Les îles Samoa, une monarchie unique en son genre

Le roi Charles III va bientôt mettre le cap vers l'Australie, un pays dont il est le souverain. Lors de ce voyage, il se rendra également dans les îles Samoa. Une monarchie unique en son genre, mêlant traditions ancestrales et gouvernance moderne, considérée comme un rempart aux ingérences étrangères. 

Les Samoa, petit archipel du Pacifique Sud, abritent une monarchie unique en son genre, mêlant traditions ancestrales et gouvernance moderne. Officiellement connu sous le nom de Malo Sa'oloto Tuto'atasi o Samoa, cet État insulaire combine un système politique démocratique avec un respect profond pour sa culture indigène et ses structures de pouvoir traditionnelles. À la tête de ce système se trouve un monarque qui, bien qu’ayant une fonction majoritairement honorifique aujourd'hui, conserve une influence majeure dans la vie politique et sociale du pays. C'est dans ce royaume que doit se rendre le roi Charles III qui ouvrira la nouvelle session du Commonwealth, le 25 octobre 2024. 

La monarchie coutumière : gardienne des traditions

Contrairement aux monarchies constitutionnelles classiques, où le pouvoir politique et symbolique est concentré dans une seule famille royale, la monarchie des Samoa est représentée par un chefferie héréditaire, avec à sa tête les Matai. Les Matai sont des chefs de clans, issus de grandes familles aristocratiques et élus par leurs aînés pour exercer le pouvoir à la fois sur le plan politique et spirituel.

Le plus prestigieux des Matai est le Tama’aiga, un titre réservé à l’un des quatre plus hauts chefs des grandes familles samoanes, issus de lignées qui règnent sur l'archipel depuis des siècles. Le rôle de ces Matai transcende le simple cadre de la monarchie. Ils sont les garants de la culture samoane, veillant à ce que les coutumes ancestrales, appelées Fa’a Samoa (la voie samoane), continuent de régir la société, tout en intégrant les exigences du monde moderne.

Une histoire complexe  et méconnue

Peuplée par des Polynésiens, l’île de Samoa va vite attirer les convoitises de l’Empire du Tonga qui va étendre son pouvoir sur l’archipel au cours du Xe siècle. Une occupation de deux cents ans avant que les habitants de Samoa ne se révoltent et chassent définitivement les Tongans. C’est en 1722 que la première rencontre avec des explorateurs européens va se faire. Il faut cependant attendre le règne de Louis XVI pour que l’explorateur La Pérouse pose enfin, le premier, le pied sur Samoa. Une expédition qui se solde par 11 morts du côté français après avoir essuyé une violente attaque de la part des Samoans. L’île va très vite acquérir une réputation de paradis inhospitalier jusqu’à la seconde moitié du XIX e siècle.

Devenue la proie des ambitions allemandes, britanniques et américaines qui n’hésitent pas à soutenir telles ou telles factions pour des raisons commerciales, la monarchie des Samoa va entrer dans une crise profonde. Les luttes d’influences vont avoir raison du trône du roi Susuga Malietoa Laupepa (1841-1898), dont le nom est cité dans un des livres de Jules Verne, qui est destitué par le parlement en 1876. Restauré une décennie plus tard après que les trois puissances aient accepté de redonner à Samoa un statut neutre, ses successeurs peineront à maintenir la stabilité du royaume qui devient finalement une colonie allemande. Avec la Première Guerre mondiale, Samoa change de mains et devient une possession néo-zélandaise, sonnant ainsi la revanche de Londres. Une partie de l'île demeurée sous le contrôle américain (encore aujourd'hui) aura d'ailleurs droit à une visite royale, celle de la reine Elizabeth II (1977).

La constitution et les institutions politiques

Depuis son indépendance en 1962, obtenue après des années de lutte intense (Mouvement Mau), les Samoa ont adopté un système démocratique parlementaire avec une constitution intégrant la monarchie coutumière comme mode de gouvernance. Le pays dispose d’un chef d’État (O le Ao o le Malo), élu par le Parlement pour un mandat de cinq ans, mais traditionnellement issu des grandes familles royales samoanes (jusqu’ici parmi les membres de la dynastie Malietoa). Bien que ce rôle soit principalement honorifique, le monarque joue un rôle important en représentant l’unité et la souveraineté des Samoa. Le décès du roi Malietoa Tanumafili II en 2007 à l’âge de 94 ans, après 45 ans de règne, considéré comme le père fondateur des Samoa, a provoqué de vives tensions parmi les familles de l’aristocratie. Actuellement, c’est le roi Tuimalealiʻifano Vaʻaletoʻa Eti Sualauvi II (né en 1947) qui occupe le trône depuis juillet 2017. Son avènement à mis fin à une période de vacances de la couronne.

Le système politique des Samoa repose sur un parlement monocaméral, appelé l’Assemblée législative ou Fono, composé de 51 membres, dont la plupart sont élus parmi les Matai. Jusqu'en 1990, seuls les Matai pouvaient se présenter aux élections et voter. Aujourd'hui, tous les citoyens samoans peuvent déposer démocratiquement un bulletin dans l'urne, bien que les Matai conservent leur prééminence politique. Les décisions politiques aux Samoa se font en respectant les principes du Fa’a Samoa, où la consultation des clans et le consensus sont des éléments clés. Les institutions politiques modernes fonctionnent ainsi en parallèle avec la chefferie traditionnelle, créant un équilibre unique entre démocratie et traditions.

Une institution monarchique perçue comme un rempart

Symbole de continuité et de stabilité, la monarchie des Samoa reste perçue comme un rempart contre les ingérences extérieures et une force de cohésion nationale, dans un pays où les valeurs communautaires sont essentielles. exemple fascinant de l’intégration des traditions royales dans un système politique démocratique moderne. Si elle ne gouverne plus directement, l'institution royale reste profondément ancrée dans la société samoane.

En ce début de XXIe siècle, la monarchie continue de jouer un rôle fondamental en tant que gardienne des valeurs culturelles et sociales du pays, tout en soutenant le développement d’une nation tournée vers l’avenir.

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