Lors d’une visite de travail en Arménie le 22 octobre et à l'invitation du président Armen Sarkissian, le grand-duc Georges Mikhailovich Romanov et son épouse ont visité l’Institut -Musée du Génocide Arménien (AGMI) à Erevan. Accueillis tous deux par Lusine Abrahamyan, directrice adjointe de l’AGMI, le couple impérial s’ému du sort réservé aux arméniens en 1915 et s’est félicité que la Russie ait apporté une aide remarquée à ce peuple tout au long de l’existence de l’empire russe.
« Le grand-duc Georges Mikhaïlovitch Romanov, qui est en visite de travail en Arménie, a visité le musée-institut du génocide arménien avec sa femme le 21 octobre » indique le livre d’or de l’établissement bien connu d’Erevan, la capitale de cette ancienne république soviétique. Accueillis par Lusine Abrahamyan qui dirige le musée, le couple impérial a parcouru toute l’exposition permanente qui retrace les malheurs d’un peuple, victime d’un véritable massacre organisé par la Sublime Porte. Selon les historiens, plus d’un millions d’arméniens ont été persécutés et tués par l’empire ottoman. Un chiffre qui fait consensus et un épisode tragique de la Première guerre mondiale qui a été reconnu par 23 États, (dont la France) ainsi que par le Parlement européen et le Conseil œcuménique des Églises. En 1995, la Douma d'État russe a adopté une résolution « condamnant le génocide du peuple arménien de 1915-1922 dans sa patrie historique – l'Arménie occidentale ».
Lors de sa visite, l’héritier de la couronne impériale a reçu en cadeau le livre d'Aurora Mardiganyan qui a survécu au génocide, « L'Arménie déchirée », et qui évoque l’aide apportée aux arméniens par le Grand-duc Nicolas Romanov. Une histoire étroite entre les deux pays. Sous le règne de Catherine II, ils avaient obtenu de larges avantages fiscaux qui ont permis l’essor économique de la population arménienne déjà présente en Russie et l’émergence d’une élite bourgeoise (l’image du « marchand rusé » se répand alors dans tout l’empire) qui sera plus tard très prompte à revendiquer son indépendance à la fin de la monarchie et dont les principaux leaders seront à l’origine de deux république (dites de la « Montagne » et « Caspienne centrale ») . En 1828, le tsar Nicolas Ier convainc les arméniens de Perse à émigrer en masse en Russie en échange de l’amélioration de leurs conditions de vie. Il créé même un oblast autonome en réunissant les anciens khanats d'Erevan et de Nakhitchevan en une seule entité.
L'autocrate tsar Alexandre III, qui s’agace finalement des revendications de cette intelligentsia, va mettre en place une politique de russification forcée qui se poursuivra sous le tsar Nicolas II.
Lors des événements de 1905, le dirigeant russe comprend qu’il fait fausse route et change drastiquement de politique vis-à-vis des arméniens (1 500 d’entre eux ont été tués ont été tués dans la répression des grèves un an auparavant), ce qui permet à l’empire d’obtenir à nouveau le soutien de la bourgeoisie (qui abandonne ses idées révolutionnaires) et la formation d’unités de volontaires arméniens qui vont s’illustrer au Moyen-Orient et au Caucase durant la Première guerre mondiale sous l’autorité du grand-duc Nicolas. « Les Arméniens de tous les pays se pressent pour rejoindre les rangs de la glorieuse armée russe, et avec leur sang, au service de la victoire de l'armée russe... Que le drapeau russe flotte librement sur les Dardanelles et le Bosphore, que les Arméniens restés sous le joug turc puissent recevoir la liberté grâce à votre volonté. Que le peuple arménien de Turquie, qui a souffert pour la foi du Christ, reçoit la résurrection pour une vie nouvelle et libre... » écrira d’ailleurs au chef de l’église arménienne le tsar Nicolas II. Le grand-duc Michel Nicolaïevitch, alors gouverneur du Caucase, va s’entourer de conseillers arméniens qui vont alerter le régime tsariste des exactions turques. Le frère du tsar ouvrira les frontières de la Transcaucasie russe afin d’accueillir tous les réfugiés d’un massacre qui a été mis en scène dans le film historico-dramatique « La Promesse » (2016)
« C'est un honneur pour moi d’être dans les salles de ce musée, qui raconte une période importante de l'histoire arménienne, qu'il ne faut pas oublier » a déclaré le grand-duc Georges Mikhailovich Romanov avant son départ du musée et qui espère que « plus jamais de telles horreurs ne se reproduiront ». Une visite qui a été très médiatisée en Arménie, très sensible à la venue d’un Romanov dans ce lieu de mémoire.
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