Mohammed Ben Salmane au coeur d'une nébuleuse affaire géopolitique
Mohammed Ben Salmane au coeur d'une nébuleuse affaire géopolitique
Depuis son lieu d’exil, Saad Al-Jabri, ancien haut responsable du renseignement saoudien, a lancé de graves accusations à l'encontre du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane.
Réfugié à Dubaï, Saad bin Khalid Al Jabri est un ancien général de division de la monarchie saoudienne qui s’est mué en opposant farouche au prince héritier Mohammed Ben Salman (MBS).
Saad al-Jabri, an aide to Muhammad bin Nayef, the crown prince from 2015 to 2017, said that MBS, then minister of defence, forged King Salman’s signature to send ground troops into Yemento fight Houthis in 2015.https://t.co/CsBWkYCr4j
Au milieu d'une guerre de succession et contraint à l'exil
D’origine modeste, pour alléger les dépenses de sa famille, il entre très jeune à l’académie de Police et grimpe progressivement les échelons pour devenir attaché et conseiller du prince Mohammed ben Nayef. Ancien héritier au trône d’Arabie Saoudite entre 2012 et 2017, ce dernier sera déchu au profit de MBS. Saad bin Khalid Al Jabri est également un personnage clef des opérations saoudiennes au Yémen voisin, en proie à une guerre civile depuis 2014. Mais, c’est au retour d’un voyage aux États-Unis que ce militaire a été soudainement démis de ses fonctions en septembre 2015, accusé de comploter contre le fils du roi Salman. Contraint de s’exiler, il est alors victime d’une campagne de désinformation et pointe du doigt un prince héritier Mohammed Ben Salman qui persécuterait sa famille.
Une affaire qui embarasse la monarchie saoudienne
Selon lui, MBS aurait tenté de le faire éliminer par sa « Tiger Squad ». Le Canada ayant volontiers reconnu qu’ils ont intercepté le groupe avant qu’il ne commette l’irréparable. Entre Mohammed Ben Salman et Saad Al-Jabri, une animosité qui reste persistante. Dernièrement, l’opposant a accusé le prince héritier, alors ministre de la Défense, d’avoir usurpé l'autorité de son père pour déclencher une offensive terrestre contre les Houthis du Yémen. Une action contraire à un plan initialement approuvé par le roi et ses conseillers. D’après Al-Jabri, ce plan, élaboré en concertation avec l’administration du Président Barack Obama, visait une campagne de frappes aériennes limitée pour contraindre les Houthis à des négociations politiques, sans aucune intervention militaire pour autant.
Une implication aux racines géopolitiques et historiques
Des déclarations qui mettent en lumière les dessous opaques de ce conflit interminable. Pour le royaume wahhabite engagé auprès des Loyalistes, ce conflit représente toutefois un enjeu majeur tant sur le plan militaire que politique. Mohammed ben Salmane, qui a consolidé son pouvoir de manière agressive depuis sa nomination en tant que prince héritier, voit dans cette guerre un test de sa capacité à défendre les intérêts saoudiens dans la région et de mettre fin aux activités de ses rivaux iraniens qui soutiennent les rebelles Houthis. Cependant, les coûts humains et économiques croissants, associés aux critiques internationales, ont mis à l'épreuve la résilience de la monarchie. L’implication de l’Arabie Saoudite dans ce conflit exacerbe les tensions internes et expose le royaume à des pressions diplomatiques, en particulier de la part de ses alliés occidentaux. Une occasion de prendre également une revanche sur l'histoire pour la monarchie, gardienne des piliers de l'Islam. En 1962, elle avait pris fait et cause pour le roi Muhammad al-Badr (1926-1996), renversé de son trône yéménite. Les deux monarchies s'étaient alliées avant que le roi Faysal d'Arabie Saoudite ne soit contraint de retirer ses troupes après huit ans de conflit et obligé de reconnaître le régime républicain.
Les allégations d’Al-Jabri, qu'elles soient fondées ou non, ajoutent une nouvelle couche de complexité au rôle de l'Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen. Si ces affirmations venaient à être prouvées, elles pourraient sérieusement entamer la légitimité du prince Mohammed ben Salmane, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du royaume. L'Arabie Saoudite se retrouve donc à un carrefour délicat, où chaque décision pourrait non seulement influencer l'issue de la guerre au Yémen, mais aussi redéfinir l'avenir de la monarchie saoudienne elle-même.