Le roi Charles III en Australie : une visite sous haute tension
Le roi Charles III en Australie : une visite sous haute tension
C'est une visite sous haute tension que le roi Charles III et la reine Camilla vont effectuer en Australie. Plusieurs voix se sont élevées pour abolir la monarchie et pour réclamer que le monarque présente des excuses officielles aux Aborigènes.
Le roi Charles III entamera une visite officielle en Australie du 18 au 26 octobre 2024 avant de se rendre aux îles Samoa pour le nouveau sommet des pays-membres du Commonwealth qu’il préside. Ce voyage, qui survient après un feu vert médical lui permettant de suspendre temporairement les soins qu’il suit contre une forme de cancer dont on ignore la nature, est son premier déplacement de longue durée depuis l’annonce de sa maladie en février dernier. Bien que largement protocolaire, la visite soulève des enjeux politiques profonds, notamment la question de l'avenir de la monarchie en Australie, continent colonisé par la couronne britannique au cours du XVIIIe siècle.
Un roi sous les projecteurs de la presse australienne
Agé de 75 ans, le roi Charles a récemment repris ses engagements publics après une période de retrait due à son état de santé. Si l’arrêt en Nouvelle-Zélande, initialement prévu dans son itinéraire, a été annulé pour alléger son emploi du temps, Charles reste fidèle à son rôle, avec des rencontres programmées avec des experts australiens, notamment autour des effets des incendies catastrophiques de 2019-2020 et de la recherche sur le mélanome, un cancer de la peau. Les Australiens auront également l'opportunité de saluer le couple royal lors d'un bain de foule prévu à Sidney, capitale de l'État de Nouvelle-Galles du Sud.
Cette visite n’est cependant pas sans défis. D’abord symbolique par le fait qu'il s'agit de son premier séjour en tant que souverain, elle est également marquée par une méfiance croissante envers l’institution monarchique dans le pays. En effet, bien que l'Australie ait historiquement conservé un lien étroit avec la monarchie britannique, l’idée républicaine progresse.
Monarchie et république : un antagonisme persistant
Cette visite de Charles III en Australie ravive une question qui divise profondément le pays depuis des décennies : monarchie ou république ? En 1999, lors d'un référendum, 54,9 % des Australiens avaient rejeté l’idée d’abolir la monarchie. Loin d’être le clos, le débat sur cette question agite régulièrement le pays. D’autant que cet antagonisme est incarné par deux camps farouchement opposés. D'un côté, les monarchistes (Australian Monarchist League), pour qui la royauté est un élément essentiel de l'identité nationale et un lien historique avec la Grande-Bretagne. Pour eux, la monarchie représente la stabilité et la continuité. De l'autre côté, les républicains du Mouvement républicain australien qui voient dans le système monarchique une relique dépassée, symbolisant l’inégalité des classes. C’est à coup de communiqués que les deux camps s’affrontent, relayés par une presse qui ne cesse de commenter cette « guerre » idéologique.
Un mouvement républicain qui trouve des alliés à travers des figures telles que Graham Smith, leader britannique du mouvement Republic, qui prévoit de se rendre en Australie pour organiser des manifestations anti-monarchiques durant la visite du souverain qu’il a qualifiée de « tournée d’adieu ». Très actifs sur les réseaux sociaux, il a d’ailleurs interpellé le monarque en lui écrivant directement une lettre, réclamant un rendez-vous avec le roi Charles III. Face à l’attention des médias, Buckingham Palace a réagi laconiquement en rappelant que le fils de la reine Elizabeth II avait un « amour profond pour l’Australie » et que « Sa Majesté, en tant que monarque constitutionnel, agit sur les conseils de ses ministres et c'est donc au public australien de décider si l'Australie deviendra une république ».
?NEW POLL ALERT: A NewsCorp’s Pulse of Australia poll has found that support for a republic has fallen to 33% with 45% respondents saying Australia should remain a constitutional monarchy.
— The Australian Monarchist League (@Austmonarchist) October 13, 2024
Un gouvernement qui recule sur la question républicaine
Promesse de campagne du Premier ministre Anthony Albanese, la perspective d’un nouveau référendum sur la question du futur des institutions a été remis aux calendes grecques. Son élection avait été pourtant saluée par le mouvement républicain australien comme une source d’espoir. D’autant qu’à peine élu, Anthony Albanese s’était empressé de mettre en place un très controversé « ministère délégué pour la République ». Un poste qui avait soulevé les crispations des monarchistes et des conservateurs. Mais deux ans après son élection, le leader travailliste semble faire marche arrière. En janvier dernier, il a indiqué qu'il avait décidé de suspendre une proposition visant à organiser un vote sur la destitution du roi Charles III à la tête de l'État, arguant que ce n’était plus « une priorité » et qu'il n'y avait « aucun calendrier » pour cela, tenant à rassurer les Australiens sur la « relation chaleureuse » qu’ll entretenait avec Charles III. Selon un récent sondage daté d’octobre 2024, mis en ligne par le Daily Telegraph, 45% des Australiens affirment soutenir la monarchie, contre 33% en faveur de la république et 21% qui n’ont pas fait de choix précis. Toutefois le sondage a montré des disparités en termes de génération. Celle dite « des boomers » est plus enclin à soutenir l’institution royale que celle dite des « millenials » et celle des « Z » qui défendent la monarchie du bout des doigts.
La question aborigène sera t-elle abordée ?
La question des Aborigènes va-t-elle être abordée durant cette visite. Actuellement rien n’indique que Charles III va faire un pas en ce sens alors que de nombreuses associations aborigènes réclament des excuses officielles pour les « siècles de racisme ». En mai 2023, dans une lettre signée par différents leaders autochtones, représentant les 984 000 aborigènes d’Australie (sur 26 millions d'habitants), avaient exigé que des réparations financières soient versées pour les expropriations forcées et les nombreux vols d’artéfacts par les colons, revendus au prix fort. Une colonisation synonyme de véritable ségrégation étatique (politique de la « White Australia »), marquée par des violences et des massacres organisés contre les « natives ». Il faudra d’ailleurs attendre 1962 pour qu’ils obtiennent le droit de vote aux élections fédérales et la pleine citoyenneté cinq ans plus tard. Depuis les années 1990, bien que les tensions demeurent, plusieurs Premier ministres australiens ont demandé pardon et appelé Australiens britanniques et Aborigènes à se réconcilier.
De nombreux voyages comme prince de Galles
Le roi Charles III s'est rendu 16 fois en Australie, comme prince de Galles, pour accompagner ou représenter sa mère, feu la reine Elizabeth II. C’est en 1966 qu’il a débarqué pour la première fois sur ce continent dans le cadre d’un échange d’étudiants, âgé de 17 ans. Parmi tous ces voyages, deux ont particulièrement marqué l’Australie. Celui de 1983 où il a présenté son épouse, Lady Diana, qui a été un véritable succès populaire, et en 1994 où il a échappé à une tentative d’assassinat par un Australien qui entendait protester contre le traitement réservé à plusieurs centaines de demandeurs d’asile cambodgiens enfermés dans des camps de détention. De son côté, la reine Camilla s'est rendue en Australie à trois reprises entre 2012 et 2018, dans le cadre des célébrations du jubilé de diamant et pour les jeux du Commonwealth
Plusieurs ministres des différents Etats qui composent l'Australie, dont 6 Premiers, ont annoncé qu’ils ne pourraient pas aller à la rencontre du roi pour des raisons d’agenda. Une visite qui va être scrutée de près par tous en Australie et qui devrait dessiner les futures relation entre Canberra et Londres sur les prochaines années.