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Les « Duchy Files », le Watergate de la monarchie britannique ?

Le roi Charles III et le prince William de Galles sont dans le pétrin après qu'une enquête conjointé réalisée par deux médias  a révélé que le monarque et son héritier auraient gagné des millions grâce à opérations financières lucratives mises en place dans les duchés de Cornouailles et de Lancaster. Watergate ou tempête dans un verre d'eau ? 

Une nouvelle tempête souffle sur la monarchie britannique. Le roi Charles III et son fils aîné, le prince William de Galles, font face à une vague d’accusations à la suite d’une enquête approfondie sur leurs domaines royaux, le duché de Lancaster et le duché de Cornouailles. Ces révélations, regroupées sous le nom des Duchy Files, jettent une lumière crue sur les revenus considérables générés par ces terres et leurs opérations, souvent exemptées des règles fiscales. Bien que cela ne soit pas la première fois qu'elle se retrouve face à de telles accusations,  pour une monarchie qui tente de se redéfinir à l’ère moderne, le défi est désormais de taille.

 

 

Des revenus sous le feu des projecteurs

Créés il y a des siècles, les duchés de Lancaster et de Cornouailles ont pour mission de générer des revenus privés pour le souverain et l’héritier au trône. Aujourd’hui, ils sont accusés d’accumuler discrètement des millions grâce à des contrats lucratifs, parfois grâce à des organismes publics.

Le duché de Lancaster, propriété du roi Charles, s’étend sur 44 748 acres et rapporte environ 35 millions de dollars par an. De son côté, le duché de Cornouailles, sous la gestion de William, a génèré près de 30 millions de dollars l’année dernières. Ces revenus proviennent d’une multitude d’activités, allant des loyers commerciaux à des redevances dont l’origine plonge au plus fort de la période moyenâgeuse. Un montant qui a couvert  notamment les dépenses officielles, caritatives et privées de sa famille.

Parmi les révélations on retrouve des cas troublants. Selon le Sunday Times et une émission télévisée intitulée « Le roi, le prince et leurs millions secrets », le prince William aurait reçu un paiement de 78 000 $ de la part de St John's Ambulance, une œuvre caritative dont le roi, qui lutte contre le cancer, est mécène. Le duché de Lancaster aurait également signé un contrat de 14,7 millions de dollars sur 15 ans pour entreposer des ambulances électriques dans ses hangars. Quant au duché de Cornouailles, il aurait facturé à la Royal Navy 1,3 million de dollars depuis 2004 pour amarrer des navires de guerre en dans cette partie du Royaume-Uni. « Les dossiers du duché montrent que les membres de la famille royale font payer le droit de traverser les rivières, de décharger des marchandises sur le rivage, de faire passer des câbles sous leurs plages, de gérer des écoles et des œuvres caritatives et même de creuser des tombes », a affirmé les deux médias. « Ils tirent des revenus des ponts à péage, des ferries, des canalisations d'égouts, des églises, des salles des fêtes, des pubs, des distilleries, des gazoducs, des amarres de bateaux, des mines à ciel ouvert et souterraines, des parkings, des maisons de location et des éoliennes. », ajoute le Sunday Times.

 

 

Entre légalité et éthique, quelle frontière ?

Si aucune loi n’a été enfreinte, la controverse réside dans le statut unique des duchés. « La famille royale n'a enfreint aucune loi ; elle opère plutôt dans le cadre d'un système établi, bien qu'inhabituel », explique le journaliste Jonathan Sacerdoti. Toutefois, il avertit que « la perception du public pourrait évoluer de manière défavorable, car les duchés bénéficient d'exemptions dont ne bénéficient pas les citoyens ordinaires ».

Cette distinction entre légalité et éthique est particulièrement sensible dans un contexte économique difficile. Avec une inflation galopante et des millions de Britanniques confrontés à des coûts de vie exorbitants, ces privilèges financiers sont perçus par certains comme un anachronisme. « Cela ne plaira pas au peuple britannique. Beaucoup souffrent des coûts énormes de la nourriture et des fournitures essentielles », souligne de son côté Ian Pelham Turner, expert royal.

Une monarchie à la croisée des chemins

Le timing de ces révélations ne pourrait être plus délicat. Le roi Charles, qui a hérité du trône après la mort de la reine Elizabeth II (2022), a placé la modernisation et la transparence au cœur de son règne. Mais ce scandale soulève une question fondamentale : la monarchie peut-elle évoluer sans trahir son essence historique ?

Pour le prince William, l’enjeu est encore plus grand. L’héritier du trône s’est récemment engagé dans des initiatives ambitieuses, comme son projet de cinq ans pour éradiquer le sans-abrisme au Royaume-Uni. Cependant, son refus de divulguer les montants exacts des impôts payés sur les revenus de son duché a alimenté les critiques. « Cela représente un défi pour l'équilibre délicat qu'ils établissent entre les privilèges hérités et le service public », note Jonathan Sacerdoti.

 

 

Une machine bien huilée qui fait face à des critiques

Le Sunday Times et Channel4 ont révélé comment les duchés exploitent une variété de ressources pour maximiser leurs revenus : loyers commerciaux, ponts à péage, éoliennes, mines, et même des redevances pour des tombes ou des ferries. En résumé, les domaines fonctionnent comme des entreprises privées, mais bénéficient d’exemptions fiscales et juridiques inaccessibles au citoyen moyen.

Cette dualité a attiré les critiques, notamment celles du gouvernement travailliste, qui prône une transparence accrue dans la gestion des institutions publiques et privées. « Cela va à l'encontre des questions de responsabilité déclarées par le nouveau gouvernement travailliste », a déclaré Pelham Turner. Norman Baker, ancien député et observateur critique de la famille royale, accuse de son côté les Windsor de « flouer le public ». Selon lui, « ces terres de la Couronne appartiennent au peuple (...) L’intégralité des revenus devrait revenir au Crown Estate ». Graham Smith, président du groupe antimonarchiste Republic, va plus loin en dénonçant une recherche effrénée du profit. « Cette enquête met en lumière comment les duchés exploitent toutes les opportunités pour engranger des gains, souvent au détriment du public », déclare celui qui entend abolir la monarchie.

Une image à préserver, une nécessité de transparence

Au-delà des chiffres, le scandale souligne une tension fondamentale pour la monarchie : comment concilier ses privilèges anciens avec les attentes de réforme de l’institution royale ? Jonathan Sacerdoti estime que ces révélations pourraient inciter le prince William à « façonner une future monarchie plus transparente et plus égalitaire, établissant un précédent qui équilibre la tradition avec les valeurs d'une nouvelle génération ».

Charles III, quant à lui, devra prouver qu’il peut moderniser la monarchie sans « bouleverser ses fondements ». Selon Hilary Fordwich, experte en royauté pour CNN, l’analyse de la situation par les tabloïds britannique est tronquée. « Les médias évitent de rappeler que la famille royale paie volontairement l'impôt sur le revenu dès lors qu’il y a un excédent sur les revenus». Mais ce geste, bien que symbolique, ne semble pas suffire à calmer les critiques vis-à-vis d’une famille surnommée « La firme ».

Les Duchy Files posent une question cruciale : la monarchie britannique peut-elle continuer à prospérer dans un monde où la transparence et l’équité sont devenues des valeurs fondamentales ? Pour le roi Charles III et le prince William, ce scandale est bien plus qu’un simple embarras financier. Il représente un test de leur capacité à répondre aux attentes d’une société en mutation, tout en préservant son héritage séculaire. Une chose est sûre : le vent du changement souffle sur Buckingham Palace, et il ne montre aucun signe de ralentissement.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 20/11/2024

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