Les talibans condamnent les propos du prince Harry
Les talibans condamnent les propos du prince Harry
Annoncées depuis des mois, les mémoires du prince Harry, Spare (« Le Suppléant »), sortent en librairie ce 10 janvier 2023. Des extraits sans filtres ont déjà été diffusés dans la presse après qu’il a été accidentellement mis en vente en Espagne avant la date prévue. Parmi eux, un passage concerne son expérience militaire en Afghanistan. Des révélations qui ont autant irrité l’armée britannique que le gouvernement de Kaboul. Le porte-parole des Talibans a averti le fils du roi Charles III des conséquences éventuelles à venir pour le meurtre assumé de 25 combattants islamistes.
Ce sont des mémoires très attendues par les aficionados de la monarchie britannique. La sortie de Spare (« Le Suppléant ») promet d’être un succès. Le livre autobiographique du prince Harry est déjà paru en Espagne, à la suite d’une erreur de date. Intimistes, brutaux, et sans concessions envers les Windsor et l’institution royale, les premiers extraits diffusés dans les différents médias internationaux ont provoqué la fureur des compatriotes outre-manche du fils cadet du roi Charles III. Si on apprend que le prince a consommé de la cocaïne, fumé la weed, perdu sa virginité derrière un pub, dépucelé par une femme passionnée de chevaux et qui l’a traité comme un étalon, que le prince Harry a longtemps cru à un complot mis en place pour se débarrasser de sa mère Lady Diana décédée accidentellement sous le pont de l’Alma en 1997, qu’il s’est violemment battu avec son frère William (dont il moque l’air renfrogné et la calvitie) où qu’il n’apprécie pas la reine-consort Camilla dont il a tenté d’empêcher le mariage, entre deux règlements de comptes, ce sont d’autres déclarations qui ont irrité l’armée britannique et le gouvernement taliban.
Des pièces de jeu d'échec
Dans son ouvrage, le prince se vante ouvertement d’avoir tué 25 « combattants ennemis » au cours de ses deux missions en Afghanistan. Envoyé au front en 2007 sous un faux nom (Harry Wales), ce n’est qu’un an plus tard que les sujets de la reine Elizabeth II découvrent que le petit-fils préféré partage le quotidien des centaines de soldats engagés dans ce conflit contre les Talibans. Pilote d'hélicoptère de la Royal Air Force, il sera rapatrié afin d’éviter qu’il devienne une cible privilégiée pour les islamistes avant de revenir brièvement entre 2012 et 2013. « Je m’étais fixé comme objectif, dès le premier jour, de ne jamais me coucher avec des doutes sur le fait que j’avais fait ce qu’il fallait, que j’avais tiré sur des talibans et uniquement sur des talibans, sans civils à proximité » écrit-il. Le prince Harry se montre direct quand il affirme qu’il ne les voyait que comme « des pièces d’échecs que je devais retirer du jeu». Des propos qui font écho à ceux tenus peu de temps après son retour de seconde mission où il avait décrit son rôle de pilote comme celui qu’on peut avoir dans un jeu vidéo. Le chiffre est assumé, revendiqué et affirme qu’il peut certifier ce nombre de 25 avec « exactitude ». Le regrette-t-il ? Le prince Harry dit n’en procurer ni « satisfaction, ni embarras » comme le reporte dans une de ses éditions The Telegraph.
La RAF condamne les propos du duc de Sussex
Face à ces déclarations glaçantes, dont on peine à déterminer la frontière entre mensonges et vérités à travers tout le livre, différents experts militaires ont vivement réagi, faisant part de leurs craintes de voir le prince s'exposer à des tentatives d’assassinat et lui ont reproché de donner une mauvaise réputation de l'armée britannique. Interrogé par Sky News, l'ancien conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, Kim Darroch, ancien ambassadeur de Sa Majesté aux États-Unis (2016 à 2019), a affirmé qu'il avait déconseillé au prince Harry de faire de tels aveux. Le colonel Richard Kemp, un officier de l'armée britannique à la retraite, a regretté que les propos tenus par le prince dépeignent l'armée sous un jour négatif. D'autres vétérans de cette guerre, interrogés par le Guardian, se sont demandé dans quelle mesure Harry pouvait être sûr du nombre de personnes qu'il avait tuées. « Je n'ai jamais entendu personne parler du nombre de victimes, c'est grossier et franchement affreux. Prendre une vie est la chose la plus sérieuse que vous puissiez faire pendant les opérations, les gens sérieux n'en parlent pas comme si cela était un banal échange de livres » a renchéri un ancien parachutiste.
Les Talibans menacent le prince Harry
Du côté de Kaboul, la réaction à ces propos a été toute aussi vive. Anas Haqqani est un haut responsable du gouvernement Taliban. Diplomate, son frère est le ministre de l’Intérieur de l’émirat islamique d’Afghanistan qui a repris le pouvoir en 2021. À la lecture des extraits qui lui sont parvenus, il a répondu au prince royal. « M. Harry ! Ceux que vous avez tués n'étaient pas des pièces d'échecs, c’étaient des êtres humains qui avaient des familles » a déclaré assez outrancièrement Anas Haqqani et qui a qualifié le fils du roi Charles III de « criminel de guerre ». « En réalité, ce que vous reconnaissez ouvertement, c’est que notre peuple innocent était juste des pièces d'échecs pour vos soldats et pour vos dirigeants militaires et politiques » a ajouté Anas Haqqani. Bilal Karimi a d’ailleurs profité des propos du prince Harry pour surenchérir de manière menaçante : « ces crimes ne se limitent pas à Harry, mais chaque puissance occupante a commis de tels crimes dans notre pays » a écrit le porte-parole du gouvernement afghan sur son compte Twitter. Sur les réseaux sociaux, nombreux de musulmans se sont dit choqués par les propos tenus par le duc de Sussex, qualifiant les Britanniques « d’oppresseurs » et leur promettant « l’enfer », laissant suggérer que le fils du roi n’est désormais plus à l’abri là où il réside.
La BBC n'a pas hésité à interroger le Premier ministre Rishi Sunak sur les déclarations du prince Harry. Ce dernier a balayé la polémique en répondant qu’il refusait de « commenter les affaires de la Famille royale », se contentant de sauler « le travail extraordinaire accompli » par les Forces armées de Sa Majesté.