Le prince Sharif Ali ben Al-Hussein est décédé en mars 2022. En dépit d’une postérité masculine, aucun de ses fils n’a souhaité reprendre le flambeau de ses prétentions au trône d’Irak. La couronne n’est cependant pas vacante. Avec la disparition du petit-cousin du roi Faysal II, la lignée de succession est désormais entre les mains du prince Hachémite Ra'ad bin Zeid.
Il est à la retraite depuis quelques années et vit à Londres. Pendant des décennies, le prince Ra'ad bin Zeid a occupé le poste de Grand Chambellan du roi Abdallah II de Jordanie avec lequel il cousine. L’homme est discret, fait peu parler de lui et prend rarement des positions politiques. Il a 22 ans lorsque la révolution irakienne éclate. Nous sommes en 1958 et il poursuit alors des études à Cambridge, en Angleterre. Il va suivre de loin les événements qui éclatent à Bagdad, une ville qu’il connaît bien. Sur le trône d’Irak, règne son cousin Faysal II. Un an sépare à peine les deux cousins qui s’apprécient. Les événements vont rapidement s’enchaîner jusqu’à son ultime épisode. Le monarque est froidement exécuté par les militaires qui mettent fin à la monarchie. C’est la fuite en avant pour les Hachémites dont la plupart se réfugient au Royaume-Uni. De cette période, il en garde une certaine amértume. « Ma vie n'a pas été facile. Mais la vie est un combat » se confiait le prince en septembre 2018 au quotidien turque Hurriyet. « Lorsque je me sens déprimé, je me rappelle alors ce que mon titre implique comme devoir » confiait-il encore au magazine Istanbul Life.
Prince héritier du trône d'Irak
Le destin du prince Ra'ad bin Zeid vient de changer. Le trône ne peut rester vacant. Son père, le prince Zaid bin Hussein (1898-1970) revendique assez rapidement la tête de la maison royale d’Irak en vertu des règles de succession qui régissent cette branche de la maison Hachémite. L’homme a une solide réputation de militaire (il était aux côtés du fameux Lawrence d’Arabie) et de diplomate (ambassadeur en poste en Allemagne nazie et en Turquie). Devenu prince héritier, Ra'ad bin Zeid ne fait pas mention de ce titre qui ne représente pas vraiment grand-chose sur le plan politique. La Jordanie a acte la fin de la monarchie et a reconnu la République. Ses chances de monter un jour sur le trône s'éloignent au fur et à mesure que les différents officiers militaires se cramponnent à leurs postes.
Grand Chambellan du roi Abdallah II
Il a noué une solide amitié avec le roi Hussein issu de la même génération que lui. Les deux princes partagent les mêmes intérêts : sauvegarder la paix dans le Moyen-Orient et préserver la monarchie. Nommé à la Cour royale, Ra'ad bin Zeid est un confident du monarque jordanien, un conseiller pour le futur Abdallah II qui adore ce cousin au regard marqué par une étonnante douceur. Ra'ad bin Zeid a rencontré l’amour en 1963 et a épousé Margaretha Inga Elisabeth Lind. Suédoise de naissance, convertie à la religion musulmane (sous le nom de Majda Ra'ad), elle est une descendante illégitime du roi Charles IX Vasa. Ils auront 5 enfants ensemble (leur fils aîné, le prince Zeid (né en 1964), est un diplomate chevronné et a dirigé la Commission des Droits de l’homme pour les Nations Unis entre 2014 et 2018. Il a été accusé à diverses reprises d’interventionisme dans la politique de pays étrangers comme aux États-Unis où il a durement critiqué l’ancien président Donald Trump, s’est prononcé contre le Brexit et n'a pas hésité à affirmer que le président philippin Roberto Duterte dirigeait des escadrons de la mort). Parallèlement à leurs activités respectives, le couple va prendre la présidence de différentes organisations de charité avant que la politique ne tarde pas à reprendre ses droits et refaire un retour fulgurant dans la vie du prince avec la chute du régime iraquien du président Saddam Hussein en 2003.
Un complot pour l'installer sur le trône irakien ?
La question d’un retour à la monarchie va rapidement se poser. Y compris pour les États-Unis qui songent à remettre un Hachémite sur le trône d’Irak sans tenir compte du tribalisme ambiant. En Jordanie, dans les couloirs du palais d’Amman, l’idée paraît séduisante. Un parti, l’Alliance démocratique monarchique (Al-Tahaluf Al-Malaki Al-Dimuqrati), dirigé par le docteur Nabil Al-Janabi, fait son apparition sur la scène politique irakienne. Affirmant être soutenu par les Américains, il déclare que le prince Ra’ad bin Zeid est prêt à assumer ses fonctions sans que le principal concerné n’ait fait des déclarations en ce sens. Pour les spécialistes, le mouvement (qui rassemble sous son parapluie divers petits partis) est piloté par les services secrets jordaniens et possiblement soutenu par le prince Hassan, frère du roi Hussein Ier.
Une prétention assumée mais non revendiquée
Un autre prince irakien va bientôt se jeter dans la bataille et s’imposer dans la querelle de succession au trône. Ancien banquier, le prince Sharif Ali ben Al-Hussein est à la tête du Mouvement constitutionnel monarchiste (CMM). Il est revenu en Irak et s’est fait acclamer à sa descente d’aéroport. Ra’ad bin Zeid ne proteste pas, laisse faire ses partisans avec lesquels il n’a d’ailleurs aucun contact. L’Histoire ne va pas souhaiter réparer ses erreurs. La monarchie ne sera pas restaurée, les Américains préférant mettre au pouvoir un gouvernement répondant plus à leurs intérêts économiques (l’Alliance démocratique monarchique n’aura jamais d'assise politique réelle dans l’ancienne Mésopotamie). Avec le décès en mars 2022 du prince Sharif Ali ben Al-Hussein, le contentieux dynastique s’est clos définitivement.
Ra’ad bin Zeid reste désormais le seul prétendant au trône d’Irak avec très peu de chances d'y monter dessus. Une perspective dont il fait peu de cas. Il assume son rôle, mais ne revendique pas, préférant désormais jouir d’un repos mérité, loin des tumultes d'un pays dans lequel il n'a pas grandi.