La loi de succession de l’Empire russe continue de cristalliser les passions depuis la mort du tsar Nicolas II et de sa famille en 1918. En annonçant la prochaine modification de celle-ci, la grande-duchesse Maria Wladimirovna a provoqué toutes les interrogations parmi les monarchistes. Entre rumeurs et spéculations, la prétendante au trône de Russie préparerait-elle le prochain mariage de son fils avec sa fiancée, Rebecca Bettarin ? Un mariage inégal qui pourrait écarter définitivement le grand-duc Georges de la succession impériale.
En 1797, le tsar Paul Ier décide de signer un décret qui exclut les femmes de la succession au trône des Romanov, sauf en cas d’extinction de toute lignée dynaste masculine. Cette nouvelle règle est une révolution pour cette maison impériale car elle impose à la Russie une loi de succession semi-salique plus stricte qu’auparavant. Elle sera sensiblement modifiée sous les règnes d’Alexandre III et de Nicolas II. En 1886, les titres de grand-duc(hesse)s seront uniquement portés par les enfants et les petits-enfants issus de la lignée masculine. Les autres devront se contenter du titre de prince(sse)s et Nicolas II, dès son avénement doit gérer les nombreux mariages morganatiques ou jugés inégaux au sein de sa famille dont les concernés battent le pavé pour conserver leurs titres et privilèges. Le plus retentissant et le plus scandaleux d’entre- eux, fut sans nul doute, celui du grand-duc Kirill (1876-1938) avec sa cousine Victoria Melita de Saxe-Cobourg-Gotha (1876-1936). La condition de divorcée de la mariée fut une source permanente de conflit entre le tsar autocrate qui lui avançait une modification de 1820 comme argument et le petit-fils d’Alexandre II qui ne comprenait pas que la raison d’état puisse l’emporter sur celle du coeur. Kirill perdit un temps ses titres avant de les récupérer. Nicolas II avait fini par pardonner.
Le grand-duc Georges Romanov a 37 ans. Dans ses veines coulent l’histoire d’une maison qui a aujourd’hui 400 ans et qui a été largement réhabilitée depuis la chute du communisme. Et si on évoque souvent les perspectives de retour de la monarchie, la branche Kirillovitch se doit d’avoir une descendance. C’est un secret de polichinelle, le fils de la grande-duchesse Maria Wladimirovna vit une romance depuis quelques années avec Rebecca Bettarin. La photo est belle. Il est le fils d’une Romanov et d’un Hohenzollern, elle est la fille d’un ambassadeur italien. « Les négociations avec le Patriarche Kirill sont en cours » annonce la chancellerie impériale qui gère la communication de la princesse qui ne donne pas plus de détails sur ce projet. Excepté que le souhait de la prétendante au trône se situe dans la lignée de ceux qui ont été déjà effectuées dans d’autres maisons royales d’Europe. Le volet religieux de la mariée sera-t-il abordé ? Là aussi est toute la question. Les règles de succession imposent que la future princesse soit orthodoxe.
La maison Romanov-Holstein-Gottorp, car telle est son vrai nom, est divisée en deux branches qui revendiquent toutes deux le trône de Russie. Créée en 1979, l’association de la famille Romanov rassemble les descendants de Paul Ier. Ses membres ne reconnaissent pas les prétentions de la branche Kirillovitch autant dynastiquement que politiquement. Le mariage du grand-duc Wladimir, le fils de Kirill, avec la princesse Leonida Bagration-Moukhransky est un argument de poids. Non issue d’une maison souveraine, la grande-duchesse Maria n’est pas légitime, selon eux, à se définir comme l’héritière a trône. Pis, son grand-père et Victoria Melita de Saxe-Cobourg-Gotha étaient cousins germains. Ce que le canon de l’église orthodoxe ne reconnaît pas. Faut-il rappeler qu’au moment de leur mariage, la mariée était encore protestante. Autant de règles violées qui empêcheraient la grande –duchesse Maria de monter sur le trône et que celle-ci balaye par des contre-arguments. Le premier et pas des moindres, la reconnaissance du mariage de ses grands-parents par le tsar Nicolas II. Et l’église orthodoxe n’interdit pas à ses membres d’épouser des protestantes. Si aujourd’hui, Maria Wladimirovna a le soutien de la majorité des mouvements monarchistes, des associations de la noblesse russe et du patriarche de toute les Russies (qui l’a reconnu en 2013), il n’en a pas toujours été ainsi pour sa branche. Kirill (Ier), qui se proclame curateur du trône en 1922, ne fait pas l’unanimité. Il est accusé par des Romanov d’avoir failli à sa tâche en 1917 et pire, d’avoir rallié les bolchéviques en portant un brassard rouge. En face de lui, le généralissime Nicolas Romanov (1856-1929), l’oncle du tsar assassiné, lui contestera durant l’entre-deux-guerres, sa légitimité à prétendre. De ces accusations, la grande –duchesse Maria ironise en rappelant que la quasi majorité des membres de l’association de la famille Romanov (actuellement représenté par le prince Andreï Ier Andreïevitch de Russie, 96 ans) sont issus eux-mêmes de mariages morganatiques (comme le mentionne également le « petit Gotha » de 2002) et il importe peu qu’ils protestent d’ores et déjà contre les pourparlers actuels. « De toute façon, il n’y a pas d’urgences véritables ».«la grande-duchesse a déclaré à plusieurs reprises et publiquement qu'il était possible, après un certain laps de temps de modifier les règles de succession au trône, comme cela a été fait par de nombreuses maisons européennes. Elle a toujours souligné qu'un tel changement ne serait possible qu'avec le consentement et la bénédiction de l'église. La grande-duchesse consulte donc le patriarche sur toutes les questions » a rappelé Alexandre Zakatov, à la tête de la chancellerie impériale et qui tient à calmer les esprits.
Une modification qui, si elle est validée et approuvée par l’église, ne sera certainement pas sans créer de nouvelles polémiques au sein de la maison impériale et creuser un peu plus le schisme dynastique.
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Publié le 13/02/2019