C’est un changement important qui pourrait avoir lieu au sein de l’institution monarchique britannique. Mis sous pression par le Black Lives Matter (« La vie des noirs compte »), qui a mis en évidence une référence avec le colonialisme et la brutalité de l’esclavage, le comité des honneurs pourrait retirer définitivement le mot »Empire » de la liste officielle qui nomme les nouveaux Commandeurs de l’Empire britannique (CBE), Officiers de l’Empire britannique (OBE) et autres Membres de l’Empire britannique (MBE). Une exigence des décoloniaux, ces militants anti-racistes, qui mettent à mal les fondements même de la royauté d’Elizabeth II et de ses successeurs à venir, accusés d’être les héritiers d’un racisme d’état.
« Il y a quelque chose de pourri au royaume d’Angleterre ». La boîte de Pandore est désormais ouverte depuis l’apparition du mouvement Black Lives Matter (BLM) au Royaume-Uni. Après avoir déboulonné de leurs socles diverses figures marquantes de l’histoire britannique, c’est désormais aux plus anciennes traditions de l’institution monarchique que les militants anti-racistes ont décidé de s’attaquer. Publiée deux fois par an, la liste nominative qui annonce les nouveaux Commandeurs de l’Empire britannique (CBE), Officiers de l’Empire britannique (OBE) ou encore Membres de l’Empire britannique (MBE) est aussi prestigieuse qu’elle est « auréolée d’une réputation flatteuse, constituant une apothéose dans un royaume où les divisions de classes perdurent » nous indique l’édition du quotidien belge « Le Soir ». Mais pour les aficionados du BLM, cela reste une référence coloniale anachronique qu’ils entendent faire abroger comme ces 60 statues (Christophe Colomb, les Premiers ministres William Gladstone et Winston Churchill ou encore Oliver Cromwell, Charles II, James II et Victoria entre autres) dont ils exigent le retrait immédiat de tout le Royaume-Uni.
Une pression exercée sur le comité des honneurs qui a annoncé qu’il envisageait désormais de supprimer le mot « Empire » des titres décernés aux plus méritants de la monarchie qui se sont distingués dans les domaines aussi variés que les arts et des sciences, de la charité, du service public ou de l'armée. « C'est un sujet d'actualité depuis un certain temps, mais les discussions se sont intensifiées parmi les membres du comité depuis le début des manifestations", a déclaré une source au journal « The Times ». «Certains membres sont favorables à la suppression du mot« Empire », d’autres veulent le conserver ou préféreraient l'introduction d'une nouvelle médaille qui reflèterait mieux la diversité qui sied à une Grande-Bretagne du XXIème siècle » ajoute cette même source. Et si cela ne reste qu’une discussion, un consensus pourrait aboutir un examen complet du projet par le gouvernement de Boris Johnson. Pas sûr que celui-ci abonde dans le sens d’une réforme alors qu’il a exprimé récemment son agacement de la situation.
Lorsque le BLM avait tenté d’empêcher que le « Rules Britannia » soit chanté lors de la « Prom’s night », le Premier ministre de la reine avait déclaré qu'il fallait que les anglais cessent de nourrir en permanence une « honte obséquieuse de leur histoire, de leurs traditions et de leur culture », conseillant à chacun de «s’attaquer au fond des problèmes et non aux symboles ». Un porte-parole du Cabinet a nié les rumeurs qui se sont répandues comme une « trainée de poudre » dans les médias et déclaré qu’il` n’était pas question de changer le système ni enlever quelque mention que ce soit. « Il y a eu une réforme considérable du système des distinctions honorifiques au cours des 25 dernières années afin de s'assurer qu'il soit totalement inclusif. L'engagement est également fait tout au long de l'année pour s'assurer que des personnes méritantes de tous horizons sont nominées et nous restons déterminés à garantir que le système des distinctions représente la société britannique. Ceux qui obtiennent les titres OBE et MBE sont décidés par des comités d'honneur composés de hauts fonctionnaires et de personnes indépendantes du gouvernement » a explique le porte-parole du gouvernement visiblement excédé.
Le problème est pourtant loin d’être réglé d’autant que le Black Lives Matter a reçu un soutien de poids avec le duc et la duchesse de Sussex. Dans une interview, il y a 5 jours, le petit-fils de la reine Elizabeth II, le prince Harry de Galles a dénoncé la présence d’un racisme persistant au Royaume-Uni évoquant le manque d'opportunités pour ceux qui ont « une peau de couleur différente ». « Vous savez, lorsque vous allez dans un magasin avec vos enfants et que vous ne voyez que des poupées blanches, impossible de ne pas se demander pourquoi il n'y a pas de poupée noire » a expliqué le fils du prince Charles qui assure avoir ouvert les yeux depuis qu’il rencontré et épousé Meghan Markle. Une actrice d’ascendance afro-américaine dont les déclarations ne cessent d’embarrasser la maison royale qui s’est crue obligée de réagir en rappelant que les propos de la duchesse de Sussex étaient personnels et que la reine était astreinte à une position de neutralité. Lorsque le poète Benjamin Zephaniah s'est vu offrir un OBE en 2003, il l'a décliné, condamnant le prix comme un «héritage du colonialisme». Zephaniah, à la fois barbadien et jamaïcain, avait déclaré à l'époque que le mot « Empire » lui rappelait l'esclavage, des « milliers d'années de brutalité et comment ses ancêtres avaient été violé(e)s ». Interrogé de nouveau sur la question, ce végétalien adepte du véganisme insiste toujours sur le fait qu’une telle réforme aiderait le Royaume-Uni à rendre le « pays différent ». Quant à la reine Elizabeth, l’auteur de «Pen Rythm » considère que c’est une vieille femme guindée mais sympathique ». D’ailleurs, pour les militants anti-racistes, il est aussi temps que la représentation de l’Ordre de Saint-Michel soit changé. En effet, ils estiment que la médaille que porte la reine est « hautement discriminatoire » puisqu’elle montre un saint terrassant un satan noir, rappelant au Black Lives Matter le sort de Georges Floyd, ce américain noir à l’origine du déclenchement du mouvement, mort étouffé par un policier blanc.
La famille royale des Windsor est-elle raciste ? Le Black Lives Matter dénonce le manque de diversité au sein de la maison royale ou de son cercle le plus proche « 100% too much white » ( 100% trop blanc). Il a fallu attendre 2017 pour que la reine nomme son premier écuyer noir à Buckingham Palace. Pis pour les militants racistes, sans compter les nombreuses plaisanteries douteuses de certains membres des Windsor, la « Queen » n’a jamais dénoncé le racisme dans son discours au plus fort des émeutes qui ont secoué la Grande-Bretagne et reste « perçue comme un bastion du vieil ordre impérial, blanc-anglo-saxon-protestant » écrit le journaliste Marc Roche dans le Magazine « Le Point ». Oubliées les nombreuses déclarations du prince William qui réclamait lui aussi un peu plus de diversité notamment dans le sport traditionnel britannique. « En fait, sur le plan racial, Elizabeth II vit un paradoxe : idéologiquement favorable à la décolonisation, elle reste marquée, comme toute sa génération, par le souvenir de l'empire dans lequel elle a grandi. Elle accepte la société multiculturelle britannique, mais ne la comprend pas. Une incompréhension qu'elle partage avec les « petits Blancs » du royaume, appuis traditionnels de la monarchie » renchérit l’auteur d' « Elle ne voulait pas être reine ! », paru aux éditions Albins.
La Grande-Bretagne devrait créer un «musée du colonialisme» où les enfants pourront apprendre «les choses vraiment terribles qui se sont produites dans notre passé», comme en Belgique, a déclaré l'historien William Dalrymple qui plaide pour que toutes les statues qui rappellent l’empire colonial britannique défunt soient remisées dans un lieu mémoriel. Un musée qui permettrait de re-contextualiser une histoire manipulée par les discours émis par les décoloniaux, mettre fin à cette gangrène qui a percé Albion en son sein et qui divise désormais toutes les sociétés d’Europe. Une fin de règne bien tourmentée pour la Reine Elizabeth II.
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