«Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort (…). Nous sommes en juillet 2015 et Emmanuel Macron, qui n’est pas encore président de la République, fait le buzz au sein de la roycosphère avec cette déclaration inattendue. Sa personnalité divise déjà les monarchistes. Quatre ans plus tard, quelle relation entretient réellement Emmanuel Macron avec les royalistes et les prétendants au trône de France ?
«Macron, c’est ma p*te ». Cheveux longs, Sacré-Cœur cousu sur son gilet jaune, « emblème des membres de l'Armée catholique et royale de Vendée, opposée aux troupes républicaines envoyées par la Convention nationale lors des guerres de Vendée» précise alors dans son édition France Soir, un jeune royaliste va connaître une certaine gloire dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ses déclarations en janvier dernier résument à elles-seules toute l’animosité de la mouvance monarchique à l’égard d’un « pur produit de la Finance » et que ses opposants comparent curieusement à Louis XVI. On est alors en plein cœur d’importantes manifestations anti-gouvernementales (Gilets jaunes) parmi lesquels se trouvent les monarchistes qui brandissent des drapeaux fleudelysés. De l’Action française (AF) à la Nouvelle royaliste (NAR) en passant par les Légitimistes, tous se sont réunis, chacun à leur manière, dans la rue ou dans leurs organes de presse respectifs, afin de protester contre les réformes entreprises par le gouvernement. On est désormais bien loin des supputations d’Europe 1 qui évoquait un « Emmanuel Macron dévoilant ses tendance royalistes (…), qui semble un brin nostalgique de la monarchie ». Et de royalisme chez l’ancien ministre de l’économie il en avait été question pour le magazine « Les Inrockuptibles » qui n’avait pas hésité à poser cette question dès octobre 2017 : « Que pensent les royalistes du jupitérien Macron ?». A regarder de plus près, tout semblait indiquer la proximité de l’énarque avec les royalistes. Fraîchement élu, le nouveau président de la République souhaitait-il réellement réaliser ce que le général de Gaulle avait un temps caressé comme idée dans les années soixante avec le comte de Paris, la restauration de la monarchie ? Bien des royalistes l’ont pensé ou fantasmé à ce moment-là. Les liens de son épouse Brigitte avec certains milieux légitimistes ou son admiration pour le vicomte Philippe de Villiers comme le note le magazine Le Point, son nouveau monsieur patrimoine et ancien membre de la NAR, l’animateur Stéphane Bern, des conseillers issus de la mouvance monarchiste à ses côtés (dont un qui va s’impliquer dans le dossier néo-calédonien), voir un ministre, ont été autant d’indicateurs d’un Emmanuel Macron se voulant proche des milieux royalistes.
« Le fait qu'Emmanuel Macron choisisse des personnes compétentes et intéressées par le sujet comme Stéphane Bern montre qu'il n'a pas une hostilité envers les royalistes » affirmait, alors presque enthousiaste, Christophe Paillard, délégué régional Île-de-France d'Alliance royale (AR). Il séduit même une partie des monarchistes par l’utilisation à outrance du symbole royal tel que celle du château de Versailles pour recevoir présidents étrangers ou y réunir le parlement, un hommage appuyé à Jeanne d’Arc ou encore plus discrets, ceux rendus aux rois de France à la basilique Saint-Denis durant sa campagne présidentielle. « L'avantage du roi est de permettre l'unité. Le roi n'étant n'est ni à droite, ni à gauche, il est en quelque sorte au-dessus de la mêlée. C'est précisément la posture qu'Emmanuel Macron semble vouloir adopter » n’hésite pas à déclarer au magazine «Les Inrockuptibles », François Rouvillois. Avec entre 14 et 17% de français favorables à ce que « la fonction de Chef de l’Etat en France, comme dans d’autres pays européens, soit assumée un jour par un Roi « (BVA), il est certain que le président de la république a juste compris quelle force cet électorat, pourtant mal jugé ou objet d'ironies, pouvait représenter en jouant sur leur fibre nationaliste.
Pourtant tous ne sont pas du même avis où ne sont pas dupes. Dès le début de sa campagne, la Nouvelle action royaliste émet ses réserves sur le candidat Macron avant de confirmer son hostilité face à un président de la République dont le style se veut empreint d’un « pseudo gaullisme patriotique » qui crispe, irrite le mouvement de Bertrand Renouvin, ancien membre du Conseil économique et Social. Ce dernier n’hésite pas à le qualifier dans ses billets de « Janus le dieu à double face. (…) qui abaisse la France et humilie les Français (…) en initiant une guerre sociale totale». Elu ironiquement « royaliste de l’année » par l’Action française en 2015, les disciples de Charles Maurras n’ont jamais eu de réelles affinités avec la macronie européiste, lui préférant des mouvements plus souverainistes et eurosceptiques.
C’est un échec pour le président de la République (qui fera d’ailleurs annuler les commémorations célébrant le controversé chantre du royalisme de l’entre-deux-guerres) dont l’orgueil lui commande alors de s’adresser aux prétendants à la couronne. Si le prince Jean-Christophe ne cache pas une certaine proximité avec Emmanuel Macron lors d’une interview à Point de Vue (2017), ses partisans sont beaucoup moins enchantés vis-à-vis du président de la République. Du côté du prince Louis-Alphonse de Bourbon ou du prince Jean d’Orléans, on est dans la réserve ou dans l’opposition. L’un comme l’autre manifesteront leur soutien aux Gilets jaunes en décembre 2018. Absent de l’Hexagone et n’ayant donné aucune suite aux demandes du président qui a tenté de le contacter, Emmanuel Macron va finir par ignorer le duc d’Anjou. C’est alors Stéphane Bern qui va jouer le médiateur dans la rencontre entre le fondateur du mouvement La république en marche (LREM) et le comte de Paris. A ce dernier la charge de mettre en place la réconciliation franco-italienne (2019). Si le prince Jean et le président Macron se sont déjà rencontrés par le passé, cela n’a jamais été une forme d’adoubement par le comte de Paris, connu pour être plus proche de la droite catholique (de type filloniste) et qui entend rester neutre, dans le conflit qui oppose le chef de l’état aux français, aux royalistes. Et il importe peu que la querelle dynastique (qui perdure depuis 1883) s’invite au passage (La légitimité reprochant âprement cette rencontre oubliant que le prince Louis-Alphonse avait été lui-même reçu à l’Elysée du temps de Nicolas Sarkozy sans qu’elle y trouve rien à y redire à l’époque-ndlr), c’est front commun que les monarchistes, toutes tendances confondues, montrent comme visage aujourd’hui au président de la république.
Avec le débat qui s’annonce sur la réforme de la loi bioéthique qui doit légaliser la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, le fossé entre les royalistes comme les deux prétendants au trône de France qui ne cachent pas leur opposition à ce projet de loi et Emmanuel Macron risque de se creuser encore plus. Un désamour qui n’en finit pas de s’écrire et qui devrait trouver son apogée lors de la prochaine élection présidentielle de 2022.
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Publié le 10/09/2019