Une interview royale
L’un des sites monarchiques* le plus important du Royaume-Uni, qui comptabilise entre 650 et 800 000 visiteurs par jour (la presse allemande ayant même affirmé qu’elle dépassait le million, ses articles repris par la presse internationale (dernièrement les journaux allemands Tag24 ou le Saechsische Zeitung) ou locale (comme le Business Insider, l’Express ou The Sun), a souhaité m’interviewer sur la situation du monarchisme en France, incluant celle concernant bonapartisme impérial. En janvier 2018, j’avais déjà eu l’honneur d’être cité par RoyalCentral comme «première source d'information monarchiste internationale dans un article consacré à la Roumanie». L’entretien (qui a été repris et traduit par un site russe) s’étant naturellement effectué en anglais (on passera sur la faute de mon prénom ), je vous livre sa traduction en français. Bonne lecture.
RoyalCentral : Pouvez-vous expliquer brièvement ce qu’est la «Conférence monarchiste internationale»?
Frederic de Natal : La Conférence monarchiste internationale (CMI) est une structure de coordination des mouvements monarchistes au niveau mondial fondée en 2008 mais aucunement un parti. Nous avons organisé des manifestations de soutiens à des monarchistes emprisonnés pour leurs idées (comme en Iran), nous avons été les premiers à déceler que le soulèvement en Libye était d’origine monarchiste et même tenté de fédérer les mouvements monarchistes français sous un seul et même parapluie. Mais nous avons échoué. En 2015, nous avons décidé de nous focaliser sur l’information des actions politiques de tous les mouvements monarchistes étrangers et les diffuser sur les réseaux sociaux.
RoyalCentral : Vous dirigez la « Conférence monarchiste internationale », l'une des sources d'informations les plus importantes sur les monarchies dans le monde. Vous semblez partout, comment arrivez-vous à gérer tout cela ?
FDN : Vous savez, je suis un passionné et un des rares journalistes français, peut être avec Stéphane Bern ou Philippe Delorme, à effectuer ce travail. Je passe des heures à chercher des informations dans toutes les langues afin de montrer à tous que l’idée monarchiste est une réalité de tous les jours et pas seulement quelque chose que l’on trouve dans les livres. Je pense, je mange, je dors …monarchie. C’est plus qu’un crédo, c’est une véritable croisade pour moi. Je ne dors que 5 heures par jour en moyenne.
RoyalCentral : Pourquoi cette passion pour la monarchie ? Quelle est la raison pour laquelle vous êtes monarchiste ?
FDN :Pour moi, la monarchie incarne la tradition, la continuité, la grande histoire de France. Le roi est cet arbitre qui manque à notre pays qui sombre malheureusement et actuellement dans l’anarchie. J’ai eu la chance de vivre 20 ans à l’étranger et de baigner dans un bouillon de culture familial. Je suis venu naturellement à la monarchie en me posant des questions assez simples. Que sont donc devenues les familles royales ou impériales de France après 1848 et 1870 ? Pourquoi cesse-t-on d’en parler ? J’ai toujours aimé l’histoire, mes parents, mes grands-parents m’ont transmis cette passion. Depuis mes 14 ans, j’ai acquis cette conviction que la monarchie était le seul gouvernement légitime pour la France. Et cette idée ne m’a jamais quitté une seule fois.
RoyalCentral : La mort du comte de Paris a fait les principaux titres de la presse française. Quel en a été le traitement par les médias locaux et comment pensez-vous que la communauté internationale a réagi à cette nouvelle ?
FDN :C’est difficile à dire. Tout dépend où on se place. Si on se place du côté royaliste, elle a été très bien accueillie. D’un point de vue médiatique aussi, cela a été un grand succès. Plus d’une cinquantaine d’articles sont parus dans la presse française à ce sujet et autant à l’international, notamment en Europe qui a consacré de très longs articles sur la vie du comte de Paris. Les français ont pu redécouvrir qu’ils avaient des prétendants au trône de France. Et nos divisions.
RoyalCentral : Comment les Français ont-ils accepté le nouveau chef de la Maison d’Orléans ?
FDN : Le prince Jean d’Orléans était attendu par ses partisans et reste aujourd’hui une source d’espoirs pour les monarchistes qui l’ont surnommé le « prince de l’avenir », contrairement à son père avait reçu le sobriquet de « prince de la malchance ». Mais pour le reste de la population française, je dirais plutôt de l’indifférence. Cela tient au fait que son père était très peu connu du public à la différence du grand-père de l’actuel comte de Paris.
RoyalCentral : Comment décririez-vous Jean d'Orléans en tant que personne et en tant que chef de la Maison d'Orléans?
FDN : J’ai rencontré à diverses reprises le nouveau comte de Paris. Il m’a beaucoup rappelé son grand-père, Henri d’Orléans qui a été un prince politique et charismatique en France. J’ai trouvé un prince profondément ancré dans l’analyse et la réflexion des événements actuels, indépendant des mouvements royalistes actuels. On sent l’influence de son grand-père qui l‘a préparé à son rôle. D’après moi, il dessine un projet politique à venir et pourrait surprendre ses compatriotes. Il est fort possible qu’un jour nous ayons un prince investi en politique. Qui sait !
RoyalCentral : Quelle famille royale est la plus populaire parmi les français et pourquoi?
FDN : Indubitablement la famille d’Orléans. Je suis conscient qu’en affirmant cela, je ne vais pas plaire à la Légitimité mais c’est pourtant la vérité. Pourquoi ? C’est simple, elle descend du dernier roi des Français, vit en France, reste présent dans les différents médias, connue dans les partis politiques, et soutenue par les principaux mouvements monarchistes comme l’indique une enquête réalisée à ce sujet en 2009. Ce qui n’est pas le cas du prince Louis-Alphonse de Bourbon qui vit quasiment en Espagne, actuellement très occupé avec l’affaire Franco, son arrière-grand-père, vient rarement en France tout comme le prince impérial Jean-Christophe Napoléon plus occupé dans une banque à Londres et absent du débat politique français. Après malheureusement, on pourra toujours aussi dire que les Orléans sont plus connus des français pour avoir alimenté les pages peoples ou pour leurs nombreux procès contre la branche rivale.
RoyalCentral : Comment percevez-vous la relation entre Bonaparte, Orléans et les familles Bourbon ?
FDN : Elle a toujours été compliquée même si ils sont tous cousins. La vieille génération de prince-prétendants, qui a aujourd’hui disparu, ne s’appréciait pas du tout et avait pour habitude de régler ses nombreux litiges devant les tribunaux. Aujourd’hui cela a changé. On a vu à plusieurs reprises les deux prétendants Bourbon ensemble. Aucun des deux ne souhaite alimenter la querelle dynastique. Le prince Jean et le prince Louis-Alphonse se respectent totalement, regrettant ouvertement et publiquement que leurs partisans respectifs alimentent les divisions sur les réseaux sociaux. Ce qui est ironique, c’est qu’ils ont de nombreux points de vue identiques. La mort du prince Henri a rabattu les cartes du schisme dynastique.
RoyalCentral : La France a trois familles royales rivales. Cela affecte-t-il le débat sur le retour de la monarchie en France ?
FDN : Oui malheureusement. Il est regrettable que le comte de Chambord n’ait clairement pas désigné son successeur lors de son décès en 1883. Un siècle et demi plus tard, cette division nuit considérablement aux messages que les royalistes tentent de faire passer dans la population française. Chez les Napoléon, le problème dynastique a été réglé récemment. Le prince Charles Napoléon a reconnu son fils, désigné en 1997 par testament, Jean-Christophe comme chef de la maison impériale. Mais politiquement c’est autre chose. Les bonapartistes sont divisés entre républicains et monarchistes. Il n’y a pas vraiment de débat sur la monarchie en France. Et si il y’en a un, il est victime de caricatures de la part des médias qui ne cessent de brocarder les monarchistes dans leurs émissions ou les associent toujours à des mouvements d’extrême-droite. La France ne s’est toujours pas remise de la mort de Louis XVI en 1793. Ceci dit, l’idée fait son chemin. Lors de la crise des gilets jaunes, on a entendu des politiques ou des simples citoyens réclamer un arbitre à la tête de l’état, évoquer la figure d’un roi, agitant même des drapeaux royalistes. Quand on sait que 8 millions de français ont regardé le mariage du prince Harry et de Meghan, cela veut tout dire. La presse qui se consacre aux monarchies en France se vend toujours très bien d’ailleurs.
RoyalCentral : Les princes français sont–ils apolitiques ou sont-ils engagés en politique française ?
FDN : Le rôle d’un souverain est de rester neutre, d’être au-dessus des partis. Les prétendants au trône de France sortent uniquement de cette neutralité quand la défense du bien commun, de la nation l’exigent. Dernièrement avec la crise des gilets jaunes, ils ont tous pris des positions de soutien aux gilets jaunes qui ont été très médiatisées, notamment avec la déclaration du prince Louis- Alphonse de Bourbon qui a fait le « buzz » en France. Le prince Jean d’Orléans a écrit une longue tribune en faveur de notre constitution, a publié des communiqués sur la sauvegarde de l’environnement ou pour la défense de la langue française. On oublie souvent que les princes de France, notamment la branche des Orléans, ont joué des rôles politiques importants depuis la chute de la monarchie, tout au long de notre histoire. Il serait question aujourd’hui de leur accorder un statut comparable à ce que connaissent les maisons royales en Europe de l’Est. Il est intéressant de noter également que le prince Louis- Alphonse de Bourbon est extrêmement politique en Espagne (comme tous ses prédécesseurs d’ailleurs), depuis que le gouvernement espagnol a décidé de déterrer son arrière-grand-père, le général Franco. C’est un proche du mouvement Vox. Ses prises de positions ne sont pas forcément toujours appréciées que ce soit de la part de ses adversaires ou même chez ses propres partisans très divisés entre légitimistes modernistes et légitimistes ultra-catholiques. Bien qu’il soit dans son rôle de prince «très chrétien». Tous deux ont des comptes twitter ou pages Facebook qui informent les français de leurs points de vue ou actions
RoyalCentral : La France a récemment connu une période agitée avec la rébellion des gilets jaunes. Est-ce la fin de la cinquième République française et cela peut-il aider la France à redevenir une monarchie ?
FDN : Soyons clairs. Pour que la France retrouve sa monarchie, il faudrait un profond bouleversement qui amène les français à réclamer le retour d’un roi. Ou d’un empereur. Aujourd’hui, la question n’est pas posée. D’abord parce qu’en France, la constitution empêche la remise en cause des institutions républicaines, ensuite parce les français ne connaissent pas les princes. Si Louis-Alphonse de Bourbon conserve une image très people, l’affaire Franco n’agit pas en sa faveur. Le caudillo est largement détesté en France. Le prince Jean a entamé une reconquête du terrain politique depuis des mois, surtout à travers les réseaux sociaux qu’il consulte beaucoup. Ne parlons pas du prince Jean-Christophe Napoléon qui est un quasi inconnu du public. Et si on ajoute les divisions idéologiques parmi les mouvements monarchistes, il va falloir encore du temps avant que la monarchie ne revienne en France même si l’idée fait son chemin encore une fois depuis une décennie en France grâce aux actions de mouvements militants comme l’Action française ou la Nouvelle action royaliste. A moins qu’un prince Orléans ou Bourbon tente un jour de se présenter à une élection. Le prince Charles Napoléon s’est fait élire conseiller municipal ou adjoint au maire d’une grande ville à diverses reprises avec de forts scores.
RoyalCentral : Pensez-vous que la France peut redevenir une monarchie ?
FDN : Bien sûr. La France a connu plusieurs tentatives de restauration de la monarchie. D’abord entre 1870 et 1873 avec le comte de Chambord, en février 1934, c’était le but final de l’Action française lors des émeutes, en 1942 avec le prince Henri d’Orléans qui a tenté de prendre le pouvoir en Algérie française après avoir fait assassiner le dauphin du maréchal Pétain, l’Amiral Darlan et enfin dans les années soixante avec le général de Gaulle qui souhaitait faire du comte de Paris, son successeur. Henri d’Orléans aurait même dû se présenter à l’élection présidentielle de 1965 mais hélas le général de Gaulle a décidé de se représenter. La France peut redevenir une monarchie. Aujourd’hui, et encore plus avec la crise des gilets jaunes, les français se cherchent une nouvelle alternative, un nouveau régime qui les rendent fiers de leurs histoire nationale. La monarchie en est une. Un sondage paru en 2016 affirme que 17% des français souhaiteraient la restauration de la monarchie. Il manque malheureusement et cependant aux royalistes français un vrai leader charismatique capable de les rassembler au-delà de leurs divisions. Par contre il est évident qu’ils n’accepteront pas le retour d’une monarchie absolue telle qu’elle est réclamée par la minorité ultra catholique de la Légitimité. Les deux princes, Louis-Alphonse de Bourbon et Jean d’Orléans, sont tous les deux en faveur d’une monarchie constitutionnelle. A une nuance prête. Pour le 1er, il faut la repenser, le second la souhaite dans le modèle de la constitution actuelle.
RoyalCentral : Êtes-vous vous-même un partisan des Bonaparte, d'Orléans ou de la famille Bourbon et pourquoi ?
FDN : Je suis journaliste-monarchiste Je préfère rester en dehors des querelles partisanes qui divisent les royalistes. Mon rôle est donc d’informer, de rester neutre. Même si parfois, ce que j’écris ne plaît pas aux partisans de l’un comme de l’autre. Toute vérité n’est jamais bonne à dire dit l’adage.
Oskar Aanmoen 22/04/2019
Date de dernière mise à jour : 26/04/2020
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