« Jérusalem est une ville qui rassemble les musulmans, les chrétiens et les juifs, une ville de paix et de rassemblement qui doit le rester ainsi ». En marge de sa visite officielle au président américain Joe Biden, le roi Abdallah II a accordé un entretien à Fareed Zakaria, journaliste à CNN. Lors de cette interview, le souverain Hachémite est revenu sur sa récente visite aux États-Unis, sa vision sur les questions régionales du Moyen-Orient, en particulier de la cause palestinienne, et du coup d’état auquel la monarchie a dû faire face récemment.
« Je connais le président Joe Biden depuis longtemps. J’étais jeune homme quand je suis venu avec mon père |Hussein Ier-ndlr] visiter le Congrès. Nous l’avons rencontré alors qu’il n’était qu’un jeune sénateur et nous nous sommes liés d'amitié. Je suis donc ravi de le voir aujourd’hui à la Maison Blanche. Et je ne sais pas ce que le monde extérieur a pu ressentir à la publication des photos mais mon entourage a pu constater qu’elle a été l’alchimie de cette rencontre. Je suis d’autant plus heureux que mon propre fils ait pu assister à cet entretien (…) ». Le dernier, le roi Abdallah II de Jordanie a été le premier chef d’état musulman à rencontrer le nouveau dirigeant des Etats-Unis. Au menu des échanges, le putsch de son frère, le prince Hamzah, et la création d’un état palestinien unifié et indépendant. Une cause défendue depuis plus d’un demi-siècle par les Hachémites, protecteurs des Lieux saints d’Israël, et qu’il a réitéré devant le micro de Fareed Zakaria, journaliste à CNN.
« Je pense que la solution à un seul État est bien plus difficile pour ceux en Israël qui défendent cette théorie que la solution à deux États, qui est la seule voie possible » a affirmé le monarque qui a rencontré les deux dirigeants hébreux et palestiniens. « [Joe Biden] est un président très différent de celui que nous avions auparavant et avec lequel nous avons perdu de nombreuses années » regrette Abdallah II qui ne cache pas son animosité envers Donald Trump. Entre les deux hommes, une ville, Jérusalem, qui crispe toutes les attentions des camps en présence. Pour Abdallah II, il y a urgence à éviter un nouveau conflit entre les deux peuples alors que les plus radicaux d’entre eux refusent toute négociation de paix. « Les Palestiniens ne veulent pas être en Jordanie, ils veulent récupérer leurs terres, ils veulent leur équipe de football, ils veulent que leur drapeau flotte au-dessus de leurs maisons. Et faute de l’obtenir, cela les entraîne dans une rhétorique très dangereuse » poursuit le souverain qui espère avoir initié une « dynamique » depuis l’élection de Joe Biden aux Etats-Unis et du premier ministre Naftali Bennett en Israël « En ce qui nous concerne Jérusalem est une ville qui rassemble les musulmans, les chrétiens et les juifs, une ville de paix et de rassemblement qui doit le rester ainsi » rappelle le monarque.
« Je regrette que des personnes aient tenté d’utiliser les frustrations des gens, leurs préoccupations légitimes face aux défis qu’ils affrontent quotidiennement, pour vraiment faire avancer leurs propres agendas et nourrir leurs ambitions. J’ai été déçu de constater que l’une de ces personnes, dont je parle, ait été mon propre frère qui a agi comme un amateur dans cette affaire ». Le roi de Jordanie est revenu sur la tentative de coup d’état orchestré contre son régime en avril dernier . « Nos services de renseignement, comme ils le font toujours, recueillent des informations, et ils en sont arrivés à cette conclusion que j’étais menacé par des individus qui manipulaient et poussaient les ambitions de mon frère pour leurs propres intérêts. Il fallait étouffer cette conspiration dans l'œuf. Et dans la douceur. Si mes services n’avaient pas eu la présence d’esprit d'enregistrer secrètement des conversations avec des responsables jordaniens ou de divulguer des vidéos afin de prouver l’existence de ce complot, vous et moi n'aurions pas cette conversation » s'agace le roi Abdallah II qui ne décolère toujours pas. « Quand vous êtes membre de la famille royale, vous avez, certes des privilèges, mais aussi des devoirs que vous devez suivre. Et la politique, en fin de compte, est du ressort du monarque » rappelle une nouvelle le frère du prince Hamzah, pardonné depuis.
L’Arabie Saoudite est-elle derrière cette tentative de putsch ? « Nous savons tous que Bassem Awadallah [un des protagonistes du putsch avec un cousin du roi-ndlr], qui a travaillé en Jordanie, est aussi conseiller principal d’un prince saoudien. D'ailleurs, il détient à la fois des passeports saoudien et américain. C’est un problème interne et il y a en suffisamment dans la région pour ne pas en créer d’autres. Quand on regarde le Liban — la crise qui perdure, les gens dénués de tout, la famine qui approche, les hôpitaux ne fonctionnent pas, je suis heureux de voir que différents pays collaborent ensemble ». « Nous devons donc aller de l’avant pour résoudre les problèmes du Moyen-Orient avant tout et ne pas nous diviser » rétorque le souverain qui assure que son fils suivra le même chemin politique que lui. Celui de la paix entre les peuples et les religions.
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