La reine Elizabeth II est-elle sur le point d’abdiquer ? Depuis quelques heures, la question s’affiche en principale manchette de tous les tabloïds des deux côtés du Channel. Âgée de 93 ans, «The Queen » aurait déjà pris la décision de confier progressivement les rênes du Royaume-Uni à son fils, le prince Charles, désormais prêt à assumer un rôle pour lequel il a été préparé depuis sa naissance. D’ici deux ans, selon Phil Dampier, auteur de plusieurs livres sur la famille royale, Elizabeth II pourrait annoncer la mise en application du Regency Act afin de préparer ses sujets à l’inéluctable. La fin de son règne et le début d’un autre inaugurant un nouveau chapitre, une nouvelle ère pour la monarchie des Windsor.
« Je déclare devant vous tous que toute ma vie, qu'elle soit longue ou courte, sera consacrée à votre service et au service de notre grande famille impériale à laquelle nous appartenons tous». Discours prononcé en Afrique du Sud, en 1947, alors qu’elle n’a que 21 ans, la princesse héritière Elizabeth d’York va inscrire dans le marbre de l’histoire, l’empreinte d’un règne à venir. Montée sur le trône en 1952 au décès de son père, le roi Georges VI, elle a incarné depuis et avec brio toute l’essence, la puissance et la symbolique de la monarchie britannique. En dépit des vicissitudes personnelles et politiques qu’elle aura dû affronter, celle qui détient le record du règne le plus long de l’histoire du Royaume-Uni, n’entend cependant pas réellement prendre des vacances bien méritées. Selon le journaliste Phil Dampier, reconnu pour être un spécialiste de la famille royale, Elizabeth II se donne encore deux ans avant de déclencher le Regency Act, afin de permettre à son fils aîné de s’imposer comme le prochain souverain de Grande-Bretagne. Tout est dans la nuance d’une constitution qui n’existe pas en Angleterre.
Une page serait-elle en train de se tourner au Royaume-Uni ? L’abdication de la reine a été de plus en plus sujette à spéculation depuis des années dès lors qu’Elizabeth II s’est plus rapprochée de la fin que du début de son règne. Les britanniques comme les aficionados des Windsor retiennent leur souffle, refusant de croire que cette souveraine admirée de par le monde entier, puisse rejoindre un jour la longue cohorte de rois et reines qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire du Royaume-Uni. Certains espérant qu’elle ait hérité des gènes de sa mère éponyme, « Queen mum », décédée à l’âge de 102 ans. Mais pour Phil Dampier, les signaux sont pourtant tous réunis pour une passation en douceur comme il le confirme lors d’un entretien accordé au journal « Mirror » : « Elle sera toujours reine, mais le prince Charles assumera en fait la plupart des tâches. Il commence déjà à le faire au Parlement et à la conférence du Commonwealth ».
La rumeur affole les bookmakers qui continuent pourtant de parier sur la montée ou non du prince de Galles. Le dernier sondage sur l’avènement de leur prochain monarque, publié en mars dernier semble considérablement diviser l’opinion britannique. 46% des britanniques interrogés souhaitent fortement que Charles passe la main à son fils, le duc de Cambridge et futur William V (Guillaume) avec un écart encore plus grand parmi les plus jeunes de ses sujets. Un tiers des 18-24 ans pense que le prince William ferait un meilleur souverain que son père, conflit de génération obligeant avec un duc de Cambridge âgé de 37 ans face au sempiternel « prince in waiting », devenu septuagénaire et loin de l’image 2.0 attendue par la jeune génération actuelle. Pourtant, il est un fait désormais acquis. Que ce soit sous le nom de Charles III ou Georges VII, le prince de Galles succédera bien à sa « royale maman ». Sauf si le parlement britannique en décide autrement car tel est son pouvoir grâce à une loi votée en 1701.
Depuis le retrait officiel du prince consort Philip Mountbatten en mai 2017, c’est d’ailleurs lui qui assure l’intégralité des représentations de son père aux côtés de sa mère. Y compris lors de la cérémonie parlementaire du Royaume- Uni. Armé de ses regalias, Charles accompagne « The Queen » dans tous ses déplacements dès lors que sa présence d’héritier au trône est requise, n’hésitant plus à s’exprimer publiquement sur des sujets inhérents au rôle de souverain. Des signes annonciateurs d’un changement à venir qui ne peuvent tromper selon Phil Dampier qui tient tout de même à rassurer les admirateurs de la « Queen » : « Je pense qu'elle n'abdiquera jamais. Elle l'a dit clairement à plusieurs reprises ». Pour l’animateur Stéphane Bern, spécialiste des têtes couronnées, le constat est le même : «depuis Edouard VIII, l’abdication a été rayée du vocabulaire» l’avait–il précisé il y a peu encore au journal « Libération ». Et si la reine décide d’appliquer le Regency Act, ce sera la seconde fois dans toute l’histoire du Royaume-Uni. En effet, c’est en 1810 que le parlement décide d’utiliser cet acte et de déclarer le roi Georges III, incapable de régner permettant ainsi à son fils de devenir durant presque une décennie, régent.
Que prévoit donc alors le Regency Act ? Plusieurs fois réformé au cours des précédents siècles, celui de 1937 (et renforcé en 1953) rend possible la nomination d’un régent en cas d’incapacité du souverain à pouvoir exercer pleinement ses devoirs sans pour autant contraindre le roi ou la reine d’abdiquer. Ainsi l’article 6 stipule par exemple « qu’en cas d'empêchement du souverain par la maladie », le prince héritier «pourrait exercer certaines fonctions royales au nom et pour le compte du souverain dans des événements ».
Une rumeur absurde de plus pour les plus fervents partisans de la reine qui refusent de croire à potentiel retrait du trône annonce de « Lilibeth » qui semble toujours bon pied bon œil comme en témoigne sa réaction, hier, à l’Institut national de botanique agricole où elle a tenu à planter elle-même un arbre inaugural, refusant toute aide extérieure. « Je suis encore capable de le faire » s’est irritée « The Queen » en se séparant de son petit sac, objet indispensable de son costume de souveraine. Pourtant, en 2018, le très réputé correspondant royal, Robert Jobson, auteur de « Charles at Seventy: Thoughts, Hopes and Dreams » (Charles à soixante-dix ans: pensées, espoirs et rêves) avait consacré un chapitre sur ce qui semble désormais comme officiel. La presse avait déjà longuement évoqué ce scoop, contacté le palais de Buckingham qui n’avait pas souhaité démentir les écrits d’un proche de la maison royale. « Honni soit qui mal y pense » mais quoiqu’il arrive pour le Royaume-Uni, que « God save the Queen or may be now the…King ? » (Dieu sauve la reine ou peut-être maintenant…le roi ?)
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Paru le 11/07/2019