« (…) Ma mission est d'aider mon pays et mon peuple autant que je le peux, et je continuerai ainsi dans les années à venir. Vive la Serbie ! ». Sur son site officiel, le prince Alexandre II de Serbie a publié une vidéo, toute en anglais, marquant le vingtième anniversaire de son retour définitif en ex-Yougoslavie, après des décennies d’exil. Sur les décombres du post- communisme, les serbes avaient alors (re-) découvert le fils du roi Pierre II et ses héritiers au trône surpris par un tel enthousiasme populaire qui se poursuivra jusqu’au début du nouveau millénaire. Aujourd’hui encore les espoirs de restauration des Karageorgévitch sur leur trône, dont ils ont été chassés en 1945, restent permis.
« Nous sommes venus ici pour la première fois en 1991. L'opposition était unie contre le régime de Miloseviç et ils nous ont demandé de venir soutenir leur effort contre celui-ci. Nous avons accepté, et c'était ma première fois en territoire yougoslave, en arrivant à Belgrade ». Dans une interview accordée à Royal Central, le webzine anglophone des têtes couronnées, le prince Alexandre II de Serbie est revenu sur son retour en Yougoslavie le 28 juin 1991. Date symbolique en soi puisqu’elle coïncidait à celle anniversaire de l’attentat de Sarajevo qui avait précipité l’Europe dans une guerre fratricide de 4 ans et permis la création de la Yougoslavie sous le sceptre de sa famille, les Karageorgévitch. Sur son site officiel, l’héritier de la couronne serbe a décidé de publier une vidéo souvenir de son second retour, véritable biographie en ligne*, qui avait suscité tous les espoirs et l’intérêt des médias locaux comme internationaux. Principale force d’opposition au gouvernement de Slobodan Miloseviç, les monarchistes menés par le charismatique Vuk Draskoviç et son parti, le Mouvement du Renouveau Serbe, étaient au bord du pouvoir et Alexandre II incarnait une alternative crédible au pouvoir communiste en pleine débâcle depuis la chute du « Mur de Berlin ». Y compris d’un point de vue français où le prince jouissait d’un soutien poussé du président François Mitterrand, soucieux de maintenir l’alliance franco-serbe forgée au début du XXème siècle. Une amitié qui s’est traduite par la remise de la Légion d’honneur au prince par le président François Hollande.
Il faudra attendre plusieurs voyages avant que la maison royale ne finisse par s’installer définitivement en Serbie en 2001, il y a 20 ans. Entre-temps, Alexandre Karageorgévitch s’est impliqué à réunir tous les oppositions politiques et religieuses à Budapest (Hongrie), agacé par les manœuvres de l’Allemagne qui avaient poussé à la sécession « hâtive » de la Croatie, terre natale du maréchal Tito, le tombeur de sa dynastie, comme il l’expliquait dans un entretien accordé à Paris Match en 1992. « J'étais avec ma femme et mes trois enfants, et nous avons passé trois jours ici. C'était très émouvant d'arriver ici. Nous avons été accueillis par des centaines de milliers de personnes. A notre retour, nous avons vu le désastre qui se passait, la tragédie de la guerre, le nettoyage ethnique et toutes ces choses horribles. J’étais convaincu que je devais vraiment travailler plus dur pour stopper cela » explique le prince Alexandre II.
« J'ai donc rencontré l'opposition démocratique et je me suis lié d'amitié avec le futur Premier ministre, M. Zoran Đinđić [assassiné en 2003-ndlr]. Et puis j'ai mis en place, après les bombardements criminels [de l’OTAN en 1999-ndlr], des réunions, des conférences à Budapest, en Bosnie, à Athènes, toutes organisées par la Kennedy School of Government de Harvard. Et qui ont permis à l'opposition démocratique de s’unir contre le régime de l’époque. Et cela a été un succès au-delà de ce qui était attendu. Le régime a annulé les élections qui ont eu lieu en septembre 2000 et que l'opposition avait remportées. Les serbes sont alors descendus massivement dans la rue le 5 octobre 2000 (révolution des bulldozers) et le régime s'est enfin effondré » poursuit le prince. « Cinq jours plus tard, le Premier ministre m'a appelé pour revenir » et m’a dit : « Nous vous attendons ! ». Bien que détenant plusieurs clefs du gouvernement comme des postes de ministres, des mairies (Belgrade) ou encore la présidence de l’assemblée nationale, les monarchistes ne vont pas réussir à exploiter cette victoire, marquée par de profondes divisions internes.
« (…) Ma mission est d'aider mon pays et mon peuple autant que je le peux, et je continuerai ainsi dans les années à venir » ne cesse de marteler le prince Alexandre. Partisan d’une monarchie constitutionnelle, symbole de « démocratie et de respect des valeurs traditionnelles », c’est actuellement plus de 30% des serbes qui soutiennent l’institution royale. « Au peuple, pour le peuple », tel est encore le crédo du prince Alexandre, père de trois enfants, à la tête d’une fondation caritative et prétendant au trône de Serbie . Depuis son retour, le prince Alexandre réside au Palais blanc, demeure de sa famille.
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* https://royalfamily.org/20-years-since-return-to-serbia/