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Alexandre de Serbie, les Serbes et les Français

«Les Français crachent aujourd'hui au visage des Serbes. Le monde entier sait que la Serbie a été un  des pays qui a subi les plus lourdes pertes humaines lors de la Grande Guerre. Comment la France peut-elle faire  honneur à des criminels et des séparatistes en soutenant ce faux état qu’est le Kosovo (…) ?. Le Kosovo n'était pas un état et le seul rôle dans la guerre des Albanais du Kosovo furent de tuer et de voler les soldats serbes fatigués et affamés en fuite (…) » 

Zika Gojkovic, Député royaliste, 2018

85« La gorge serrée ! » C’est ainsi qu’Aleksandar Vu?i? a décrit, à la presse, le sentiment qui a parcouru son corps lors des cérémonies du centenaire de l’armistice de 1918, à Paris. Placé derrière le président du Kosovo, cette ancienne province serbe devenue indépendante, le président  serbe a peu goûté cette faute diplomatique, qu’il a jugé humiliante et qui a mis à mal l’amitié franco-serbe pourtant fêtée au même moment à Belgrade. Entouré des représentants français et russes, le prince héritier  Alexandre Karageorgevitch a rendu hommage aux serbes tombés au champ d’honneur au côté de deux pays de l’Entente.

 

Sarajevo, 28 juin 1914. Toutes les cours  monarchiques d’Europe et les quelques jeunes républiques sont inondées du même télégramme annonçant le décès tragique de l’archiduc François Ferdinand. L’assassin est un serbe de Bosnie-Herzégovine, possession de l’empire austro-hongrois. La balle qui touche l’héritier au trône et son épouse, la comtesse Sophie von Chotek va sonner le glas d’un vieux monde qui se retrouve plongé au creux d’une guerre dont aucun des pays ne mesure encore cette horreur qu’ils vont devoir tous affronter.  Pour Vienne, le coupable désigné n’est autre que Belgrade, la capitale du royaume serbe et encore plus sa famille royale, les Karageogevitch. Pour l’empereur François-Joseph, il faut faire un exemple et châtier ce roi Pierre Ier qui a eu également l’outrecuidance en 1903 de se débarrasser de son rival, le prince régnant Alexandre Obrenovitch, un protégé des Habsbourg-Lorraine. Car au-delà de l’honneur à venger la mort d’un héritier de la couronne, dualiste c’est aussi une guerre d’influence qui va précipiter les pays européens, les uns contre les autres, dans un vaste conflit de 4 ans.

 

45Le prince héritier Alexandre  se tient droit dans son costume bleu. Si l’histoire (et le Royaume-Uni) n’avait pas décidé du destin de sa maison, il serait le deuxième du nom à régner sur ce qui fut jadis connu sous le nom de Yougoslavie, pays des slaves du Sud. Il porte sur lui, avec souvenir, les stigmates d’un pays qui a perdu 57% de sa population masculine durant la première guerre mondiale,  comme nous l’indique le site officiel de la maison royale. Son prénom est un hommage de son père au roi Alexandre Ier. A cette époque troublée, ce dernier est alors régent du roi Pierre Ier, un souverain francophile assumé et ancien légionnaire durant la guerre franco-prussienne de 1870. L’école de Saint-Cyr n’oubliera pas cet officier brillant et apprécié de ses camarades. Une promotion porte même le nom de ce roi qui, malade, à l’aube du conflit naissant va confier les rênes du pouvoir au grand-père de l’actuel héritier de la couronne.

 

A ses côtés, le  vice-Premier ministre serbe et ministre des Affaires étrangères Ivica Dacic,  le ministre sans portefeuille Nenad Popovic, des officiers de l’armée, des députés du parlement mais aussi des représentants du corps diplomatique dont la France et la Russie, le « grand frère slave ». L’ambassadeur Alexandre Chepurin,  qui dans son discours, rappellera fièrement « les actions de paix entreprises par le tsar Nicolas II » et l’amitié indéfectible qui lie les deux pays. Une Russie qui n’hésitera pas se porter au secours des serbes et des serbes qui accueillirent légitimement des milliers de russes blancs dans un « sentiment d’union fraternelle » ajoutera le diplomate. « Aujourd'hui, nous tournons notre tête vers toutes les victimes de la Grande Guerre » et « nous espérons que les futures générations de Serbes, de Russes et d'autres peuples  n’auront de cesse de rechercher la paix, la coopération et une compréhension mutuelle » a déclaré le fonctionnaire russe.

657 régiments militaires différents ont fait le déplacement pour cette cérémonie. La France n’est pas en reste devant l’ambassadeur du président Vladimir Poutine. Le compte twitter de l’ambassade de France s’est paré des couleurs nationales, un bleuet trônant fièrement entre deux articles traitant des festivités. L’ambassadeur de France a regretté l’incident avec le président serbe et publié des photos de la cérémonie, éludant la présence du prince Alexandre II. « Liberté,  justice et  souveraineté », 3 valeurs françaises apprises à Paris durant son exil. Pierre Ier en fera la promotion durant la première guerre mondiale, Alexandre Ier quant  lui, le socle fondateur de la future Yougoslavie. Mal préparée, peu armée, cette Serbie qui combat l’Autriche passionne les journaux français de l’époque. La bataille de de la Kolubara fut certainement la plus symbolique. 333 officiers et plus de 42 000 soldats autrichiens furent capturés en décembre 1914. Le combat de David contre Goliath. En France, on célébra vivement l’événement dans les écoles. 

 

La campagne de 1915 allait être particulièrement éprouvante pour l’armée serbe commandée en personne par Pierre Ier. Prise en étau, son sauvetage fut organisé depuis Corfou par la marine française et immédiatement prise en charge par le général Joffre qui s’appliqua à lui redonner un entraînement de qualité.  Une aide que le prince Alexandre II de Serbie  aura tenu lui-même à honorer en déposant une couronne de fleurs en hommage aux français morts durant le conflit mondial et sous le drapeau tricolore. Et que dire  du maréchal Franchet d'Esperey qui contribua à libérer Belgrade quelques jours avant l’armistice, occupée par les autrichiens, et dont la Serbie fit un général de ses armées.

 

Un lien d’union que Victor Hugo célébra de son vivant et que les mouvements monarchistes ont tenu à rappeler sur les réseaux sociaux. « La gaffe » du Président Emmanuel Macron a irrité les partisans du  Mouvement pour la restauration du royaume de Serbie (POKS) qui ont publié une sévère critique du dirigeant français en réclamant que leur pays reconnaisse … l’indépendance de la Corse lors de la visite du chef de l’état français, en décembre prochain. Le député royaliste (depuis 2008), Zika Gojkovic, s’est d’ailleurs même étonné de la présence du berceau de la nation serbe aux festivités du centenaire, « un pays qui n’avait pas [en 1914-ndlr] de quelconque reconnaissance ». « Les Français crachent aujourd'hui au visage des Serbes. Le monde entier sait que la Serbie a été un  des pays qui a subi les plus lourdes pertes humaines lors de la Grande Guerre. Comment la France peut-elle faire  honneur à des criminels et des séparatistes en soutenant ce faux état qu’est le Kosovo (…) ?. Le Kosovo n'était pas un état et le seul rôle dans la guerre des Albanais du Kosovo furent de tuer et de voler les soldats serbes fatigués et affamés en fuite (…) » a surenchéri le leader du POKS qui a appelé les monarchistes à manifester contre Emmanuel Macron.

95Loin de toute cette polémique, le prince Alexandre II Karageorgevitch  a conclu la journée en déposant une nouvelle gerbe de fleurs pour le million de serbes tombés durant ce conflit (« 28%- de sa population un triste record » a écrit le Figaro)  mais qui accouchera  peu de temps après l’armistice, d’un nouvel état dont sa famille présidera la destinée jusqu’en 1945.

 

Tombé lors d’un attentat à Marseille commis par un oustachi croate en 1934, le grand-père du prétendant au trône de Serbie aura bientôt une statue comme l’a confirmé le maire de Belgrade. Ultime reconnaissance d’un pays qui gratifia, Alexandre de Yougoslavie, ce héros de la première guerre mondiale, du titre de « Grand unificateur ».

 

Frederic de Natal

Paru le 15/11/2018

 

Date de dernière mise à jour : 01/04/2020

Commentaires

  • Alain monier

    1 Alain monier Le 08/11/2020

    Pas d'amalgame , les Francais attaches a l'histoire de la Serbie ne "crachent" pas sur les Serbes Alain Monier

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