Le séjour est digne d’un marathon. Durant 12 jours, le prince Charles de Galles, et Camille Parker Bowles, duchesse de Cornouailles se sont embarqués pour un tour des Caraïbes, au sein des confettis paradisiaques du Commonwealth dont le point d’orgue sera une visite inédite à Cuba. Et c’est justement à 2000 kilomètres de la Havane, que le 17 mars dernier, le prince héritier au trône d’Angleterre a foulé le sol de l’île de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, dirigée par l’anti-monarchiste « Camarade Ralph ». Une rencontre entre deux hommes que tout oppose, qui s’est pourtant conclue par une décision inattendue et qui a surpris tout le monde.
Depuis mars 2001, le leader du Parti travailliste uni, Ralph Gonsalves, est le premier ministre de l’île Saint-Vincent-et-les-Grenadines, une des perles cristallines des caraïbes. L’archipel aura été au coeur des combats entre français et britanniques lors de la révolution française. Ici, l’ambigu Jean-Baptiste Victor Hugues tentera en vain de soulever les caraïbes noirs dont bon nombre seront déportés vers d’autres îles. Et si l’esclavage est aboli en 1834, un racisme latent persistera longtemps sur l’île. Il faudra attendre 1979 pour que Saint-Vincent-et-les-Grenadines obtienne un statut d’état associé au Commonwealth, conservant le principe monarchique comme mode de régime. « Ces vestiges du colonialisme » dont « Camarade Ralph » entendait bien se débarrasser. A peine élu à la tête de l’état, il mène campagne pour que la monarchie soit abolie dans l’île et remplacée par une république dont le premier ministre concentrerait la quasi intégralité de l’exécutif entre ses mains. Proche des présidents cubains et vénézuéliens, il assure qu’il n’a rien de personnel contre Elizabeth II, mais si la reine est à Londres, elle ne peut être souveraine à Kingstown. Tant et si bien qu’il parvient à mettre en place un référendum sur la question, le 25 novembre 2009.
Loin de l’Europe, plus d’une centaine de milliers d’habitants doivent alors choisir entre le maintien ou non de la monarchie dans l’archipel. Le référendum n’est guère médiatisé, la presse internationale semblant faire peu de cas de ce lieu touristique peu connu du grand public. Pour « Camarade Ralph », c’est un échec. 55% des votants refusent l’adoption d’une nouvelle constitution qui aurait permis au Parti travailliste uni de mettre fin à la monarchie. Ralph Gonsalves, dont l’idée à fait tache d’huile aux Barbades (2008 et 2015 sans obtenir les 2/3 des votes obligatoires par les députés) et à la Jamaïque (2007 et 2016), assiste à son échec politique le plus cuisant. Il promet alors d’organiser un nouveau référendum sur cette question. L’homme est provocateur, anti-américain et en 2013, n’hésite pas à réclamer des dédommagements pour l’esclavage à Londres et …Paris, capitale de la France, un temps maitre de cette île jusqu’au traité éponyme (1783).
L’arrivée du septuagénaire prince Charles s’est fait dans le respect du protocole imposé par la monarchie. Passage des troupes en revues et entretien avec le Premier ministre. Le prince de Galles représente officiellement sa mère, Elizabeth II, qui lui délègue de plus en plus de pouvoirs de représentation. Et si les médias évoquent en filigrane, la perspective d’un nouveau référendum, la surprise est de taille. Après plusieurs heures de discussions avec le descendant de Victoria, le premier ministre Ralph Gonsalves a fait une annonce qui a décontenancé jusqu’aux plus radicaux de ses partisans : « Nous avons été battus lors du référendum et il est évident que la reine a une légitimité politique dans le pays en plus d’une légitimité institutionnelle » déclare-t-il devant la presse qui retient son souffle sous un soleil au plus haut de son zénith. « Saint-Vincent-et-les Grenadines est le seul pays des Caraïbes où la question de la suppression de la monarchie et de la mise en place d'un président cérémonial local a été examinée. Je ne suis pas monarchiste, mais je l’accepte. La reine d’Angleterre est non seulement juridiquement mais aussi politiquement la reine de Saint-Vincent-et-les Grenadines et j’accepte cela» renchérit-il. En quelques minutes et sans que personne ne s’y attende, ce « vieux combattant anti-colonialiste » comme il aime à se définir vient de mettre fin aux espoirs d’un second référendum sur la question monarchique, mettant un coup fatal à l’idée républicaine dans ce joyau des Caraïbes. A quelques jours de sa visite dans l’un des derniers bastions marxiste de la planète, le prince Charles vient de démontrer un talent de politique étonnant. Un magistral tour de diplomatie qui envoie un message au régime castriste qui n’a d’ailleurs pas souhaité que cet héritier rencontre l’ancien Président Raoul Castro», « le dirigeant emblématique de l'île arrivé au pouvoir après une révolution en 1959 et mort en 2016 » nous rappelle BFMTV dans une de ses éditions.
«Le Commonwealth a été la pierre angulaire de ma vie et, malgré le défi mondial sans précédent de ces sept dernières décennies, il me semble que le Commonwealth reste aussi vital que jamais. Il est important de noter que (celui-ci) nous réunit et nous donne les moyens d'exploiter des opportunités partagées, ainsi que de relever des défis communs » a répondu le fils d’Elizabeth II visiblement ravi de ce coup inattendu. « À mon avis, il n'y a pas de plus grand défi à relever que celui du réchauffement de la planète et du changement climatique qui, je le sais, ne représente rien de moins qu'une menace existentielle pour cette île, comme pour toutes les parties de cette région » a conclu le prince Charles, marquant aussi de son empreinte, sa volonté de préserver l’environnement, un combat qui fait de lui un des princes les plus écologistes de l’Europe. Des enjeux qui méritaient bien que Charles de Galles assume son rôle et sauve ainsi le système monarchique, très critiqué dans les îles du Commonwealth, organisation qu’il est appelé à diriger.
« Le Premier ministre de St Vincent exclut un référendum sur l'abolition de la monarchie après la visite du prince Charles » titraient unanimement encore, il y a quelques heures, les principaux médias de « Sa très gracieuse majesté ». Assurément une victoire pour le prince Charles qui se rapproche un peu plus et indubitablement chaque mois qui passe, du trône.
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Publié le 21/03/2019