prochaines élections législatives bat son plein, le People’s National Party (PNP) a promis d’organiser un référendum sur la monarchie en cas de victoire.
L’île de la Jamaïque a été au cœur du commerce triangulaire et ses plantations sucrières ont fait la richesse du Royaume-Uni. Découverte par Christophe Colomb qui la rattache à la couronne espagnole, les anglais s’en emparent au cours du XVIIème siècle. L’île est source de convoitises diverses et aux indiens Arawaks qui fournissent les premiers contingents d’esclaves, on y ajoutera bientôt des milliers africains vendus aux marchands européens par les roitelets locaux eux-mêmes. Ils forment aujourd'hui la base génétique de la Jamaïque. Elle servit même de refuge aux huguenots français qui devinrent sujet du roi et qui vont contribuer à l’essor de cette colonie marquée par des révoltes notables. C’est au cours du XXème siècle que le nationalisme jamaïcain va éclore avant que l’île n’obtienne son indépendance en 1962, mettant fin à une politiue raciale qui n'a jamais dit véritablement son nom. Toutefois, elle décide de ne pas couper ses liens avec Londres, conserve la monarchie comme institution et adhére au Commonwealth. De colonie, la Jamaïque devient un état monarchique.
Le 8 août dernier, au cours d’un meeting de campagne, le leader du People’s National Party (PNP), Peter Phillips, a affirmé que si son parti remportait les prochaines élections en février 2021, une fois à la tête du gouvernement, il organiserait un référendum sur la question monarchique en Jamaïque. Ce n’est pas la première fois que ce sujet est l’objet de polémique dans le royaume du reggae et du cannabis. A la veille d’une rencontre avec le prince Harry, Portia Simpson-Miller, Première ministre de 2012 à 2016, également membre de ce parti avait déclaré « qu’il était temps pour son pays de couper le cordon avec la monarchie britannique ». « La Jamaïque veut accéder à une indépendance totale » avait-elle surenchéri. « J’admire la reine, je l’apprécie beaucoup », « mais du point de vue de notre histoire, nous avons des choses à faire », avait-elle expliqué à la RTBF. Et bien avant les événements du Black Lives Matter, Portia Simpson-Miller avait réclamé des excuses au Royaume-Uni. « Aucune race ne devrait vivre ce que nos ancêtre ont subi. Si l’Angleterre souhaite s’excuser, c’est d’accord, pas de problèmes ; Nous avons fait un long chemin de l'esclavage jusqu'au vote pour l'indépendance et nous sommes aujourd'hui une nation (...) et notre maturité implique que nous allions maintenant vers une forme de gouvernement qui nous permettrait de prendre totalement en charge notre destin » avait tenu à préciser la Première ministre qui n’avait pas pu faire aboutir son projet de sécession.
Mais qu’en pensent les principaux concernés ? Un sondage réalisé par le «Jamaican Observer» ne laisse pas de place aux illusions. A la question « Pensez –vous que la reine doit continuer à être notre chef d’état ? », 55% des sondés ont répondu négativement. A peine 30% des jamaïcains se sentent proches d’une monarchie qui effectue que trop rarement des visites sur ce confetti de l’empire. A peine 6 voyages pour la reine Elizabeth II durant tout son règne. Pourtant il est peu probable qu’un tel référendum soit mis en place. Il est assez récurrent pour les politiciens locaux de prendre en otage la monarchie afin d’obtenir plus d’aides financières de la part du Royaume-Uni. Lors de sa primature, le premier ministre travailliste (2007 à 2011), Orette Bruce Golding, avait même promis d’amender la constitution afin de faire élire un président de la république . Un autre tentative qui n’avait pas plus de succès y compris avec son successeur, Andrew Michael Holness et actuel détenteur du poste pour la seconde fois (2011 à 2012 et depuis 2016).
En dépit de la progression du républicanisme, auquel Bob Marley avait dédié une chanson « No woman, no cry », en référence à la reine Elizabeth II, nul ici ne tient réellement à voir la Jamaïque se transformer en nouvelle république bananière. D’autant que l’île a d’autres priorités plus urgentes à gérer, comme l’amélioration des conditions de vie, que de couper la tête à sa royauté dans un but vaguement électoraliste. «Nous sommes fiers d'être associés au Royaume-Uni. La monarchie fera à jamais partie de notre culture » avait déclaré Portia Simpson-Miller, en 2015.
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