« La démocratie est une fraude ! Il est temps de rétablir la monarchie ». La barbe blanche et longue, fidèle à l’image que tout un chacun à des prêtres orthodoxes russes, le père Dimitri Smirnov n’avait pas mâché ses mots lors de son interview tonitruante à la chaîne russe Rossiya 1, en avril 2018. Petit-fils d’un officier tsariste, croix du Christ autour du cou, celui qui est actuellement à la tête de la « commission patriarcale sur les affaires familiales, la protection de la maternité et de l'enfance » est un tribun controversé portant fièrement la soutane et un ardent défenseur de la foi et du retour du Tsarisme.
Il a 67 ans. De l’empire des Romanov, le père Dimitri Smirnov n’en a connu que les histoires que lui racontait son grand-père, un monarchiste qui avait une sainte horreur du communisme. Mais assez pour lier dans sa vie de tous les jours, sa foi (révélée à lui à ses 15 ans) et ses croyances dans le monarchisme, deux mamelles indissociables d’une dynastie tricentenaire. C’est un habitué des médias. Le 1er décembre dernier, il était encore l’invité de la chaîne de télévision SPAS qui débattait de l’utilité de restaurer la monarchie en Russie et tenter d’analyser les raisons du déclenchement des deux révolutions qui avaient amené à la chute de l’empereur Nicolas II et l’avènement des bolcheviques. Le tout, non sans quelques suspicions de complots organisés par le capital américain. L’homme est controversé mais il assume. Protection de la famille, interdiction des organisations LGBT dont il est plus qu’un farouche opposant comme du mouvement féministe , création d’un programme d’état visant à offrir un logement à tout couple chrétien qui ferait un enfant, il est très actif sur les réseaux sociaux, tient sa propre chaîne de médias et un blog. Ce qui ne l’empêche pas de prôner l’interdiction d’un accès internet et autres jeux informatiques aux moins de 21 ans.
Viscéralement anti-communiste, « dont les crimes sont deux fois plus important que ceux d’Hitler » n’avait-il pas hésité à déclarer en mai 2015 (son arrière –grand père, prêtre, a été exécuté en 1938), il est un membre éminent de ces groupes ultra-orthodoxes qui pullulent et se multiplient en Russie, qui ont connu un regain d’activité avec « l’affaire Mathilda » . En 2010, il avait apporté son soutien à un des inconnus qui avait tenté de plastiquer une statue de Lénine dans la ville de Pouchkine.
La démocratie ? « Une vaste plaisanterie qui ne sert que les intérêts des riches » affirme-t-il. La monarchie ? Elle ne sera pas constitutionnelle si celle-ci doit revenir en Russie car elle est intrinsèquement « vicieuse ». Les Romanov ? Il semble préférer l’option d’un nouveau Zemsky Sobor (assemblée) afin de désigner un empereur élu tel que ce fut le cas « du temps de l’empire byzantin » dont Moscou, cette « troisième Rome » est l’héritière depuis 1472. Date à laquelle, la princesse Zoé (Sophie) Paléologue (1455-1503), fille du dernier Basileus Constantin XI, apporta comme dote, un titre impérial à son futur époux, le grand-duc Ivan III. Non sans avoir refusé au préalable les avances du roi de France et du roi de Chypre qui avaient dû abandonner leurs avances, la future bru refusant d’abjurer sa foi pour le catholicisme. Et un mariage prolifique puisque la princesse enfantera pas moins de 13 enfants.
« Vous voyez un monarque ne devrait pas nécessairement être né au sein d’une famille royale mais il serait préférable qu’il soit élu », faisant écho aux diverses rumeurs de lobbys ayant la volonté de couronner Tsar, le Président Vladimir Poutine. D’ailleurs lors d’une interview à Pravmir, il appelait les russes à prier pour la restauration de monarchie. « Pourquoi devrions-nous supporter ce gâchis tous les 5 ans, alors que nous pouvons élire un souverain qui règnera jusqu’il n’en soit plus capable » clame-t-il. Proche du Kremlin, il avait d’abord condamné l’intervention russe en Crimée en 2008, avant de se rallier à l’engouement général sur fond de nationalisme 5 ans plus tard (parlant de « justice historique »), « dénonçant le pouvoir fasciste de Kiev ». Mais alors qui réellement pour porter la couronne ? Il n’a aucune réponse à apporter.
Le père Dimitri Smirnov est un critique acerbe de la démocratie qui affirme que la « formulation même du terme est trompeuse ». « Les élections sont remportes par celui dont la campagne aura dépensé le plus d’argent » argumente-t-il, ajoutant que « Churchill avait raison - il n'y a pas plus d'abominations que la démocratie». « La démocratie permet juste à certaines personnes de manipuler les autres sans vergogne et de manière insolente » surenchérit-il. Le père Dimitri Smirnov a ses adeptes, des monarchistes, des traditionnalistes, de simples ultras –orthodoxes, qui n’hésitent pas à faire le coup de poing comme en juillet 2015 où ils avaient investi de force un concert qu’ils jugeaient trop bruyant pour la célébration de la messe ou se rassemblent devant la statue du Tsar défunt.
«La monarchie, c’est notre sang. C’est le peuple qui a construit ce pays et façonné notre culture actuelle. La fin de la monarchie en 1917 n’a fait qu’amener un flot incessant de jours sombres, qui ont ravagé la Russie. Le communisme a détruit nos vies, limité nos libertés de voyager, réduit le nombre d’enfants dans les familles, éliminer la classe paysanne car étant la plus pieuse du pays, appauvri notre sol, c’est une véritable tragédie » martèle-t-il sous un tonnerre d’applaudissements. Et si tant est que l’on essaye de lui démontrer que les Romanov ont aussi leur part de responsabilités dans les événements de 1917, le père Dimitri Smirnov balaye tout cela en affirmant « qu’ils n’ont pas pendu assez d’opposants au final ». « Si on en avait pendu quelques milliers de plus, on n’aurait jamais eu de révolution, ni en 1917, ni au siècle suivant », citant Pierre le grand, « qui n’a pas hésité à exécuter sans états d’âmes ».
Une vision étriquée de l’histoire russe, quand même bien ce co-président du Conseil public-religieux sur l'éthique biomédicale du patriarcat de Moscou et vice-recteur de l'Université orthodoxe Saint-Tikhon regrette que ce Tsar ait été aussi fortement influencé par « un esprit européen corrom?pu ».
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Publié le 17/01/2019