Né prince yougoslave, il est aujourd’hui l’héritier d’une couronne foulée au pied par l’Europe. Alexandre Karageorgevitch a 74 ans. Il a accordé une interview au « Ve?ernje novosti », où il évoque la crise du covid-19 qui frappe son pays et les douleurs infligées à l’ex-Yougoslavie dans l’histoire.
Alexandre Karageorgevitch vit au Palais blanc de Belgrade, la capitale de la république Serbe. Et si celle-ci n’est jeune que 75 ans, lui porte fièrement le poids d’un siècle d’histoire, façonnée par la rivalité violente entre sa famille et celle des Obrénovitch. L’histoire d’une amitié brisée par les ravages d’une ambition et qui se terminera dans le sang. Le 11 juin 1903, le roi Alexandre Obrénovitch est défenestré au cours d’un coup d’état qui précède le massacre de plusieurs membres de la maison royale. C’est aussi le visage de la politique serbe qui change. Avec l’arrivée au pouvoir des Karageorgevitch, c’est une nouvelle alliance qui se forme et jette les graines de la première guerre mondiale à venir. Francophones, les Karageorgevitch balayent l’influence austro-hongroise très présente dans les affaires serbes. La naissance de la Yougoslavie (pays des Slaves du Sud) en 1918 se fait dans la douleur. Croates, serbes, slovènes, macédoniens, monténégrins, bosniaques, tous revendiquent une part du gâteau quand ils ne sombrent pas dans le terrorisme. Le roi Alexandre Ier en fera les frais à Marseille en 1934. «Il manque un monument le représentant dans la capitale» regrette amèrement son petit-fils.
« Mon père [Pierre II] était un grand homme qui aimait sa patrie et un martyr. La dictature et les jeux politiques des grandes puissances lui ont causé de nombreux torts, ainsi qu'à beaucoup de nos citoyens » déplore Alexandre Karageorgevitch. Une régence, une alliance avec l’Allemagne nazie, une autre guerre mondiale, le rouleau compresseur communiste met fin à la monarchie en 1945 avec l’accord du Royaume –Uni de Churchill qui a accepté de la sacrifier en échange de la non-occupation de la Grèce par Staline. Le prince est revenu triomphalement de son exil peu de temps après la chute du mur de Berlin. Les monarchistes deviennent les premiers opposants au régime postcommuniste et contribuent à sa chute. Avant de se diviser en divers mouvements et associations. Aujourd’hui, c’est un autre combat auquel le prince doit faire face. Celui contre le covid-19, qui a ravivé chez ses concitoyens les souvenirs de la guerre civile dans les années 1990, et la réhabilitation de la maison royale. Déploiement de l’armée, fermeture des écoles et de commerce, le prince héritier Alexandre Karageorgevitch a mobilisé toutes les forces de sa fondation pour alimenter les hôpitaux en masques de protection et ordinateurs, tout en regardant le passé avec nostalgie et résignation.
«Je suis à Belgrade, avec mon peuple. Tout est très différent des années précédentes. Ma femme et moi suivons les instructions du président de la Serbie Aleksandar Vucic et du Premier ministre Ana Brnabic et j'espère vraiment que tout le monde fait pareil ». Au journaliste de « Ve?ernje novosti », le prince explique qu’il est indispensable qu’il soit aux côtés des serbes alors que le pays célèbre les fêtes orthodoxes de Pâques, assombries par les effets de la pandémie. Le prince est d’ailleurs proche du Patriarche Irenej qui est lui-même un partisan du retour de la monarchie. « Nous sommes des gens fiers et responsables, et tout ce dont nous avons besoin c'est que le monde nous comprenne mieux » ajoute le prince héritier qui constate la confusion qui règne au sein de cette Union européenne, méfiante envers le gouvernement actuel au pouvoir et qui soutient le Kosovo. Le prince est d'ailleurs un fervent partisan du retour de cette ancienne province dans le giron serbe.
Les conséquences de la pandémie ? Il craint les effets désastreux que son pays va devoir gérer, « cette crise économique majeure » qui va survenir. « Les serbes sont géniaux. Ils ont traversé beaucoup des moments horriblement difficiles et sont toujours sortis gagnants. Ce sera encore le cas aujourd’hui » renchérit-il pourtant en souriant. Les fêtes de Pâques ? L’occasion de se réconcilier pour le prince qui déplore la récente et brève arrestation du métropolite Amfilohije Radoviç par les autorités monténégrines, accusées de tenter de créer leur propre église. «Je ne pense pas que ce soit un bon message. Je considère que c'est un moment où nous devons tous faire preuve de sagesse et de douceur » déclare le prétendant au trône qui réclame juste que « justice et vérité » soient faîtes.
Les mouvements monarchistes sont représentés au parlement, au gouvernement et dans les municipalités. Selon un sondage daté de 2017, seuls 21% des serbes souhaiteraient le retour de la monarchie.
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