L’information est tombée, il y’a quelques heures. Un tribunal de justice iranien a prononcé une sentence inédite. Accusés d’avoir participé à un complot visant au renversement de la république islamique d’Iran, au profit du prince Reza Shah Pahlavi II, 10 jeunes monarchistes iraniens ont été condamnés à un siècle de prison. En Iran, aujourd'hui, être jeune et monarchiste est un crime contre Dieu.
C’est le média d’opposition «UNIKA-news» qui a révélé cette nouvelle encore peu distillée dans la presse internationale. Un juge de la cour pénale iranienne a condamné dix jeunes iraniens à un total de 100 années de prison. Leurs crimes ? Avoir osé écrire des slogans en faveur du retour de la monarchie parlementaire et fait preuve d’un «soutien public» au prince Reza Shah Pahlavi, «menaçant la sécurité nationale» selon le tribunal qui prononce ici, une des plus lourdes peines de prison contre des opposants au régime islamique. Depuis le début de la «révolution des œuf», les monarchistes iraniens font l’objet d’une chasse à l’homme par les Pâsdârâns, une véritable traque par le corps des Gardiens de la révolution islamique. Des monarchistes souvent jeunes, qui n’ont pas connu le régime impérial de la maison Pahlavi (1925-1979) et qui ont idéalisé une époque où la liberté de penser n'était pas obligatoirement synonyme d'emprisonnement, où se promener la main dans la main avec son (sa) petit(e) ami(e) n'était pas un péché institutionnalisé par un clergé rétrograde et où le port du tchador pour les femmes n'était en rien obligatoire.
Ce n’est pas la première fois que le régime islamique condamne des monarchistes à la prison à vie ou à la mort. Lors du soulèvement post-électoral en 2009, Mohammed-Reza Ali-Zamani est arrêté au cours d’une émeute anti-gouvernementale. Il a 37 ans. Le tribunal de la révolution l’accuse d’avoir distribué des CD de propagandes et des copies du livre « Les versets sataniques » écrit par Salman Rushdie. Un auteur qui fait toujours l’objet d’une fatwa prononcée par l’ayatollah Khomeiny, le tombeur du shah. En dépit de diverses manifestations en faveur de sa libération (dont plusieurs en France avec la Conférence monarchiste internationale et la Nouvelle action royaliste, deux organisations accompagnéss de diverses personnalités et élus) et d’articles de la presse internationale (BC, Washington Post…) qui dénonce un procès truqué, le jeune militant, membre du mouvement royaliste radical « L’Assemblée du Royaume d’Iran » [il s’est distancié du prince Reza Pahlavi], sera condamné à mort en octobre 2009 et exécuté 4 mois plus tard. Le premier d’une longue série. En février 2010, c’est un autre jeune homme de 26 ans, du nom d’Omid Dana, qui est arrêté pour avoir arboré des insignes monarchistes au cours d’une manifestation. Il n’échappera pas non plus à la peine de mort.
Téhéran, particulièrement son guide Ali Khamenei, est obsédé par la mouvance monarchiste et affirme qu’elle est la source des nombreuses manifestations anti-gouvernementales auxquelles la république doit faire faire depuis décembre 2018. Les nombreux slogans en faveur du shah, entendus sur des vidéos, relayées sur les réseaux sociaux, semblent lui donner raison. Les médias étrangers eux-mêmes ont fait écho de ces manifestations où le seul nom des Pahlavi est désormais synonyme de défiance au pouvoir des mollahs. Les Pâsdârâns ont accentué leur répression sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à des «moharebs», ces «ennemis de Dieu ». Autrement dit les monarchistes. En avril 2008, la ville de Shiraz est l’objet d’un attentat qui fait 14 morts. Les ayatollahs affirment immédiatement que les royalistes ont organisé cette explosion, avec pour preuves des images tournées par un vidéo-amateur et annoncent dans la foulée l’arrestation d’un monarchiste à la double nationalité américaine et britannique.
L’opposition iranienne dénoncera une «opération médiatique de Téhéran pour ternir l’image positive du mouvement monarchiste qui a toujours rejeté tout recours à l’usage de la violence pour un changement de régime, selon les recommandations du prince Reza Pahlavi». Plus récemment, fin décembre 2019, les Pâsdârâns ont arrêté plus de 150 membres d’un groupe monarchiste présent dans la cité religieuse de Qom. Symbolique en soi puisque c’est ici que l’ayatollah Khomeiny avait lancé sa vague de manifestations contre le pouvoir du Shah. Le chef de la police a déclaré que les jeunes membres du groupe avaient mis en place des réseaux de liaisons avec l’étranger, sous le code «Retour du prince», notamment avec l’opposition monarchiste présente aux Etats-Unis, réunie sous le nom de «Projet Phoenix ». Preuve s’il en est pour la police, des tracts et des drapeaux de l’ancien régime retrouvés dans leur appartement.
La menace monarchiste est-elle réellement crédible ? Le fils du dernier shah ne ménage pas sa peine dans son combat pour la liberté et bénéficie d’un large soutien politique comme un fort relais sur les réseaux sociaux qui mettent en ligne ses discours. Et cela fait mouche auprès des jeunes iraniens qui rêvent de pouvoir s’amuser comme tous les occidentaux. Selon Abbas Amanat, auteur de «L’Iran: une histoire moderne », « l'héritage des Pahlavis, qui viennent eux-mêmes d'un milieu modeste, est à la fois un mélange de modernisme, de laïcité et de nationalisme», qui trouve aujourd’hui un soutien chez les libéraux, les nationalistes, les exilés ou les pauvres des zones rurales fatigués. Toute cette opposition peut jeter les bases du rétablissement d'une monarchie constitutionnelle en Iran ». Le 20 avril, une nouvelle vidéo a d’ailleurs circulé sur les différents réseaux sociaux où on entend clairement dans la capitale, des iraniens qui appellent au secours le prétendant au trône du Paon. Des manifestations qui touchent le lieu du pouvoir central, secoué par la crise du covid-19. Une maladie qui pourrait être le crépuscule d’un pouvoir à l’agonie et qui ne tient que par le soutien de quelques pays de la communauté internationale soucieuse de préserver les accords sur le nucléaire iranien de 2013. Dont la France actuellement pointée du doigt par les monarchistes iraniens, visiblement agacés par les positions de la patrie des droits de l’homme.
Les manifestations de la jeune diaspora iranienne en faveur du prince Reza Shah se sont multipliées en Europe comme dernièrement en Allemagne, aux Etats-Unis ou en Suède. Pour le site d’informations «Iran-resist.org», le régime islamique est terrorisé par sa jeunesse révoltée. «Les mollahs pourraient accuser n’importe quel groupe, mais ils ont choisi les monarchistes car les iraniens, surtout ceux nés après la révolution, sont dans une forte majorité très favorables au retour de la dynastie Pahlavi qui a incarné la modernité, l’enseignement laïque, la tolérance religieuse, l’émancipation des femmes, l’accès des ouvriers à la propriété, mais surtout la restauration de l’identité iranienne non islamique» peut-on lire sur son site. Si leurs pères, aussi jeunes qu’eux en 1979, ont contribué à renverser la monarchie, sa restauration pourrait bien être prochainement l’œuvre de leurs fils qui n’hésitent plus à défier le régime islamique au mépris de l’épée de Damoclès qui tourne au-dessus de leurs têtes.
Car aujourd’hui, au pays de Cyrus le Grand, être monarchiste et jeune est un crime désormais puni par la peine de mort.
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