La Suisse est un pays connu pour son chocolat, ses vaches et leurs fameuses cloches, sa ponctualité légendaire, sa neutralité, ses géraniums, Guillaume Tell, Heidi ou encore ses fameux référendums populaires. Ancienne possession des Habsbourg-Lorraine, cette République fédérale a désormais son monarque. En 2019, Jonas Lauwiner s’est fait couronner Roi et Empereur à grand renfort de publicité. Il règne désormais sur un empire de 65 000 mètres carrés et compte bien l’agrandir tel un Napoléon Helvète.
L’affaire pourrait prêter à sourire si cela n’était pas aussi sérieux pour Jonas Lauwiner. Automaticien de profession, le jeune homme de 27 ans est un monarchiste, nostalgique de l’Ancien Régime. Il a reçu en héritage un terrain qu’il n’a cessé d’agrandir au fur et à mesure des années afin de recréer ce qui était un apanage de sa famille, scindé au cours du temps entre toutes les successions. « Comme les royaumes me fascinent, J’ai eu l’idée de "conquérir" davantage de terres » explique t-il au magazine Blick venu l’interroger. Désormais, ce zougois possède 65 000 mètres carrés de lopins de terre. Quoi de plus naturel pour lui que de songer à se couronner Roi et Empereur au mépris des lois fédérales suisses.
Une monarchie d'opérette
En 2019, il s’est fait introniser en grande pompe dans l’église de Nydegg, située dans la ville de Berne, qu’il avait personnellement loué. Autour de lui, des comédiens engagés pour l’occasion ou des membres de sa famille qui se sont joints à lui. Jonas Ier porte un uniforme emprunté à ceux des dictateurs d’Amérique du Sud et a même placé un canon pour défendre son royaume. « Je suis maintenant roi sur mes terres. Mais je suis quand même un fier citoyen suisse, je respecte toutes les règles et les lois, je paie mes impôts » se défend t-il à Blick. Il a sa propre monnaie, le « Vellia impérial », sa constitution, un blason reconnu (où figurent en bonne place les Lys de France), un site officiel qui présente un arbre généalogique dont les racines sont à la fois francophones et marocaines.
La principauté de Neufchâtel, seule expérience monarchique suisse
Une des plus vieilles républiques du continent européen, la Suisse a été occupée par la France de 1798 à 1815 à l’initiative du général Bonaparte, plus tard empereur Napoléon Ier. Le pays n’a pas connu véritablement d’institution monarchique, excepté lorsqu’il était possession des Habsbourg-Lorraine. En 1848, une révolution a chassé le seul prince régnant de la Confédération. Erigée en principauté, le canton de Neufchâtel a été successivement aux mains des Orléans-Longueville puis des Hohenzollern dès le XVIIIe siècle. Le roi de Prusse tentera en 1856 de reprendre pied dans sa monarchie helvétique. L’intervention de Napoléon III permettra à la Suisse de récupérer définitivement la principauté de Neufchâtel et de signer la fin de l'unique expérience monarchique de la Suisse.
L’histoire de Jonas Lawiner ressemble furieusement à celle de l’Empereur (américain) Norton pastiché par la plume du dessinateur Morris dans un album éponyme. Une ressemblance fortuite pour ses inconditionnels qui le suivent sur les réseaux sociaux. Un vrai influenceur qui a pris un prédicat d’Altesse royale et qui rassemble autour lui plus de 30000 aficionados. « Je respecte la structure fédérale et l’ordre militaire, mais je ne veux faire de mal à personne » tente-t-il de rassurer lors d'un autre entretien accordé au Zugerwoche. Jonas Ier se défend de vouloir envahir son pays avec sa « légion composée de 10 hommes ». Trop de gens confondent l’idée monarchique avec celles d’extrême-droite. Il espère avoir un héritier et lui léguer son empire, une entreprise qu’il entend faire fructifier dans l’immobilier. A l’image des princes et princesses de ce siècle.